Originaire de Suisse, Delphine Meier crée des illustrations énergisantes où cohabitent les formes simples et expressives dans une douce harmonie. C’est avec une joie immense que cette artiste installée au Québec voit son rêve d’être illustratrice indépendante prendre forme depuis quelques temps déjà avec une diversité de projets inspirants notamment pour le Musée National des beaux-arts du Québec, Science magazine et le Magazine MTL642.
Rencontre avec l’illustratrice, qui nous parle entre autres de Montréal, comme un lieu qui lui a permis d’expérimenter et de se décomplexer en tant qu’artiste.
Qui êtes-vous, quel est votre médium de prédilection et pourquoi?
Je m’appelle Delphine Meier et je suis illustratrice vectorielle. J’aime travailler le vecteur, car cela me permet de créer des illustrations avec des formes géométriques et graphiques.
Quelles ont été vos influences artistiques à vos débuts et quelles sont celles d’aujourd’hui?
L’atelier «Eight Hours A Day» m’a beaucoup inspirée dans mes débuts en illustration vectorielle. Aujourd’hui, mes sources se diversifient probablement un peu plus qu’à mes débuts, bien que j’aime toujours autant le travail de Eight Hours A Day, j’aime aussi le travail de It’s Aless MC, Jerôme Masi, Michele Marconi, Tania Yakunova, Giacomo Bagnara et bien d’autres…
Comment organisez-vous votre horaire? Comment planifiez-vous le temps de cerveau disponible à la création et celui accordé à la gestion plus technique de votre entreprise?
Je n’ai pas d’horaire fixe dans ma journée ni dans ma semaine, car cela dépend des projets sur lesquels je suis en ce moment et à quel stade du projet j’en suis.
Par contre, j’organise la manière dont se déroule chaque nouveau mandat avec des étapes bien précises: Je commence par une négociation de contrat ou l’envoi d’un estimé pour mon travail au client qui m’a contacté. Quand le devis est validé par le client, je passe par une phase de recherche d’idées: je propose des options de palettes de couleur, je fais des croquis d’idées et je crée une planche d’inspiration pour donner une idée de là où j’aimerais me diriger, tout cela mis en page dans un document PDF. Quand le client valide un croquis ou une direction, c’est seulement à ce moment que je crée mon illustration en couleur. Comme la création en couleur de l’illustration est ce qui me prend le plus de temps, je préfère procéder par étapes précises avec une phase de recherche au début du projet afin d’être sûre de bien m’enligner sur ce que souhaiterait avoir le client.
Quels sont vos meilleurs trucs pour mousser votre créativité?
Je pars en balade et je réfléchis à des idées, ou je me pose sur mon canapé et je laisse galoper mon esprit avec mon carnet de notes sur les genoux, comme ça dès qu’une idée arrive, je la note ou la dessine.
Quelles sont les outils indispensables pour passer une journée productive?
Un bon café le matin. S’hydrater durant la journée. Faire une bonne pause à midi. Écouter de la musique pour se mettre dans sa bulle ou un podcast quand je passe plus en mode création et que je dois moins réfléchir à un concept. J’ai besoin de me sentir en sécurité et bien dans mon environnement de travail pour passer une journée productive. Si je me sens stressée, c’est là que je me mets à tourner en rond.
Quels ont été les principaux défis auxquels vous avez pu faire face en tant qu’artiste lors de vos débuts?
Me trouver un style d’illustration qui me corresponde. Au début, je ne me faisais pas confiance. J’avais fait des études en graphisme et je ne me sentais pas légitime en tant qu’illustratrice. Ça m’a pris quelques années pour, petit à petit, prendre confiance en moi et trouver ce qui visuellement me correspondait.
Quels sont vos principaux défis aujourd’hui et comment arrivez-vous à les surmonter?
Réussir à me renouveler. Il y a des périodes où je ne crois plus en ce que je fais. C’est souvent une période qui m’indique qu’il va falloir que je teste de nouvelles choses, que je renouvelle un peu ce que je fais. Ce n’est jamais facile, et il faut prendre son courage à deux mains, mais c’est souvent après des périodes comme ça que je me sens à nouveau à ma place et fière de mon travail.
Quelles ont été les personnes marquantes dans votre parcours professionnel?
Les membres d’illustration Québec et la communauté autour de cet organisme. Je trouve merveilleux de pouvoir échanger comme ça avec des personnes du milieu de l’illustration.
Quelle œuvre avez-vous réalisée dont vous êtes la plus fière et pourquoi?
En ce moment, je suis assez contente de mon illustration réalisée pour l’exposition de Frida Kahlo au Musée National des beaux-arts du Québec. C’est typiquement un projet qui m’a demandé de pousser un peu plus loin mon style d’illustration et qui a débouché à un résultat que j’aime encore beaucoup.
Quel regard posez-vous sur votre secteur d’activité au Québec par rapport à ce qui se passe ailleurs dans le monde?
Je suis originaire de Suisse et ai habité quelques années en France (Paris), mais ce n’est qu’en arrivant au Québec que j’ai réussi à «percer» dans le domaine de l’illustration. Je trouve qu’il y a une belle vibe artistique à Montréal, comme si tout était possible, ça m’a beaucoup porté. Comparée à d’autres grandes ville où il faut se battre continuellement pour se faire sa place (comme à Paris et j’imagine New York), Montréal est une ville où il fait bon expérimenter dans les domaines de l’art. J’adore Montréal, et c’est grâce à la mentalité de cette ville que j’ai réussi à me décomplexer et me créer en tant qu’artiste.
Quel est le pire ennemi et le meilleur allié d’un artiste?
Le pire ennemi d’un artiste est à mon avis le stress, parce que le stress bloque la créativité. J’ai travaillé dans plusieurs agences de publicité où on était constamment mis sous pression, je me suis souvent retrouvée dans la situation où j’étais tellement stressée que je n’arrivais à plus rien créer de nouveau, comme une coquille vide.
Le meilleur allié d’un artiste, c’est probablement de se sentir bien là où on travaille, mais aussi d’avoir des gens de confiance avec qui communiquer. Quand on est bloqué sur une question, qu’on a un doute, de pouvoir se tourner vers quelqu’un qui donnera un avis extérieur à la situation peut vraiment beaucoup aider.
Que faut-il avoir pour atteindre votre point d’équilibre personnel?
Wow, l’équilibre personnel, c’est des grands mots. Je ne sais pas si quelqu’un peut affirmer avoir trouvé son équilibre personnel un jour. Personnellement, je ne parlerais pas d’équilibre, car c’est souvent dans le «déséquilibre» qu’on se challenge le plus et qu’on avance. C’est important de se remettre en question et de chercher plus loin, toujours.
Que changeriez-vous, si vous aviez la chance de revenir en arrière?
J’aurais peut-être aimé faire des études en art, mais qui sait, peut-être que je ne serais pas où j’en suis aujourd’hui si j’avais choisi cette voie!
Quel(s) conseil(s) donneriez vous à quelqu’un qui souhaite vivre de son art?
Ne pas abandonner, continuer à chercher, expérimenter, se renouveler, c’est à mon avis le meilleur moyen pour réussir à devenir un/e illustrateur/rice professionnel/le accompli/e.