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René Huard: Au rythme de la bière et des internets

René Huard: Au rythme de la bière et des internets

Les Bâtisseurs x Baron en collaboration avec le festival Bières et Saveurs de Chambly

L’humour, l’engagement et l’intuition. Trois mots qui collent bien à la personnalité de René Huard, fondateur de Simple Malt Brasseurs et copropriétaire du Ninkasi Simple Malt, un bar situé sur la rue St-Hubert à Montréal. D’abord consultant en informatique et initiateur du forum Biéropholie alors que l’Internet en était à ses balbutiements, cet avant-gardiste fait désormais partie des piliers du monde brassicole.

L’histoire brassicole de René Huard débute en même temps que ses premiers pas au Cégep de Sherbrooke. Originaire de Weedon-Centre, un petit village du fin fond de l’Estrie qui a fusionné avec d’autres communes pour devenir Weedon, il a rapidement eu le besoin d’économiser de l’argent. «J’étais extrêmement pauvre, mais j’ai trouvé un moyen d’économiser en fabriquant ma propre bière, lance-t-il. Au moment d’acheter mon kit de brassage dans une boutique, le vendeur voulait me vendre un sac de sucre 4 fois plus cher qu’à l’épicerie en jurant qu’il était meilleur.»

Internet n’ayant pas encore été démocratisé, René Huard n’avait d’autres choix que de tester lui-même les dires du vendeur. «Je lui ai acheté un sac, puis un autre à l’épicerie pour vérifier sa théorie… ça goûtait la même affaire», raconte-t-il.

Crédit photo: Pascaline David.

C’est ainsi qu’il débute en tant que brasseur amateur et autodidacte, apprenant au fil de ses erreurs à maîtriser les notions d’hygiène et expérimentant avec du miel et diverses épices. «Mes bières ont longtemps goûté la pomme avant que je comprenne certaines choses», s’exclame-t-il en plaisantant. Toujours est-il que les cégépiens ont, grâce à sa persévérance, eu accès à une boisson pour la modique somme de 15 sous, même si celle-ci n’était pas des plus abouties.

Surfer sur les nouvelles technologies

Dans les années 1990, M. Huard est devenu consultant informatique. «Comme je crevais de faim, je suis parti à Montréal pour travailler et pouvoir me payer une épicerie», confie-t-il. En quelques mois, il est devenu directeur des ventes d’une filiale d’entreprise qui vendait des pièces aux fabricants d’ordinateurs. Il aura fallu trois autres mois pour qu’il quitte son poste afin de lancer sa propre entreprise concurrente.

Quand le web a fait son incursion dans les chaumières, M. Huard a eu l’idée de lancer un forum de discussion consacré à la bière, d’abord nommé Broue puis Biéropholie. «Cela ressemblait étrangement à Facebook, le site s’autoalimentait grâce aux gens qui y postaient ce qu’ils voulaient», indique le Mark Zuckerberg de la bière.

Avec ses collègues informaticiens, il parcourt alors les festivals de bière du Québec pour y installer des ordinateurs «connectés» et ainsi faire découvrir la révolution de l’Internet. Surtout, ce passionné réalise des reportages sur la bière qu’il publie ensuite sur son forum, après une demi-heure de téléchargement.

M. Huard n’a pas tardé à se faire connaître et apprécier des microbrasseries, dont les ventes augmentaient significativement après son passage. Le forum pouvait atteindre jusqu’à 8000 visiteurs par jour.

Courtoisie.

Fier et engagé

C’est en 2003 qu’il brasse sa première bière à plus grande échelle sous l’étiquette Biéropholie, la Double Porter fumée dénommée Calumet, brassée à la microbrasserie Le Chaudron à Montréal. «Le but était d’évoquer la paix, en opposition avec la guerre en Irak», commente-t-il. Le succès de sa création digitale a assuré celui de sa création brassicole: les 220 caisses de 24 bouteilles ont été commandées en 20 minutes.

Entrepreneur dans l’âme, René Huard crée la brasserie Brasseurs Illimités, basée à Saint-Eustache, quatre ans plus tard. La fameuse série Simple Malt, devient rapidement un incontournable. Plutôt que le nom d’origine, qui reste enregistré, l’entreprise continuera à embouteiller sous la dénomination à l’image de sa gamme à succès: Simple Malt Brasseurs.

M.Huard est fier de plusieurs de ses créations qui ont connu un succès retentissant, comme la Magouille, créée en 2011 dans la foulée du Rapport de Jacques Duchesneau, ancien chef de la police de Montréal qui a dénoncé la corruption et la collusion dans la construction au Québec. Le logo de cette bière à la citrouille représente d’ailleurs un panneau de construction habillé d’une citrouille noire fumant un cigare dont les effluves forment un signe de dollar… «Dans la description au dos, j’ai changé les mots pour des synonymes trouvés dans le rapport Duchesneau. Ça nous a valu de passer à Infoman.»

On pouvait y lire: «Recette gagnante où l’intérêt du consortium d’ingrédients est de faire collusion avec le génie de l’expertise structurale afin de favoriser les contributions et les extras par soumission planifiée des divers partis avant l’effondrement collectif qui doit passer par la gorge sans rester pogné de travers. Sinon, il y a risque d’une rectoscopie publique que personne ne veut… S’associe superbement à la pizzo!»

Jamais à court d’idées humoristiques et engagées, M. Huard continue sur sa lancée dès l’année suivante avec la Matraque, une bière qui arbore un carré rouge faisant référence au printemps érable et à la hausse des droits de scolarité. Afin qu’il y en ait pour tous les goûts, il fait en sorte que dans chaque caisse de 20, il y ait une bouteille affublée du carré vert. «Par contre, la verte coûtait plus cher pour correspondre à sa clientèle», précise-t-il en souriant.

Courtoisie.

Aujourd’hui, Simple Malt Brasseurs produit une douzaine de bières, en fonction des saisons. L’hiver, la brune et dense Scotch Ale sort en plus grande quantité, tandis que l’été, c’est la Sorbet, une blanche de Berlin légère à la framboise, qui prend le pas.

La fusion avec Ninkasi

Après avoir racheté le Petit Medley de la rue Saint-Hubert en 2015, René Huard s’est retrouvé gestionnaire de bar. «Quand on n’est pas assez présent dans un bar, on ne peut pas travailler efficacement», souligne le cinquantenaire qui devait parallèlement s’occuper de son entreprise et de ses enfants, à Saint-Eustache.

La fusion avec Ninkasi, bar de la rue Saint-Jean, à Québec, annoncée depuis quelques mois, lui permet ainsi de déléguer cette responsabilité à Mathieu Cloutier, à la tête de l’établissement de Québec depuis 12 ans. Les deux bars de Montréal et de Québec portent désormais le même nom: Ninkasi Simple Malt.

La brasserie de Saint-Eustache devrait également déménager sous peu dans un édifice voisin doté du double de la superficie actuelle, soit 28 000 pieds carrés. Deux nouveaux produits sont prévus, mais le mystère reste entier quant à leurs caractéristiques… Il faudra faire preuve de patience avant d’en savoir davantage!

Crédit photo: Pascaline David.

💥 Simple Malt Brasseurs

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Crédit photo à la Une: Pascaline David.

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