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Une chorégraphie basée sur la mémoire sensorielle

Une chorégraphie basée sur la mémoire sensorielle

PROGRAMME B

Suite logique à sa première œuvre La possibilité d’une tragédie, la chorégraphe Amélie Rajotte présente son nouveau spectacle La disparition des choses, à l’Agora de la danse à Montréal du 30 mars au 2 avril. Elle sera accompagnée de la performeuse Marie-Philippe Santerre, des musiciens Olivier Landry-Gagnon et Stéphanie Castonguay, et des projections de Nelly-Ève Rajotte. Nous l’avons rencontré pour en parler un peu plus.

Peux-tu nous expliquer en quoi ce nouveau spectacle est une suite au premier ?

C’est tout simplement la suite d’un diptyque. La possibilité d’une tragédie qui était une installation faite d’une centaine de plantes, avec une performeuse sonore en direct qui utilisait l’électricité des plantes pour faire la musique. Il y avait aussi des électrodes sur les interprètes, sur lesquels elle pouvait ensuite trafiquer tout ça avec son synthétiseur modulaire. Dans cette œuvre-là, les deux performeuses travaillent la matière végétale dans un jardin. Puis, au fur et à mesure du travail de la terre, de l’eau, du déplacement des plantes et de l’arrosage, ça transforme le paysage. Donc, pour cette deuxième œuvre, je me suis dit en évacuant tout l’aspect végétal, qu’est-ce qui reste dans nos mémoires sensorielles, musculaires, de ces gestes en relation avec la nature ? Ce contact-là qui n’existe plus. Peut-être qu’au final, cette mémoire disparaîtrait elle aussi. C’est quand même assez dramatique, mais je suis fascinée par les comportements humains, fascinée par les actions et les gestes du quotidien. J’aime ça les sortir de leur contexte.

Quand tu dis « Si la nature n’existait plus… » implique que tu es une éco-angoissée ?

Oui et non. Je suis beaucoup dans le déni. Ça m’aide à passer à travers tout ça. C’est surtout une réflexion philosophique. Je suis vraiment fascinée par le comportement, c’est plutôt ça. Et aussi, comme artiste, j’aime beaucoup l’interrelation corps-espace. L’espace me façonne comme être humain et moi, par mes gestes, je façonne l’espace. Donc, c’est ce principe là, tout simple, qui est très très présent chez moi, dans mon imaginaire. Donc, je pense que c’était une autre manière de me mettre en relation avec mon espace et c’est très particulier parce que, toute cette recherche-là, de me connecter avec la nature, elle arrivait juste après 3 ans d’un mémoire en création, d’une maîtrise à l’Université où j’ai été pendant très longtemps devant mon ordi, à écrire. Pour prendre des pauses, je sortais pour observer mon jardin. C’était mon petit moment de décrochage. Alors c’est venu de là, d’un besoin de me reconnecter avec le monde extérieur.

Comment fais-tu réagir le corps dans ta chorégraphie différemment  du moment où la nature n’existe plus, comparée à celui où elle était entourée de plantes ?

Je suis partie sur le concept des verbes d’actions, de gestes qui étaient liés à la pièce précédente, soit : arracher, creuser, malaxer, brasser la terre, le toucher des différentes surfaces. Puis, on a développé tout un vocabulaire en revisitant ces gestes de manière biomécanique. Du très minimaliste jusqu’à toute leur ampleur poétique. On a travaillé beaucoup avec l’imaginaire. De toucher un espace imaginaire, des textures imaginaires ou qui ont déjà existé. Donc, ça créer des états de corps, une manière de se déplacer. Mine de rien, tout ça fait qu’on est deux interprètes à bouger non-stop sur scène pendant 50 minutes. Ça devient assez physique et on traverse beaucoup d’états de corps. C’est beaucoup de présence.

Est-ce que ça crée une chorégraphie plus froide qu’une chorégraphie entourée de nature ? Faut-il ajouter un peu plus de chaleur ?

Je pense qu’il y a quand même toujours un petit côté étrange, une présence un peu décalée, mais tout comme dans le premier spectacle La possibilité d’une tragédie, dans lequel on travaillait beaucoup le toucher, ce qui pouvait probablement plus toucher ceux qui sont réceptifs aux ASMR. Mais là, on arrive quand même avec tout le travail des mains à susciter des sensations chez les gens qui regardent. J’ai observé beaucoup Marie-Philippe, avec qui je travaille, et il y avait des images et des sensations qui émergeaient, mais je suis aussi quelqu’un de très réceptif, alors j’espère que les gens qui viendront voir le spectacle, seront aussi réceptifs.

La disparition des choses
du 30 mars au 2 avril
à l’Agora de la danse
Billet disponible ici

Crédit photo en entête : Justine Latour.

 

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