Il y a de ces lieux où les sens se bousculent, de ces lieux où la beauté est telle qu’il nous faut l’appréhender un sens à la fois. Dans une ancienne chambre de sa maison ancestrale du 66, rue Saint-Jean-Baptiste à l’Isle-Verte, Marie-Claude Larocque accueille ses clients avec un sourire aussi grand que le fleuve, qui s’étend à quelques pas de là. Depuis dix ans, la Savonnerie Artisanale La Mousse de Mer est, pour les nombreux clients qui poussent les portes de la boutique, synonyme de plaisir des sens.
D’abord, les parfums: orange, conifère, anis, basilic, chocolat, framboise… Puis, les couleurs: des dégradés de fuchsia, de bleu, de vert. Des mélanges de jaune et de mauve, de rose et de doré…Le son des noms donnés aux produits: Brise d’été, Homme heureux, l’Estuaire, Écume de mer… Finalement, les textures: douce, rugueuse, granuleuse. «Ici, les gens veulent non seulement sentir mes produits, mais aussi les toucher. Quand ils viennent dans ma boutique, les gens ne sont pas pressés», explique la propriétaire.
Un espace hors du temps. C’est un peu ça, La Mousse de Mer.
Avec les années, Marie-Claude a élargi la gamme de ses produits pour répondre à la demande de sa clientèle. Des shampoings en barre, des savons végétaliens, au lait de chèvre, à l’eau de mer, des produits pour le corps, des chandelles à la cire de soya…
L’entreprise de Marie-Claude a également de quoi satisfaire les clients soucieux à la fois de la qualité de ce qu’ils achètent et de l’environnement. En effet, le souci écologique de la propriétaire se reflète dans son entreprise: elle offre des produits zéro déchet et le plastique est utilisé seulement pour les baumes à lèvres. De plus, ses savons se résorbent moins rapidement: «Comme je vis dans mon lieu de travail, je ne parfume pas trop mes produits. C’est ce qui fait que mes savons durent plus longtemps. Ils contiennent moins de liquide, donc ils fondent moins vite», affirme-t-elle.
Les parfums, Marie-Claude y est sensible. Les odeurs de varech et les effluves salines provenant du fleuve, c’est ce qui pousse Marie-Claude à poser ses valises avec ses deux filles à l’Isle-Verte en 2010. «Je viens de Drummondville. Mon père possédait un BMR et, après mes études en langues modernes à Sherbrooke, je suis allée étudier en mécanique de bâtiments à Saint-Hyacinthe pour reprendre le magasin familial.» Sauf que le BMR ferme avant la fin de ses études. À Tadoussac, sur des bateaux de croisière dans les Caraïbes, à Gaspé puis à Rivière-du-Loup, Marie-Claude se taille une place dans son domaine d’études. «Dans la dernière compagnie où j’ai travaillée, j’ai senti, plus qu’ailleurs, le poids d’être une femme dans un monde d’homme. Quand je suis passée dans le tordeur d’une fusion de compagnies, j’ai décidé de partir ma propre entreprise.»
Désir d’indépendance, soif de liberté… et les savons, dans tout ça? «Avec ma grand-mère, on faisait des savons quand j’étais adolescente. J’adorais ça! Ça m’a semblé tout naturel de créer ma propre savonnerie!» raconte Marie-Claude. Le bonheur qu’elle s’est créé n’a, pour elle, pas de prix. Elle est en effet passée d’un salaire moyen à… pas de salaire pendant huit ans. «Dans les premières années, je réinvestissais tous mes profits dans mon entreprise, explique-t-elle. Encore aujourd’hui, je vis pas mal des allocations familiales que je reçois. On s’habille dans des friperies, on limite ce qu’on peut limiter…» mentionne la mère de famille soloparentale.
Bien que la pandémie ait mis sa savonnerie à rude épreuve, La Mousse de Mer s’en est bien sortie. Plutôt que des points de vente saisonniers, l’entreprise a, depuis 2020, des points de vente ouverts à l’année. De plus, avant la pandémie, c’était sa boutique à l’Isle-Verte qui, en trois mois, l’été, lui permettait de faire 80% de son chiffre d’affaires. C’est maintenant la boutique en ligne, sur ETSY, qui a pris le relais. «On ne roule pas sur l’or, loin de là, déclare Marie-Claude, mais jamais je ne retournerais en arrière. J’ai choisi d’être bien plutôt que d’avoir de l’argent».
Avant même les effluves du sel et des algues, avant celles des savons et des huiles, c’est peut-être bien l’odeur du bonheur qui pénètre les narines en premier, à l’approche de La Mousse de Mer, voisine du fleuve et de son souffle océanique.
La Mousse de Mer
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*Image en couverture – Marie-Claude Larocque, fondatrice et propriétaire de La Mousse de Mer.
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