Amoureux du café, êtes-vous en quête de nouvelles découvertes? Avec son application Th3rdwave, l’entrepreneur Tomas Chevez a pour ambition de répertorier les meilleurs endroits où déguster un bon café et de fédérer une communauté autour de cette boisson qu’il a lui-même découverte sur le tard.
Nous nous sommes rencontrés… dans un café, évidemment. Pour parler de son entreprise qui emploie aujourd’hui sept personnes, de son histoire et de sa mission. Le patron de la jeune entreprise – qui a décerné le 3 février dernier les Th3rdwave Awards récompensant des cafés et torréfacteurs indépendants du Canada – nous a aussi glissé quelques adresses qui valent le détour, à Montréal et ailleurs.
Bonjour Tomas! Le mouvement “Third wave of coffee” a fait parler de lui ici et à l’international. Pouvez-vous m’expliquer en quelques mots de quoi il s’agit?
C’est un mouvement venu des consommateurs qui est encore nébuleux, car ce terme n’est pas tout à fait défini, voire même assez controversé. Pour faire simple, la première vague [first wave] c’était l’accessibilité au café avec la possibilité d’en préparer chez soi. La deuxième vague [seconde wave], c’était l’expérience et c’est ce que Starbucks a réussi à faire. Et la troisième vague peut se résumer en une quête perpétuelle de l’expérience culinaire derrière le café, ce qui inclut l’éducation, la traçabilité, la variété, etc. Cela se rapproche beaucoup de ce qu’est le vin aujourd’hui.
Parlez-moi de votre entreprise, Th3rdwave. Comment a-t-elle été créée et quelle est sa mission?
Au début de ma carrière, après avoir étudié en finance en Chine notamment, j’ai travaillé dans la banque dans le domaine des fusions et acquisitions. J’évoluais dans le même univers que le héros du film Le loup de Wall Street. J’ai détesté cet environnement! J’avais l’impression de vendre mon âme au diable pour du profit. Je me suis dit que si j’étais capable de rapporter autant d’argent à ces multinationales, je pouvais créer un peu de richesse en faisant mieux pour la société.
J’ai alors tout quitté pour partir avec ma conjointe en Europe où nous avons voyagé de ville en ville pendant un mois. Je me suis imprégné de chacune des cultures. À l’époque, je ne buvais pas encore de café, mais j’ai commencé à apprécier l’expérience du café plus que la boisson en soi. J’ai remarqué que les hipsters cool flânaient dans les cafés, en Allemagne notamment.
Lorsque je suis revenu en 2016, j’ai appris à développer une compagnie technologique. En 2017, j’ai décidé de créer Th3rdwave, qui réunissait tout ce que je désirais: utiliser la technologie à bon escient pour amener le client à découvrir des commerces indépendants. En utilisant la philosophie «l’union fait la force», je donne des outils à l’industrie du café en la mettant sur une plateforme.
Comment l’application Th3rdwave fonctionne-t-elle?
L’application se veut comme un journal de bord. C’est un grand répertoire collaboratif dans lequel les amateurs de café partagent leurs découvertes et endroits préférés, font des critiques ou commentent leur expérience, et ce, dans le monde entier. Par ailleurs, nous avons peu à peu ajouté des fonctionnalités incluant notamment des outils pour les propriétaires de cafés indépendants, pour l’instant uniquement à Montréal.
Quels sont les outils mis à disposition des cafés indépendants et des consommateurs?
Notre système permet aux cafés indépendants montréalais de recevoir des précommandes ou de fidéliser leurs clients grâce à des recharges et récompenses. Chaque commerçant indépendant peut ainsi mettre en place son programme de fidélité grâce à notre plateforme avec des points ou des cartes de fidélité. Cela rend l’écosystème beaucoup plus robuste.
Les consommateurs bénéficient quant à eux du répertoire d’adresses mondial. De plus, notre système du Passeport Café leur donne accès à une monnaie universelle à l’intérieur du Canada. Que l’on soit local ou touriste, elle sert de monnaie d’échange pour une boisson, comme si on avait un coupon.
«En utilisant la philosophie “l’union fait la force”, je donne des outils à l’industrie du café en la mettant sur une plateforme.»
Combien d’établissements québécois sont-ils répertoriés dans votre système?
Nous avons 350 cafés québécois inscrits dans notre écosystème, dont une centaine qui font partie du système Passeport et auprès de qui on peut donc utiliser notre monnaie universelle. Nous venons d’étendre ce système Passeport à tout le Canada.
Dans quelle mesure exercez-vous un contrôle sur les informations contenues dans le répertoire?
Nous avons mis en place un filtre à l’entrée pour les établissements. Beaucoup de propriétaires de cafés veulent être référencés sur notre application, mais nous réservons notre plateforme à ceux proposant un café de spécialité, et nous questionnons les propriétaires sur l’expérience et le type d’extractions proposés pour déterminer si l’établissement candidat est intégré dans notre système.
D’ailleurs, quelle est la différence entre le “café de spécialité” et le “café commercial”?
C’est une définition qui existe depuis plusieurs années, mais qui reste méconnue en dehors de l’arrière-scène du café. L’organisme à but non lucratif Speciality Coffee Association a mis en place des standards universels avec un système de notation sur une échelle de 100 – le “cupping” – basé sur les arômes, les notes, la complexité, etc.
Un café qui obtient une note inférieure à 80 n’est pas considéré comme un café de spécialité. Plus la note est élevée, plus le prix d’achat du café est élevé également, car tout le monde est prêt à payer plus cher pour l’obtenir.
«Montréal est une ville très entrepreneuriale et très foodie. En 2017, on y recensait 100 cafés de spécialité et il y en a plus de 500 aujourd’hui.»
Comment réussissez-vous à gagner de l’argent avec Th3rdwave?
Je n’aime pas les compagnies qui demandent avant de donner. Pendant un an et demi, j’ai donc tout payé de ma poche, car je voulais d’abord bâtir une compagnie et un service qui aient une vraie valeur autour du café.
Depuis un an, j’essaye de trouver des partenariats dans l’industrie du café avec des gens qui ont besoin de cette communauté. Nous avons par exemple participé à des évènements, notamment des festivals de café. Mais notre profit vient majoritairement des petits gains que nous dégageons sur nos produits, comme par exemple le système de fidélité ou le Passeport, qui sont aujourd’hui payants, même si les prix que nous pratiquons sont très modiques.
Vous avez également mis en place un nouveau service: la Boîte à café.
Oui! Ce service offre une découverte comme notre Passeport, mais cette fois nous amenons le café chez nos clients. Nous choisissons trois torréfacteurs locaux de Montréal et nous envoyons à nos coffee geeks leurs produits dans une boîte pour qu’ils puissent les découvrir.
Lorsqu’on arrive à Montréal, on est très vite frappé par le nombre d’établissements servant du bon café, ce qui tranche avec d’autres villes américaines comme New York par exemple. Est-ce que ce phénomène est nouveau?
Cela n’a pas toujours existé en effet. Il y a derrière cette tendance ce que j’appelle un “indicateur bohème”. À Montréal, ville très créative et artistique, cet indicateur est très élevé de même qu’à San Francisco par exemple. Par ailleurs, l’immobilier est encore très accessible à Montréal. Ici, presque n’importe qui peut ouvrir un café, ce qui n’est pas vrai pour des villes comme Toronto ou New York. Et puis Montréal est une ville très entrepreneuriale et très foodie. En 2017, on y recensait 100 cafés de spécialité et il y en a plus de 500 aujourd’hui, avec une moyenne de plus d’un nouveau café par semaine!
Selon vous, où boit-on l’espresso le plus ristretto à Montréal?
Au Caffè In Gamba.
Où se trouve le latte art le plus époustouflant?
Le barista Simon-Pierre, chez In Gamba.
Le café (établissement) le plus instagramable?
Et le café le plus surprenant?
Le MR-63. C’est un endroit unique au monde!
Votre dernière découverte?
Pour finir, quel est le meilleur café que vous ayez dégusté?
C’était au Four Monkeys Coffee Roasters au Salvador, où la scène des cafés indépendants explose. Là-bas, la proximité des cafés avec les fermes donne naissance à un mouvement hallucinant et très intense. Les baristas donnent leurs recommandations aux fermiers sur la manière de produire leur café. Il y a par exemple la technique du “red honey”, où l’on fait reposer le café sur des lits africains en laissant le mucilage (la substance mielleuse) autour du grain, qui devient rouge en séchant. C’est incroyable!