Engagées, féministes, et bouillonnantes d’idées, Vanessa Compère, Maha Farah Elmir, Soraya Elbekkali, Gisèle Pouhe Njall et Ornella Tannous ont lancé le Projet NOOR fin janvier 2019, pour donner une voix aux femmes racisées, mobilisées socialement, mais invisibles médiatiquement. Elles expliquent à Baron Mag ce qui les a inspirées à créer cette plateforme numérique.
NOOR jaillit d’une frustration: l’impression de ne jamais voir dans les médias, à la télévision, ces femmes de couleur qui s’engagent tous les jours sur le terrain, dans leurs communautés. «C’est une plateforme pour nous et par nous, explique Ornella Tannous. Parce les gens mis de l’avant, récompensés, desquels on parle, c’est rarement des femmes racisées, ou du moins pas en proportion égale du nombre de femmes racisées engagées à Montréal». NOOR signifie lumière en arabe. Celle qui illumine la multitude de projets communautaires et sociaux créés, mais restés sans écho.
Soraya Elbekkali et Maha Farah Elmir démarrent officiellement le projet en mars 2018. «Officieusement, ça a commencé par un rêve d’adolescence d’un projet qui mettrait de l’avant des femmes issues de l’immigration», résume Soraya Elbekkali. Un rêve que Soraya met de côté pendant 15 ans, jusqu’à sa rencontre avec Maha Farah Elmir.
Récipiendaires d’une bourse de la coop de l’UQAM, les fondatrices ont aussi fait partie de la cohorte 2018 de La Génératrice, un organisme qui aide à développer les projets de jeunes montréalais. «On a été très bien entourées dès le départ, note Ornella Tannous. Par des gens qui nous ont questionnés sur la construction du site, mais pas sur le cœur du projet. Et on ne les aurait pas laissés faire.» Leur plus grande liberté? NOOR n’a pas d’objectif de rentabilité, ce qui leur donne les moyens d’élaborer leur initiative à leur guise.
«On veut rendre visible le travail qui est invisible.»
Dorothy Alexandre, Naoual Laaroussi, Richekaelle et Shanyce, ça ne vous évoque rien? Et pourtant, elles sont toutes engagées, dans leurs communautés, sur des thématiques essentielles: violences et exploitation sexuelle, mentorat, santé, féminisme,etc. «On veut rendre visible le travail qui est invisible», souligne Ornella Tannous. Montrer des modèles qui ressemblent aux femmes d’aujourd’hui, et «inspirer d’autres femmes racisées à emboîter ce pas-là», ajoute Soraya Elbekkali.
NOOR a dès le départ été un projet exigeant: site léché, podcasts professionnels, les fondatrices n’ont pas lésiné sur les moyens. «On s’est mis beaucoup de pression, on avait envie de créer un projet social beau», remarque Soraya Elbekkali. Ornella Tannous abonde en ce sens. Selon cette dernière, impossible de façonner quelque chose qui ne soit pas de qualité. «On ne peut pas inspirer des gens si on ne présente pas de contenus et contenant inspirants». À noter qu’elles ont dès le lancement, payé leurs collaborateurs.trices. «Parce qu’on veut encourager les personnes à voir leur valeur sur le marché du travail», dit Soraya Elbekkali.
Après six premiers mois intenses, les cinq «presque trentenaires» s’accordent enfin une pause. Et réfléchissent à la suite. «On a découvert que monter un projet pérenne, ce n’est pas un sprint, c’est un marathon», analyse Soraya Elbekkali, qui avoue qu’aucune des fondatrices n’avait d’expérience en business. «Tout reste à faire», relève Ornella Tannous. Des collaborations, des ateliers, une saison 2 des balados en cours de réalisation qui devrait être lancée début 2020… La liste des actions qu’elles veulent mener est déjà longue.
Leur prochain gros défi? Le 1er septembre prochain, au Village au Pied-du-Courant. «On va organiser une journée thématique sur les femmes, avec différents collectifs», lance Soraya Elbekkali. Toutefois, elle n’en dira pas plus, parce que les négociations sont en cours pour le déroulement de l’événement. «Ce sera fun et ludique», promet Soraya Elbekkali.