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L’après Covid-19: Jérôme Glad nous invite à investir les milieux de vie de proximité

L’après Covid-19: Jérôme Glad nous invite à investir les milieux de vie de proximité

En temps de crise, il peut être périlleux de penser à l’avenir. Mais nombreux sont les entrepreur.es, les OBNL, les créatrices et créateurs de solutions qui cogitent sans cesse et continuent de nourrir des projets. Nous avons souhaité donner la parole à celles et ceux qui devancent un peu notre réalité et osent avoir des idées de progrès pour l’avenir. À quoi rêvent les entrepreneur.es pour le monde post-pandémie?

Plusieurs Montréalais.es s’imaginent déjà passer l’été les pieds dans le sable du Village au Pied-du-courant, s’émerveiller en écoutant un inconnu jouer du piano au coin de la rue, se promener dans les allées colorées et parfumées des marchés ou encore retrouver des amis aux Jardineries du stade olympique. Depuis 2015, La Pépinière permet aux citoyens de se réapproprier leur ville. Avec ses nombreux espaces collectifs, l’OBNL sublime l’expérience citadine et permet plus de connexions entre les gens. Ces espaces publics, devenus des lieux de rendez-vous incontournables pour plusieurs, permettent également de diffuser la culture locale, d’organiser des événements rassembleurs, de faciliter l’agriculture urbaine, la vie de famille, les échanges, le partage de connaissances et la fortification du lien social.

Pendant cette pandémie, l’équipe de La Pépinière ne chôme pas et, plus que jamais, désire façonner et promouvoir des lieux vivants et rassembleurs. L’organisme estime que le changement passera notamment par des relations de proximité et souhaite ainsi que chaque quartier détienne son espace de cohésion, sa place du village. On en discute avec le cofondateur Jérôme Glad.

Jérôme Glad.

Avec la pandémie et le confinement, qu’est-ce qui a changé pour La Pépinière et ses activités? 

Ce qu’on vit est un peu paradoxal, à la fois très stimulant et en même temps insécurisant. L’isolement que tout le monde vit permet de mettre en lumière beaucoup d’éléments qui sont au coeur de notre mission. Par exemple, le besoin du lien social, le besoin de nos espaces publics de proximité, ou le besoin d’être bien chez soi, dans son voisinage, et de trouver une forme de voyage au coin de la rue.

Avec l’annulation de tous les grands rassemblements et la potentielle fermeture prolongée des frontières, on sent que les places et parcs de quartiers deviendront des lieux prisés pour la vitalité culturelle, sociale et commerciale des milieux de vie. On sent que la valeur de ce qu’on a à offrir aux populations n’a jamais été aussi claire. Et puis s’il y a bien quelque chose qui peut ouvrir cet été, ce sera certainement nos petites places de proximité qui prennent vie avec 20, 50, 100 personnes, sans dépendance à de grosses affluences. Le petit café dans un chalet de parc, la scénette sur le parvis de l’église, le marché de quartier, la buvette au bord de l’eau, etc. Sauf que pour le moment, tout est sur la glace. Il n’y a pas de cadre clair, et même si nos espaces peuvent s’adapter à la distanciation physique, on ne sait pas encore s’ils seront autorisés.

«Il y aura certainement un intérêt plus fort pour le voisinage, et l’implication des gens pour façonner une meilleure vie dans leur environnement immédiat.»

Les Jardineries. Crédit: Maude Touchette pour Baron Mag.
Marché du nord. Crédit: La Pépinière.

En attendant, avez-vous mis en place des alternatives pour vous adapter face à la situation?

On doit rester agile, car nos espaces peuvent participer à la relance de la vie, le moment venu. On souhaite se centrer sur la création de places de quartiers et de petites plages qui permettront aux résidents de revivre, de voyager dans leur propre ville. Ce qu’on souhaite faire, dès qu’on le pourra, c’est bâtir les équipements nécessaires de certains projets, pour qu’ils puissent se déployer au fur et à mesure du déconfinement. Des installations pérennes, pas éphémères. Mettre en place des halles, des terrasses publiques, des bacs de plantations, des aires de jeux libres et des gazebos, pour que le moment venu, ces lieux puis servir à la déambulation, puis au loisir, puis pour des marchés de quartier, puis pour sortir en terrasse, puis faire des activités culturelles de petite à moyenne envergure selon ce qui sera permis.

En parallèle, on se concentre sur le développement. On prépare de nouveaux projets et programmes porteurs. C’est un temps de recul qui a du bon. Et on soutient une multitude d’autres porteurs d’initiatives grâce à 2 programmes d’accompagnement qu’on a mis en place.

Après la pandémie, selon vous, comment vont évoluer les différentes initiatives de réappropriation urbaine? Les citoyens vont-ils souhaiter plus d’espaces communautaires aménagés?

Les gens réapprennent à faire les choses par eux même, à partir de zéro: faire son propre pain, son propre potager, etc. C’est possible que cette conscience émergente qu’on peut faire les choses par soi-même amène les gens à réaliser qu’ils peuvent aussi se réapproprier leur ville.

Il faut aussi dire qu’en ce moment, on vit notre ville très différemment; les gens découvrent davantage leurs voisins, expérimentent la vie de village, en restant toujours dans un petit périmètre entourant la maison, sauf pour de grandes balades à l’occasion. Il y a moins d’autos, alors les enfants jouent davantage dans la rue, c’est moins bruyant, le rythme est plus lent, les oiseaux reviennent et on s’émerveille de la nature qui revient.

Quand les choses vont revenir à la normale, on va peut-être réaliser qu’il y a plein de choses désagréables qu’on avait prises pour «normales», mais qu’on voudra changer. Par exemple, les mesures d’apaisement de la circulation, pour diminuer la place de l’auto et pouvoir refaire des rues des vrais milieux de vie plutôt que de simples lieux de transit et entreposage d’autos. En résumé, il y aura certainement un intérêt plus fort pour le voisinage, et l’implication des gens pour façonner une meilleure vie dans leur environnement immédiat.

Crédit: La Pépinière.

«Il faut investir dans nos villages, nos identités de quartiers, nos petits bords de fleuves excentrés, amener de la magie dans le quotidien, pas juste dans de grands espaces centraux ou événements.»

Place du marché Atwater. Crédit: La Pépinière.

Quelles transformations souhaitez-vous pour l’urbanisme et Montréal?

Définitivement qu’on investisse davantage dans les milieux de vie de proximité. Nous voyons Montréal comme une ville de villages, et il faut renforcer ça. Il faut arrêter de penser par de grands projets urbains ou de grands événements qui créent des lieux de destination et beaucoup de déplacement. Il faut investir dans nos villages, nos identités de quartiers, nos petits bords de fleuves excentrés, amener de la magie dans le quotidien, pas juste dans de grands espaces centraux ou événements.

Le Village au Pied-du-courant. Crédit: Maude Touchette pour Baron Mag.

Les places de quartiers ont un rôle à jouer pour rythmer le pouls de ces coeurs de villages. Et pour en faire des lieux vivants et rassembleurs, on croit fermement que ces espaces doivent être co-gérés par des organismes de valorisation et animations.

Dans un contexte d’après-crise, où la Ville vivra une période de rigueur budgétaire, mais où le besoin des gens pour se rassembler sera d’autant plus fort, la démultiplication du nombre d’organismes de gestion d’espaces publics sera stratégique. Ils permettent aux villes de déléguer des responsabilités et d’offrir plus de services à la population. Ces organismes peuvent développer des modèles d’affaires qui ne dépendent pas à 100% de fonds publics. Et puis ces organismes sont créateurs d’emplois. C’est une avenue qui, on l’espère, sera explorée, car dans un contexte de relance économique et sociale, c’est une stratégie gagnant-gagnant qui crée de l’emploi directement au service de l’amélioration des milieux de vie.

〰️ Vous souhaitez en savoir plus? La Pépinière organise une conférence gratuite sur Zoom le 30 avril prochain: «Les organismes de mise en valeur d’espaces publics pour la relance post-COVID».

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