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Entrevue avec les entrepreneures derrière la coopérative Minuit Moins Cinq

Entrevue avec les entrepreneures derrière la coopérative Minuit Moins Cinq

Qui êtes-vous et quel est votre parcours? 

Nous sommes trois à avoir fondé la coopérative de travail Minuit moins cinq, qui œuvre dans la récupération textile! En bref, nous voici:

Marielle Huard, directrice artistique de la coop et calculatrice humaine officielle de l’équipe. Son expression préférée? «Ah, c’ben à mode ça». Arrivée du monde de la postprod, elle n’aurait jamais gagé se retrouver au fond du Saguenay à coudre des vieilles affaires pour en faire des nouvelles. Et pourtant! Il y a de cela quelques années, elle prit ses cliques et ses claques, quitta la grand’ville de Montréal et partie en campeur à travers le Canada. Puis, l’amour frappa à sa porte sous la forme d’un p’tit village champêtre au creux des montagnes bordant le fjord. Julie-Vanessa la prit sous son aile et ensemble, elles découvrirent le monde merveilleux de la création textile. C’est donc grâce à elle que nous pouvons prendre en main notre propre fiscalité, notre propre destinée financière.

Julie-Vanessa Tremblay, Responsable de chantier de la coop. Grâce à elle, notre vocable original s’enrichit chaque jour : «twitos» ou «cheapette la galette» sont maintenant des expressions endogènes à l’atelier. Julie-Van arriva des Îles-de-la-Madeleine enfant, machine à coudre sous les bras. Reconnue pour son «will power», elle n’a pas niaisé avec la puck bien longtemps: elle s’est mise à coudre toute seule dans sa chambre d’ami pour pouvoir faire vivre sa famille dans un bled perdu, pittoresque et bucolique: L’Anse-Saint-Jean. Quand arriva enfin Marielle en 2015, le duo d’enfer était réuni! Tantôt couturière, tantôt menuisière, Julie-Van construit, imagine et crée ce qui constitue la base de notre coop.

Pascale Boudreault, webjoueuse semi-pro et verbomotrice en chef. Sortie de l’université avec un bac en anthropologie, partie su’a bum pendant quelques années, Pascale erra jusqu’à L’Anse-Saint-Jean à l’été 2017, serveuse à ses heures, dormant dans son char et se liant d’amitié avec Marielle et Julie-Van sul’side. Motivée et pleine d’entrain, elle se fit accepter tout naturellement par les deux autres dans l’atelier, vu qu’elle était aussi ben bonne en jeux de mots et qu’elle ne faisait pas trop de fautes. Pis là, motivées comme elles étaient, ni d’une ni de deux, elles firent ensemble ce que peu de femmes font: elles démarrèrent une entreprise, une coopérative de travailleuses, parce que coudonc’, y’en a pas tant de la job à l’année dans l’Bas-Saguenay.


Dans quelle ville?

L’Anse-Saint-Jean.

Un mot pour définir le type de travailleuses que vous êtes…

À trois, on est motivées, minutieuses et créatives!

«Nos outils essentiels, ce ne sont pas des applications, des logiciels, ce sont nos machines à coudre industrielles […] Sans nos machines un peu vieillottes, mais encore bien en forme, notre coop ne pourrait pas exister.»

Qu’est-ce qui rend votre coopérative unique? 

Minuit moins cinq, c’est une coop de travail, c’est un lieu de création éthique et d’innovation, c’est une proposition de changement écoresponsable concret et durable. On est trois fondatrices, entourées d’une gang ici à L’Anse-Saint-Jean, et on redéfinit le paysage textile du village. On coupe, on assemble et on transforme les bouts de chemise à mononcle et la flanelle de grand-m’man. C’est simple en fait: on veut redonner ses lettres de noblesse aux tissus que le monde pense laids et déchus, en créant des accessoires textiles du quotidien qui répondent à des besoins réels; sortir dehors su’l’ fjord pour pêcher; dévaler les pistes du Mont-Édouard; naviguer en voilier sur les eaux du Saguenay; se promener dans les festivals, de ville en village, durant tout l’été; organiser sa petite vie d’étudiant.e; name it!

Minuit moins cinq se donne plusieurs missions en tant qu’entreprise régionale de coopération et de création artisanale. Les matières textiles usagées ne sont pas recyclées dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il est impossible dans le village de L’Anse-Saint-Jean, et même ailleurs au Saguenay, pour monsieur et madame tout le monde de récupérer le tissu taché, déchiré ou troué qu’aucune friperie ne recueille, elles-mêmes débordées et manquant d’espace. La pertinence d’une coopérative de récupération textile œuvrant dans une perspective de conscientisation, de récupération tout en y alliant celle de développement économique régional est ici tout indiquée! Qui plus est, le modèle coopératif nous permet l’horizontalité des prises de décisions, et donc la prise en charge des travailleuses de leur propre travail, le développement de notre leadership respectif et collectif, de même qu’un accès égal aux informations concernant la santé financière et l’orientation générale de la coopérative.

Minuit moins cinq, c’est une équipe de travail qui fait tout tout tout, de la comptabilité à la création de patrons, en passant par le graphisme et la mise en ligne, et la couture des produits. Ça, c’est quelque chose de plus en plus rare dans le monde d’aujourd’hui.

Quelle est la taille de Minuit moins cinq?

Toute petite et c’est ce qu’on désire conserver: de l’entrepreneuriat à l’échelle humaine, accessible et compréhensible par tout le monde. Nous sommes trois fondatrices et employons 3 à 4 personnes à temps partiel.

Quels outils sont essentiels à votre vie?

Dans l’ère du numérique, il est important de se rappeler que les objets que nous consommons au quotidien sont fabriqués par du monde! Nos outils essentiels, ce ne sont pas des applications, des logiciels, ce sont nos machines à coudre industrielles. Oui, on utilise Photoshop et Lightroom pour notre graphisme, mais sans nos machines un peu vieillottes, mais encore bien en forme, notre coop ne pourrait pas exister. On aime bien l’application Taxes pour faire les calculs de taxes inversées et l’app Smart Home pour avoir des notifications quand notre brassée de linge est finie! Ah, pis Square et Quickbooks, des logiciels incontournables.

À quoi ressemble votre espace de bureau?

À un atelier de couture un peu Pinterest sur les bords, ultra fonctionnel avec ses stations définies qui possèdent leurs propres outils, des post-its un peu partout pour nous rappeler de tout et des piles de textiles qui montent jusqu’au plafond, triées et classées par type ou par projet.

Avez-vous une façon particulière d’organiser vos journées afin d’optimiser votre travail?

Une mini réunion d’orientation le mardi matin nous enligne et ensuite, nous y allons par priorité et par disponibilité des machines. Parfois, vu tous les projets qui nécessitent la machine à coudre droite industrielle, notre journée s’orientera autour d’elle: jamais elle ne devra cesser d’être en fonction afin d’optimiser cette station.

«La surconsommation de produits étrangers, le caractère éphémère des objets de consommation et le désir de «changer quelque chose» nous poussent à nous réinventer dans notre création, à trouver des idées de produits artisanaux qui sauront démontrer notre démarche créative et écoresponsable, tout en faisant un peu notre part au sein de la société.»

Quels «trucs» conseilleriez-vous pour améliorer la productivité?

Se garder des moments pour «jaser d’la p’tite vie» et le reste du temps, se concentrer sur le travail. C’est une de nos difficultés étant donné que nous sommes des amies et que l’envie de potiner sur le chum de la blonde du voisin de l’autre est parfois bien grande!

Un autre truc: déléguer les tâches et identifier les priorités à chaque début de journée. Ça clarifie les idées et ça enligne l’équipe, ce qui favorise le travail conjoint. On utilise la technique du bullet journal version entreprise! Des listes à cocher, des tâches à reporter…

Vous êtes meilleures que vos collègues de travail pour?

Étant donné que je parle pour trois, nous sommes meilleures que nous-mêmes pour tout faire!

«C’est pour nous une fierté de transformer des vêtements que certains considèrent comme déchus.»

À propos du design, qu’est-ce que votre marque souhaite représenter?

Le design est fait par nous-mêmes! Pour créer nos produits, nous nous inspirons de la quotidienneté de l’existence, des besoins que nous ressentons face aux stimuli de l’environnement qui nous entoure. La surconsommation de produits étrangers, le caractère éphémère des objets de consommation et le désir de «changer quelque chose» nous poussent à nous réinventer dans notre création, à trouver des idées de produits artisanaux qui sauront démontrer notre démarche créative et écoresponsable, tout en faisant un peu notre part au sein de la société.

En effet, nous travaillons les matériaux récupérés; c’est pour nous une fierté de transformer des vêtements que certains considèrent comme déchus, des vêtements qui nous inspirent, nous contraignent et nous stimulent tout à la fois. L’inspiration provient donc du vêtement lui-même, de sa vie antérieure, de son caractère usagé, de son vécu. Nous essayons aussi de nous éloigner du style «patchwork», qui est très présent dans l’industrie de la récupération textile.

Quel est le meilleur conseil qu’on vous ait donné?

Je ne pense pas qu’il y ait eu un conseil en particulier qui ait révolutionné notre entreprise. C’est plutôt une accumulation de discussion avec des entrepreneures d’expérience ici à L’Anse, avec des gens spécialisés dans la réalité des coops, que nous avons pu nous améliorer et avancer. Notre p’tit village regorge d’entrepreneur.e.s chevreonné.e.s et motivé.e.s avec qui il est facile d’échanger, ça créé un milieu créatif, inspirant et novateur dans lequel se développer.

Quelle est votre stratégie en ligne?

Sincèrement, on y travaille encore héhé. Nous adoptons un ton naturel, presque joual, pour s’exprimer sur les réseaux sociaux, pour créer notre image d’entreprise québécoise qui crée pour le quotidien. On ne veut pas vendre du rêve, de l’inutile, de l’extraordinaire. On veut créer de l’utilitaire, du tous les jours, de l’(extra)ordinaire, du québécois.

Quel est votre meilleur truc pour sauver du temps?

Se mettre des écouteurs sur les oreilles et peser sur la pédale. Rien de plus simple!

Quels ont été vos plus grands défis en tant qu’entrepreneures?

Apprendre des choses que nous ne savions pas. Nous autres, on s’est dit: «envoye let’s go, on démarre une entreprise et on fait tout». L’affaire, c’est qu’on ne connaît pas tout pantoute. L’apprentissage est quotidien et c’est ce qui fait que notre job est autant stimulante, à chaque jour.

Quels seraient les conseils que vous donneriez à quelqu’un qui souhaite démarrer son entreprise?

Fais ça en gang. Par chance qu’on s’a, nous autres! Pis ne fais pas trop de fautes, s’il vous plaît!

Mis à part votre ordinateur et votre téléphone, de quel gadget ne pouvez-vous pas vous passer?

Cafetière, lightbox, coupe-fil, crayon Pilot noir, tablette à dessin numérique, sans oublier nos précieux écouteurs Bluetooth pour nous créer une p’tite bulle de concentration.

👕🧵🌚 Minuit moins cinq

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