À mon dernier passage à Rouyn-Noranda, le mercure frôlait les -35°C. Gros contraste avec la presque canicule que nous avait réservée la division abitibienne de Dame Nature, contribuant à faire de cette 13e édition du FME un record autant au niveau du nombre d’entrées que du niveau d’agrément.
Difficile chaque fois de résumer 4 jours d’expériences extrêmes (passer d’une performance acoustique de Dany Placard au set le plus intense de Kid Koala qu’il m’ait été donné de voir, et ce, en moins d’une heure, y a de quoi pratiquer sa flexibilité musicale), d’avalanche de bons spectacles et d’anecdotes surréelles. J’éprouve chaque fois un besoin de décanter quelques jours l’expérience rouyn-norandienne, de stratifier cet amas de bonheur pour mieux le raconter.
Je me lance, donc.
Commençons avec la scénographie hallucinante de la directrice artistique Karine Berthiaume, qui s’est surpassée cette année.
Le travail de la dame se déclinait autour du serpent, créant des tableaux poétiques et ludiques (on pense au jeu de serpents et échelles grandeur nature devant la 7e, au pied de l’emblématique FME rouge, notamment). C’était facile de trouver son chemin dans Rouyn pour les très nombreux 5 à 7 gratuits: chacun des bars participants était orné d’un serpent de bois jaune géométrique, ajoutant à l’impression que le FME s’empare véritablement de la ville.
Vous l’avez sûrement déjà lu, mais c’est impossible de passer sous silence le travail des très nombreux bénévoles et de l’équipe du festival pour faire passer aux festivaliers la meilleure des fins de semaine. Et ça fonctionne. On a notamment pu profiter d’un tour de ponton sur le lac Flavrian, juste avant de reprendre le marathon de spectacles. Magique.
Et c’est sans parler de l’organisation au quart de tour: en plus de la programmation plus touffue d’année en année, pas moins d’une dizaine de shows surprises – une des forces du festival, dont c’est la signature depuis de nombreuses années – se sont ajoutés en cours de route. Je vous en reparle plus bas.
Le disquaire Joubec a eu pour la deuxième année la bonne idée de déménager son commerce dans Noranda, profitant du sérieux achalandage de la 7e rue. Éric Raymond avait demandé à la chocolaterie Le Gisement, l’atelier de sérigraphie artisanale Deathproof, qui rend justice à la beauté brute de l’Abitibi, et au barbier Franz Authentische, qui a été plus qu’occupé toute la fin de semaine, de l’accompagner dans l’aventure. Une réussite!
C’est d’ailleurs dans l’antre temporaire du disquaire qu’on a assisté, comme on le disait, au dernier show secret du festival: un Dany Placard en solo plus qu’heureux que les gens entassés reprennent en choeur les refrains de ses chansons avant même qu’il n’ait à le demander. C’est dire à quel point les chansons de son dernier Santa Maria ont fait leur chemin depuis le lancement au Cabaret de la dernière chance, un an plus tôt.
Dans cette catégorie de concerts impromptus donnés dans un contexte plus que particulier, mentionnons l’excellente performance intime de Félix Dyotte dans une chambre d’hôtel, armé de sa guitare et d’un verre de jus d’orange. Une fillette présente l’a même gratifié d’un « Bravo beaucoup! » en fin de concert. À quoi s’ajoutaient les deux spectacles de l’Australien Hein Cooper (sur étiquette Indica), dont la voix haut perché et les mélodies aériennes en ont gagné plus d’un, ou encore le duo fraternel français Ropoporose, dont la force de frappe mélodique a su se tailler une place dans notre coeur très rapidement. On a malheureusement manqué Loud Lary Ajust sur un terrain de soccer sous le soleil tapant, mais reste que l’équipe du FME connait la recette pour créer l’occasion et garder ses festivaliers à l’affût, heureux.
Philémon Cimon a lancé son troisième opus, Les femmes comme des montagnes, dans un Cabaret de la dernière chance caniculaire, alors que Philippe Brach jouait pour la première fois en formule band les pièces de son deuxième disque, Portraits de famine, devant une foule compacte. On ne vous en dit pas plus pour des deux-là: des textes plus complets sur chacun sont en voie d’être publiés ici même.
Dans les moments de rock hautement satisfaisant, notons la présence de Barrasso, qui a garroché ses mélodies avec la force de frappe nécessaire. Corridor, en 5 à 7, a livré son rock ciselé comme on l’aime. C’était peut-être une trop grande charge de décibels pour les festivaliers en début de journée, mais reste que pour qui l’attendait, c’était un moment fort agréable. Galaxie s’est montré à la hauteur de sa réputation, deux fois plutôt qu’une. Une décharge de rock par de saprés musiciens.
Navet Confit a très bien présenté son nouveau-né LOL, à paraître le 18 septembre prochain. Accompagné des fidèles Lydia Champagne à la batterie et du bassiste Carl-Éric Hudon, il a livré ses bijoux d’absurdité punk l’un après l’autre, avec une apparition surprise d’Annie-Claude Deschênes, qui venait tout juste de terminer sa performance électrique avec Duchess Says (un autre spectacle haut en intensité). Jesse Mac Cormack nous a soufflé avec ses mélodies à vif et sa voix rocailleuse. Rarement a-t-on vu trois basses à la fois sur la scène de l’Agora des arts: le résultat était plus que probant.
Que dire de l’onde de choc générée par les Fleshtones au Diable Rond? Disons simplement que même si on avait été avertis, rien ne pouvait réellement nous préparer à ce que nous ont servi ces rockeurs qui n’ont rien de papis. Multipliant les bains de foule, dont une fois pour faire un concours de push-ups, ils ont laissé la photographe Lou Scamble et le chanteur Louis-Philippe Gingras au contrôle de leurs instruments pendant un instant, et ont partagé sans relâche leur énergie sans égale. La majorité des gens présents, complètement éblouis par le spectacle, sont sortis avec un mal de joues à force d’avoir trop souri.
Safia Nolin, après avoir multiplié les prestations intimes au courant de la fin de semaine, a finalement eu droit à une Agora des arts remplie de curieux et de fans. À voir une poignée de personnes massées devant la scène, entonnant tous les refrains avant même que soit sorti son album Limoilou, on peut s’attendre à ce que la jeune femme connaisse un sort semblable à Dany Placard et qu’elle ne soit pas seule à parler de son igloo à sa prochaine visite à en sol abitibien. Pour l’instant, on a pu apprécier la puissance et la beauté de sa voix, et vivre la drôle de sensation d’avoir des frissons malgré la moiteur lourde régnant dans la salle.
Le prix de la catégorie expérience inédite est décerné au duo performatif Geneviève et Matthieu (qui travaillent aussi à la galerie L’écart et dont on avait fait le portrait ici). Dans le centre d’exposition au coeur d’une magnifique bibliothèque, ils ont livré un spectacle inénarrable, alliant performances et chansons et nous faisant plonger au coeur de leur Jamésie mystique. À ne manquer sous aucun prétexte à votre prochain passage.
Une autre belle découverte aura été Chapelier Fou, quatuor français intégrant synthétiseurs, violon, clarinette et violoncelle dans une construction sonore qui s’étire comme un voyage au-dessus des nuages. Ne manquait que la voix suave de Charles Tisseyre (c’est de la musique instrumentale), et je me serais crue dans une expédition spéciale. Une trame sonore parfaite pour ses déplacements.
Comme on le mentionnait un peu plus haut, on a terminé notre périple FMEsque avec Kid Koala, qui a offert une performance jouissive. Non content de rendre la foule complètement en transe grâce au classique nordique La Bitt à Tibi de Raôul Duguay, il n’a pas hésité à braver la chaleur et à enfiler son costume de koala pour venir animer la foule. Nous avons tellement dansé que les courbatures m’ont rattrapée une fois rendue à Montréal. Comme quoi, le FME, ça laisse des traces dans le coeur et dans le corps. À l’année prochaine belle Rouyn-Noranda, et merci encore.
FME
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