C’est lors de son baccalauréat en arts visuels à l’Université Concordia, à travers un cours sur le papier dans le département des arts de la fibre, que Sophie P-Voyer a vu un manque à combler. En avril 2018, elle crée l’Atelier Retailles où elle conçoit du papier fait à la main grâce à des tissus recyclés. L’atelier propose aussi la location de l’espace et d’équipements pour les artistes, ainsi que l’enseignement des techniques.
S’inscrivant au sein d’une démarche de réduction des déchets de production, l’artiste offre aussi son expertise de transformation de fibre et de fabrication de papier sur mesure pour les entreprises et les particuliers.
L’entrepreneure voulait avant tout concevoir son propre papier pour ses projets créatifs. «Le papier, souvent on va l’acheter, on le touche, on le plie, mais on ne sait pas comment c’est fait ni ce qui donne les propriétés qu’on a devant les yeux. En faisant le papier moi-même, je peux juger d’une certaine épaisseur, texture, transparence. J’ai le contrôle sur ces paramètres, même sur la forme, car ça n’a pas besoin d’être un rectangle», insiste-t-elle.

Le travail de Sophie P-Voyer débute auprès des designers de vêtements locaux chez qui elle récupère des fibres naturelles transformées, donc provenant de leurs déchets de production. Elle déchiquette ensuite la fibre, la transforme en pâte à papier, avant de la transformer en feuilles.
«Je trouve que ça permet de mieux comprendre nos matériaux en tant qu’artiste et peut-être aussi d’être conscient de ce qu’on utilise, souligne-t-elle. C’est vraiment génial d’acheter de beaux papiers japonais, mais ça vient de l’autre bout du monde alors que peut-être qu’on est capable de faire quelque chose localement, soi-même, puisque mon projet vise aussi la réduction des déchets.»
Collaboration entre artistes
Mme P-Voyer désire rendre accessible le médium aux artistes. «Je vois vraiment cela comme une matière sculpturale. On peut l’utiliser dans différentes constructions, par exemple de forme 3D. J’incite les gens à découvrir et à faire de la recherche pour voir comment appliquer la pâte à papier. [Il s’agit de] pousser les limites du médium parce que souvent, on voit la feuille de papier comme un support alors que moi j’ai vraiment l’impression qu’elle est une part entière de l’œuvre», s’enthousiasme-t-elle.
Les artistes qui se rendent à l’Atelier Retailles font principalement partie de la relève, comme Véronique Buist qui transforme le fil de coton en pâte à papier pour broder. Leurs projets permettent à Mme P-Voyer de redécouvrir le médium et d’en repousser ses limites.
Cette année, elle développera une programmation d’ateliers connexes à ceux d’introduction qu’elle donnait déjà une fois par mois. Elle proposera par exemple un niveau intermédiaire et des ateliers basés sur la pratique d’artistes, comme Mylène Boisvert sur le filage de papier.
Le papier à l’avant-plan
«Mon grand rêve, ce serait que ce soit suffisant pour supporter ma propre carrière, reconnaît-elle. Pour l’instant, je mets toute mon énergie à développer l’Atelier Retailles comme lieu de rencontres pour les esprits créatifs, les artistes qui sont prêts à mettre les mains dedans et à jouer avec la matière.»
Un autre de ses souhaits serait d’accueillir des artistes en résidence qui viendraient développer leurs projets avec un accompagnement dans un laps de temps déterminé.
📃 Atelier Retailles
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