La gastronomie locale en bocal: voilà la formule que propose depuis l’été 2019 Bocobistro, un concept de cuisine de bistrot offerte dans des bocaux en verre. Les visages derrière ce service traiteur montréalais situé près du Métro Beaudry sont ceux de Véronique Gratton et Cyrille Leglise, un couple d’entrepreneurs dans l’âme qui accumulent déjà 25 ans d’expérience dans la restauration.
Elle est l’entrepreneure, il est le chef de la cuisine et de la production. Après une rencontre dans un restaurant caribéen, la Montréalaise Véronique Gratton et le Lyonnais Cyrille Leglise s’installent à Montréal en 1999 pour y ouvrir le leur, Au p’tit Lyonnais. Le couple s’envole vers de nouvelles aventures à l’international avant de revenir au Québec en 2014, avec entre les mains une cargaison de bocaux et en tête l’idée de servir une cuisine de bistrot.
Du bocal au restaurant
«On connaissait déjà ces bocaux. Cyrille avait déjà eu l’occasion de faire des stages en traiteur et de travailler avec en France. C’était relativement récent à l’époque», explique Véronique Gratton. «On a un peu dévié avec notre restaurant avant Bocobistro, Le Comptoir Lyonnais. On a commencé à travailler avec les bocaux dans ce restaurant, mais à l’époque les gens tiquaient un peu. On sentait que ce n’était pas encore le bon moment. Ils posaient leur veto pour le bocal qui est quand même assez cher.» Un prix qui se justifie par une consigne remboursée et par un fait: il ne s’agit pas de n’importe quel bocal. Esthétique, le bocal en question ne crée pas de transfert de chaleur quand on le réchauffe, comme avec un contenant en plastique, et permet qu’on y mange directement.
L’idée de base du couple? Mettre leur cuisine dans ces bocaux et les pasteuriser afin que ceux-ci soient scellés. «Le bocal se conserve 30 jours au réfrigérateur. On a développé le principe au fil du temps et dans notre ancien restaurant, où certaines personnes nous disaient de mettre la nourriture dans un autre contenant. Mais ça ne fait plus vraiment de sens, l’intérêt est de pouvoir le garder.» La cofondatrice remarque que la pasteurisation, assez complexe, n’est pas très connue ou très développée au Québec comme mode de conservation en ce qui concerne les plats réguliers. «Habituellement, on est soit dans le prêt-à-manger, en supermarché par exemple, mais c’est du frais qui reste bon sept jours, soit dans le congelé proposé par des entreprises de prêt-à-manger. On a choisi l’intermédiaire.»
Bien manger sans gâcher
L’implication écologique était fondamentale aux yeux du duo à l’origine de Bocobistro. «C’est primordial pour moi de pouvoir faire un système de consigne et de retour, de ne pas avoir de déchets. On le sait, tout ce qui est traiteur, même en entreprise, fait des tonnes de déchets par année quand c’est fait dans des petites boîtes en carton ou en plastique», révèle Véronique Gratton, dont les partenaires partagent les mêmes valeurs, comme la jeune épicerie zéro déchet BocoBoco, qui distribue les produits de Bocobistro sur sa boutique de vrac en ligne.
Pour la partie traiteur, Bocobistro récupère 100% des contenants livrés après chaque événement. Les bocaux sont ensuite stérilisés, lavés et réutilisés dans un circuit fermé. «Pour la clientèle individuelle, il y a sur la boutique en ligne un système qui permet que les consignes soient automatiquement ajoutées à la commande. Lorsqu’on veut commander à nouveau, on a une section pour le retour des consignes. Celles des nouveaux bocaux sont sur la facture, on retourne les bocaux de l’ancienne commande et ainsi de suite.» À ses débuts à l’automne 2019, le service prend de l’ampleur grâce aux nombreuses demandes des entreprises. Au centre-ville notamment, Bocobistro proposait des machines distributrices de bocaux. «Les gens pouvaient se servir et il y avait un système de retour des bocaux que nous récupérions à chaque fois», précise Véronique Gratton.
Se renouveler par le particulier
Alors que la Covid-19 frappe au mois de mars dernier, l’activité traiteur et auprès des entreprises s’arrête du jour au lendemain. Bocobistro se tourne alors vers les particuliers. «On a créé la boutique en ligne avec livraison à domicile. On s’est dit que ce serait le bon moment pour le faire, car les gens avaient besoin de repas préparés de façon sécuritaire et de bonne qualité, comme les bocaux peuvent se conserver assez longtemps et sont pasteurisés.» Le télétravail force l’entreprise à se renouveler, qui décide alors d’investir les marchés extérieurs pour rencontrer ses clients. «On s’est fait connaître sur les marchés fermiers et estivaux, sur le plateau, au métro Laurier et à Angus. On a pu avoir des retours et on a vu que ça fonctionnait très bien. Les gens adhéraient beaucoup et ramenaient leurs bocaux chaque semaine. On a fait ça tout l’été jusqu’à la fin du mois d’octobre.»
À la place de la salle à manger désormais fermée, Bocobistro présente une partie épicerie avec des produits locaux, en bocaux, en vrac ou de producteurs rencontrés sur ces marchés. Une proposition qui devrait perdurer selon Véronique Gratton. «C’est vers ça qu’on se dirige pour les prochains mois, on a de toute façon appris que le restaurant ne sera pas rouvert avant janvier», explique l’entrepreneure. Malgré la crise, l’entreprise, qui peaufine actuellement des menus festifs et son service au particulier pour aller livrer chez les gens pendant le temps des fêtes, est semble-t-il bien loin d’avoir dit son dernier mot.