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Les attachés de presse s’adaptent pour continuer malgré la crise

Les attachés de presse s’adaptent pour continuer malgré la crise

Festivals, concerts, inaugurations de lieux et autres événements rassembleurs sont suspendus pour une période indéterminée. Pour beaucoup de relationnistes de presse, c’est le coeur du métier. Quelle stratégie la profession met-elle en place pour traverser cette période? Comment envisage-t-elle l’avenir? Rencontre avec deux attachées de presse qui nous racontent leur manière de gérer ce basculement.

Pour Pomeline Delgado, attachée de presse pour Indie Montréal dans le domaine musical, le printemps est une saison normalement très occupée. Mais dès la première mesure interdisant les événements de plus de 250 personnes, plusieurs artistes qui s’apprêtaient à lancer des albums ont dû revoir leurs plans.

«Nous avons dû nous réajuster, être à l’écoute des artistes et leur donner le plus de conseils possible, explique la relationniste pour qui les espaces dans les médias se sont restreints. Je pense que les gens ont besoin d’avoir de l’actualité culturelle présentement, changer un peu de sujet par rapport à la COVID-19. Et certains journalistes sont très réceptifs. Mais d’autres nous disent qu’ils parlent uniquement de l’actualité, en particulier les journalistes généralistes qui ont tendance à délaisser le culturel en ce moment ou à l’aborder sous des angles plus larges.»

La crise: un moteur de créativité

L’attachée de presse, qui travaille avec une petite équipe de travailleurs autonomes, n’a pas eu à faire de mise à pied. Mais elle mesure sa chance de bénéficier du plan canadien d’urgence. «Tous nos contrats sont tombés et les échéances de paiement sont remises à plus tard, confie celle qui craint également des difficultés pratiques à la levée du confinement. J’ai peur qu’il y ait un engorgement cet automne. Nous aurions plus de contrats, mais aussi des difficultés à obtenir des couvertures s’il y avait une floraison d’événements. Surtout que nous travaillons avec beaucoup d’artistes émergents et la découverte risquerait de passer au second plan dans un tel contexte».

«C’est un gros coup dur pour le milieu culturel et j’espère que nous allons nous en sortir, mais je suis souvent d’humeur optimiste et j’essaye de l’être actuellement.»

Selon la professionnelle des communications, certains artistes vont s’adapter à la situation en sortant leur matériel de manière numérique, avec un concert virtuel de lancement par exemple. Des adaptations temporaires qui pourraient amener un changement durable dans la manière d’exercer le métier, selon Pomeline Delgado. «Ce ne sera plus comme avant. Nous devons nous adapter et je crois que notre métier va évoluer vers des choses créatives et numériques, vers le web promotionnel plutôt que traditionnel», estime-t-elle. 

Pomeline Delgado.

Des projets à promouvoir, il risque d’y en avoir dans les prochains mois, car le confinement pousse certains à la créativité. «Je collabore avec beaucoup d’artistes qui travaillent sur un album même si ce n’était pas prévu! D’autres sont angoissés par la situation et n’ont au contraire pas de créativité, mais je pense que dans la majorité de cas ils sont en création, se réjouit Mme Delgado, qui s’attache à rester positive. C’est un gros coup dur pour le milieu culturel et j’espère que nous allons nous en sortir, mais je suis souvent d’humeur optimiste et j’essaye de l’être actuellement. Si nous arrivons progressivement à trouver des façons de faire des concerts avec la distanciation physique, ou si le problème ne dure pas deux ou trois ans, je crois que nous allons nous en sortir et que cela va créer de nouvelles opportunités». 

La stratégie de la relationniste en musique est donc de s’adapter et d’innover, sans perdre espoir de se reconnecter au réel après la tempête. Elle estime également que le public se rend compte de l’importance de la culture et des concerts. «Le jour où nous arriverons à organiser de vrais concerts avec du monde dans une pièce, certains auront peur, mais je pense que la majorité des mélomanes seront encore plus partants.»

Continuer à apporter du rêve

Pour Julie Payette, attachée de presse à l’agence V2com newswire, la crise a rendu quelques adaptations nécessaires. Son secteur d’activité: les projets de toutes tailles dans le domaine du design, de l’architecture et de l’art de vivre.

Dans ce domaine aussi les événements (inaugurations d’hôtels et de restaurants, notamment) ont baissé le rideau. Mais l’agence de relations de presse s’est centrée sur ses autres activités, et un marché mondial.

«C’est l’art qui nous permet souvent de passer à travers bien des moments difficiles et qui continue de nous nourrir.»

«Certains clients, comme les plus petites agences de design, d’architecture ou les indépendants, profitent de ce moment plus calme pour s’occuper de leur promotion et monter leurs dossiers de presse, constate la professionnelle dont l’activité dans l’évènementiel était déjà limité avant la pandémie. Nous lancions de grands événements quelquefois par année – comme l’ouverture de l’hôtel Four Seasons l’année dernière – mais c’était assez minime. Nous pouvons généralement promouvoir des projets d’architecture et de design à partir du matériel de presse que nos clients nous soumettent. Tous projets réalisés au cours des derniers 6 mois ou 1 an peuvent être promus auprès de la presse nationale et internationale.»

Le contexte actuel a cependant gelé les communications dans certains contextes, nuance Julie Payette. «Certains ne peuvent pas aller de l’avant, car leurs propres clients ne veulent pas qu’ils fassent la promotion de leur projet en ce moment. Cela peut être le cas par exemple pour une agence de moyenne taille qui aurait un client en hôtellerie», explique-t-elle.

Mais pour l’attachée de presse, il est encore plus important d’apporter du rêve en ce moment. «Nous souhaitons continuer à promouvoir la création et penser à autre chose. Aller marcher, voir de belles oeuvres, cela fait du bien à l’âme et à l’esprit. C’est l’art qui nous permet souvent de passer à travers bien des moments difficiles et qui continue de nous nourrir, lance celle qui s’estime chanceuse de continuer à travailler. Ce qui nous permet de bien aller et de poursuivre nos activités, c’est que nous continuons à avoir des missions et des projets. Tant que nous avons de l’interaction, qu’elle soit virtuelle ou pas, cela nous permet d’avancer.»

Julie Payette.

Mais Julie Payette ne cache pas ses difficultés financières. «Cela rentre moins, car beaucoup de clients sont arrêtés, ont eu autre chose à faire, ou ne peuvent pas faire photographier leurs projets. Nous continuons des mandats pour lesquels nous avons déjà été payés ou pour lesquels nous serons payés plus tard.»

L’agence dispose par ailleurs d’une planche de salut pour traverser la crise: sa clientèle asiatique. «Depuis un mois, nous nous sommes vite retournés vers la Chine, Taiwan, Hong Kong ou la Corée qui n’ont pas été aussi touchés ou commencent à ressortir de tout cela, explique la relationniste. Nous avons lancé une promotion soft par courriel et par téléphone pour leur dire que nous étions toujours là pour eux et que les médias sont là, à l’affût plus que jamais de projets à publier».

La petite taille de l’agence a été un atout pour s’adapter au jour le jour, et la subvention gouvernementale a été déterminante pour conserver l’équipe de six personnes qui utilise le temps disponible pour effectuer du travail de fond: revoir certains outils de promotion, travailler sur le marketing, etc.

Mme Payette envisage sereinement la reprise. «Il faut rester à l’écoute. Nous espérons que cela va revenir tranquillement». Avec peut-être des changements durables, comme du travail à distance plus fréquent, mais aussi des projets innovants liés au nouveau contexte. «Nous recevons des projets au niveau de la signalisation, ou qui répondent à des préoccupations de court terme. Avec la distanciation, il y a beaucoup d’idées qui sortent en ce moment: la façon de répartir les chaises dans un restaurant, l’aménagement des bureaux, etc. Il y aura aussi probablement un impact sur l’utilisation de matériaux recyclés, et davantage d’achats locaux», anticipe l’attachée de presse. Des points positifs dans cette crise majeure.

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