Ma-Au et Zéa se connaissent depuis le berceau. Complices en musique et en sorcellerie depuis une douzaine d’années, le duo qu’elles forment, La Fièvre, a révélé en mai dernier deux titres sombres et dansants dans un double nommé La marge survivante. Dans le premier morceau, La marge le tandem québécois fait un pied de nez à leurs détracteurs qui tentent de les étiqueter. Avec le deuxième, La survivante, elles livrent une poésie teintée de sororité, en soutien aux femmes victimes de violences sexuelles: «La honte change de camp, la peur change de camp». Ces chansons complèteront bientôt un album en gestation.
La musique dark-wave/art-pop de La Fièvre se fait remarquer leur passage à Pop Montréal en 2016 et un EP de cinq titres, Le rituel, sorti en 2017. Les deux femmes ont depuis enchanté les mélomanes de Toronto à Rimouski. Les rythmes et les textes de leur musique pop électronique exploratrice s’imprègnent de l’énergie du rap. Incursion dans leur monde saupoudré de magie.
Qui êtes-vous et quel est votre parcours?
Nous (Ma-Au et Zéa) sommes nées à deux jours d’intervalle. La légende raconte que nous aurions composé notre première chanson à la pouponnière de Rimouski. On s’est laissé le temps de grandir un peu avant de former notre duo qui a maintenant 12 ans. Ma-Au a une formation en musique classique et Zéa, en littérature. Pour le reste, nous sommes autodidactes et nous savons bien nous entourer. Nous sommes passées par toutes sortes de phases. Nous avons même déjà joué du djembé et de la guitare, mais aujourd’hui La Fièvre est un band de pop électronique hargneuse et exploratrice. Nous venons tout juste de lancer deux nouvelles chansons, La marge et Survivante, qui donnent un avant-goût de l’album à venir.
Comment décririez-vous votre univers musical?
Nous avons choisi le nom La Fièvre parce qu’il signifie à la fois une forme d’excitation et un état déconnecté de la réalité, un genre de débordement. Notre plaisir, c’est d’explorer avec les formes, les mots, les sons tout en restant définitivement du côté de la pop. Notre premier EP, Le rituel, était une sorte de bad trip inquiétant, mais intime et doux avec une touche d’humour et de réflexions féministes. La suite est plus extravertie, plus assumée et plus agressive, autant dans les textes que dans les beats et les synths. Survivante est un hymne à l’empuissancement des victimes de violences sexuelles. Nous voulons mettre l’emphase sur la colère légitime d’une communauté solidaire. Dans La marge, on célèbre le plaisir de déranger, on nargue celles et ceux qui nous classent «nuisances» ou tentent de nous mettre dans des cases: «Ils veulent nous mettre à la porte, mais à la porte de quoi? Nous vivons dans les murs». Bon appétit.
«Si tu mets Zéa derrière un chaudron, tu as plus de chance d’assister à un rituel qu’à une expérience culinaire.»
Quelle est votre relation avec la nourriture?
Ma-Au: J’aime bien quand la nourriture rassemble, mais aussi quand elle travaille pour moi comme pour la fondue. J’adore faire la cuisine pour les autres (Zéa) et ça m’excite vraiment de cuisiner avec les aliments que je fais pousser, même si j’habite un troisième étage à Montréal. On est DIY ou on ne l’est pas.
Zéa: Je suis dans une relation masochiste. J’aime la nourriture ultra épicée et les plats très chauds. Si j’ai le contrôle, c’est moins amusant. Je préfère qu’on cuisine pour moi. Ensuite, je plongerai avec joie les mains dans l’eau bouillante pour faire la vaisselle. C’est un échange de services.
Parmi vous, qui est la plus douée derrière les fourneaux?
Définitivement Ma-Au. Sa guacamole est légendaire, sa ratatouille, mythique. Sa nouvelle spécialité est la moussaka végétarienne. Si tu mets Zéa derrière un chaudron, tu as plus de chance d’assister à un rituel qu’à une expérience culinaire. Ça ou une crise de nerfs. Tu as intérêt à cacher les couteaux.
Quelle musique écoutez-vous lorsque vous cuisinez?
On écoute beaucoup de musique au quotidien, alors on en profite plutôt pour ouvrir les fenêtres et écouter les bruits ambiants. Tout est potentiellement inspirant.
Si La Fièvre était un plat/une saveur, quel serait-il/elle?
Un plat qui se mange froid.
Si vos chansons étaient une recette, quels en seraient les ingrédients?
La marge: Une tasse d’eau d’égout, la mèche de cheveux d’un intimidateur, les propos arriérés d’un conservateur et une pincée de mousse isolante.
Survivante: Un tas de terre fraîche, une pincée de cendre, un crachat et une manifestation.
C’est la version fiévreuse des Bouillons de poulet pour l’âme.
Votre dernier repas et la dernière musique que vous écouteriez… Si vous deviez mourir demain?!
On mangerait une montagne de sushis vegan et on traverserait l’entièreté du Soundcloud de For the Birds (Victor Hacala), un ami qui est parti un peu vite.
«Notre parcours est une série de micro-échecs qu’on apprend à ne pas reproduire. Il n’y a pas de recette, c’est plutôt un récit d’apprentissage.»
Avez-vous des demandes spéciales aux promoteurs de spectacles lorsque vous êtes en tournée?
Pour Ma-Au, pas de fruits de mer ni de champignons. Pour Zéa, n’importe quoi de végétarien avec des champignons si possible. Quand on joue près de la Casa del Popolo, c’est certain qu’on se prend un burrito. Parfois on est déçu de ne pas jouer à la Casa parce qu’on a pas nos burritos. Merci Casa pour tes burritos. Bons burritos.
Quel est votre plus gros «fail» culinaire?
Zéa: Je n’ai que des «fails» culinaires, mais quand je me suis acheté de nouveaux couteaux de cuisine, ça a pris une nouvelle ampleur. Mettons que mes doigts y ont gouté.
Ma-Au: Un soir, j’essayais d’impressionner ma blonde avec un Dahl, ça faisait quelques mois que je lui en parlais… Maintenant on n’en parle plus.
Et votre plus gros «fail» musical?
Au show de la Rentrée de l’Université Laval, Zéa a oublié le fil d’alimentation Thérémine. Heureusement, on a été sauvé par Jean-Etienne du Pantoum. Jean-Etienne, si tu lis ceci, nous avons toujours ton fil, ça nous ferait vraiment plaisir de te le rendre et on t’en doit une. On t’invite à souper?
Sinon, c’est un passage obligé pour tous les groupes, mais nous avons eu plusieurs «fails» dans notre apprentissage d’organisation d’évènement. Notre parcours est une série de micro-échecs qu’on apprend à ne pas reproduire. Il n’y a pas de recette, c’est plutôt un récit d’apprentissage.