Au secondaire comme au Cégep, Laurence Deschamps-Léger choisissait souvent les cours d’arts plastiques. C’est d’ailleurs elle qui faisait les illustrations pour quelques événements scolaires organisés. «J’aimais ça et je ne pensais pas que cela pouvait être mon métier, dit-elle avec franchise. Je n’ai pas vraiment eu de membres dans ma famille qui étaient entrepreneurs ou qui œuvraient dans le milieu artistique et, c’est pour cette raison, je crois, que le déclic s’est fait plus tard.»
Ses études en développement international l’ont ainsi menée à allier deux de ses passions: l’agroalimentaire et l’illustration. «Je m’intéressais à ce qui se passait ailleurs dans le monde, les inégalités mondiales, les enjeux environnementaux, la justice sociale. Je me suis rendu compte que le droit à la terre, le mouvement des paysans et l’alimentation sont un axe qui relie de nombreuses problématiques que je trouve vraiment importantes. J’ai d’ailleurs fait mon mémoire de maîtrise sur la souveraineté alimentaire. Depuis ce moment-là, mon intérêt n’a fait que grandir», affirme-t-elle, manifestement passionnée.
Crédit photo: Alex Tran
La naissance d’un projet à la fois ludique et éducatif
Laucolo, pour «Laurence qui colorie», est né en 2014 de cette envie d’informer les gens sur l’industrie agroalimentaire à travers l’illustration. Ce nom a également des sonorités qui renvoient au local. «Ce n’était pas mon intention à la base, mais c’est surement mon subconscient qui a parlé!», souligne l’artiste qui croit en l’importance de se nourrir de produits locaux.
Son expérience de travail aux Fermes Lufa lui donne la piqure. «À l’époque, la compagnie en était à ses débuts. C’était mon école d’entrepreneuriat, je m’occupais des communications, du blogue, des relations avec les producteurs, du développement des points de vente. Ça m’a permis de comprendre le système alimentaire québécois. Je voyais tous les arrivages, j’avais accès aux légumes frais directement du toit ou de la ferme. Ç’a été l’incubateur de mon projet.»
Sa source d’inspiration provient de sa volonté de comprendre et d’améliorer le système alimentaire. Au-delà du caractère artistique, voire décoratif, de ses illustrations, l’artiste fait beaucoup de recherches. «Il y a une infinité de choses à apprendre, que ce soit sur la production, la transformation et la diffusion, sur les tendances alimentaires, l’origine de certains fruits et légumes, leur histoire, leurs variétés et évidemment sur qui les cultivent», révèle-t-elle.
Crédit photo: Juk Photographe
Avant de sketcher au crayon, de faire les contours à l’encre et de colorer à l’aquarelle, il y a tout un processus de préparation. Autant pour ses propres projets que pour les contrats qu’elle reçoit.
La phase d’étude est une étape que la travailleuse autonome apprécie particulièrement. «J’aime me plonger dans les encyclopédies et les livres illustrés pour me donner des références et créer ma propre illustration. Parfois, il m’arrive de m’inspirer des vrais aliments surtout dans la saison des récoltes à l’été. Aller au marché et jardiner, c’est mon espace créatif.»
L’illustratrice aime également l’aspect éducatif de son travail. C’est pour cette raison qu’elle a créé un blogue dans lequel elle présente plusieurs femmes œuvrant au sein du domaine alimentaire (chef cuisinière, chasseuse d’épices, etc.). «J’ai pu rencontrer de nombreuses personnes dans ce milieu-là dont des femmes et je voulais mettre en valeur leur travail, transmettre leurs visions des choses entourant l’alimentaire parce que ce qu’elles font est extraordinaire et passionnant.»
«Tomates ancestrales». Courtoisie Laucolo.
Vivre de l’art agroalimentaire
Depuis trois ans, l’illustratrice se consacre à temps plein à Laucolo. Le réseau qu’elle s’est construit grâce à son travail au sein des Fermes Lufa lui a permis entre autres d’obtenir ses premiers contrats d’illustration.
«J’ai des demandes de petites entreprises, de producteurs, d’initiatives relativement locales qui correspondent à ce que j’avais envie de faire», indique-t-elle, heureuse de travailler avec des personnes qui partagent les mêmes valeurs qu’elle. D’ailleurs, pour l’artiste, il n’est pas nécessaire de cogner aux portes, il suffit d’entretenir un réseau actif. «Il ne faut pas être passif. Il faut interagir avec les gens sur les réseaux sociaux, aller dans des événements pour créer des rencontres.»
La jeune femme a notamment collaboré avec Prana Bio, avec l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec (APFFQ), illustré le livre du nutritionniste Hubert Cormier, conçu un design pour l’entreprise Les Urbainculteurs, et bien d’autres.
Aujourd’hui, si elle refuse des contrats, c’est principalement en raison d’un manque de temps. «Pour garder mes projets personnels, créer de nouveaux produits pour ma ligne de papeterie, il faut parfois dire non. Apprendre à dire non, c’est un défi. C’est aussi prendre le risque d’avoir moins de contrats, moins de revenus, mais c’est important de faire ce que l’on aime.»
Laurence Deschamps-Léger aime son travail d’illustratrice pour de nombreuses raisons dont son horaire flexible et son caractère solitaire, mais elle apprécie aussi le travail d’équipe. L’organisme On Sème, un OBNL qu’elle a cofondé en 2016 avec Sara Maranda-Gauvin lui a permis de s’épanouir dans cet aspect collectif, rassembleur ainsi que de pouvoir échanger et comprendre la réalité d’autrui.
Parmi ses projets, deux livres qu’elle a illustrés verront le jour prochainement. Quelques-unes de ses illustrations se retrouveront ce printemps dans le magazine Caribou et elle a également reçu pour mandat d’illustrer les étapes du café, c’est-à-dire de la naissance du grain jusqu’à son arrivée dans la tasse, pour le café H8S situé à Lachine, lieu où elle a grandi.
Il s’agit de divers mandats qu’elle a acceptés avec grand enthousiasme et que les amateurs de son coup de crayon – mais aussi de fruits et légumes joliment dessinés – attendent sans doute avec impatience.
Laucolo
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