L’artiste en art visuel Martine Frossard s’amuse, depuis quelques années, à donner vie à ses créations grâce à l’animation. Celle qui se définit comme une personne multitâche apprivoise de plus en plus la lenteur et les projets sans objectif précis, un aspect qu’elle valorise dans un monde où la rapidité et la productivité prennent tant de place.
La créatrice nous parle notamment de l’évolution de sa démarche artistique, de ses influences ainsi que de son amour de la nature!
Qui êtes-vous, quel est votre médium de prédilection et pourquoi?
Je m’appelle Martine, je fais de l’animation vidéo depuis maintenant 7 ans. J’ai commencé par l’illustration, mais à un certain moment, j’ai eu envie de donner vie à mes dessins: je voulais les voir bouger. Alors que je commençais mon congé de maternité, j’ai exploré et ai créé ma première petite animation. Le succès de «ThirtyMasks» m’a poussée à continuer.
Quelles ont été vos influences artistiques à vos débuts et quelles sont celles d’aujourd’hui?
En 2014, je suis tombée sur la vidéo YA-NE-SEN a Go Gode ShishiYamazaki. J’étais époustouflée. Je (re)découvrais la rotoscopie.
En ce moment, je replonge dans La Planète sauvage (1973) de René Laloux. Je suis aussi une grande fan du travail de Allison Moore, RékaBucsi, Sawako Kabuki ou YorikoMizushiri.
Comment organisez-vous votre horaire? Comment planifiez-vous le temps de cerveau disponible à la création et celui accordé à la gestion plus technique de votre entreprise?
Je suis travailleuse culturelle à mi-temps depuis 10 ans, donc je partage mon horaire entre mon travail, mes contrats d’animation et mes projets personnels. C’est peut-être ce triple statut qui m’a toujours permis de gérer la partie plus «technique» de ma pratique. Je suis très multitâche, donc je n’ai pas de misère à sauter d’un projet à l’autre.
Quels sont vos meilleurs trucs pour mousser votre créativité?
Ça m’arrive souvent de me perdre sur le site de l’ONF ou dans la catégorie «animation» de Vimeo. Mais j’essaie de ne pas plonger trop longtemps, car il y a quelque chose qui finit par me figer dans ma propre créativité. Mes idées viennent bien plus souvent de mes rêves: j’essaie de noter le plus souvent possible les images qui naissent de mes sensations ou impressions.
Quels sont les outils indispensables pour passer une journée productive?
Je crois que le plus important, c’est de sectionner sa journée en plusieurs parties. Fixer des horaires, avec des pauses de reconnexion à soi, pour se détacher de temps en temps.
Quels sont vos principaux défis aujourd’hui et comment arrivez-vous à les surmonter?
Aujourd’hui, mon principal défi est de prendre mon temps. Avec les années qui passent, je ressens le besoin de plus en plus important de ne pas sauter d’étapes, d’apprécier la lenteur du processus de création, de voir les difficultés avec sagesse, de savourer le déroulement, pour se défaire le plus possible de l’aspect «productif» de la création.
Quelles ont été les personnes marquantes dans votre parcours professionnel?
Toute l’équipe et les artistes rencontré-e-s à Ada X, centre d’artistes féministe en arts médiatiques, dans lequel j’ai travaillé pendant 7 ans. Mais aussi mon amie Isabelle Guichard et mon conjoint François Bonenfant qui m’ont toujours accompagnée dans mes idées!
Quelle œuvre avez-vous réalisée dont vous êtes la plus fière et pourquoi?
Je suis fière de ma première animation «Thirty Masks», que j’ai réalisée sur le coin d’une table en allaitant, sans aucune idée claire en tête. Je me suis juste laissée expérimenter pour la première fois ce médium, sans savoir où je m’en allais. Après sa mise en ligne, la vidéo est devenue «Vimeo staff pick» et ma vie professionnelle a pas mal changé depuis ce jour!
Quel regard posez-vous sur votre secteur d’activité au Québec par rapport à ce qui se passe ailleurs dans le monde?
J’ai de la chance, car le Québec est vraiment prolifique dans le domaine de l’animation. Mes vidéos ont pas mal circulé dans plusieurs festivals internationaux, et j’ai pu découvrir tellement d’artistes à travers les années de cette façon.
Quel est le pire ennemi et le meilleur allié d’un artiste?
Les réseaux sociaux, très certainement. Ils nous permettent à la fois de découvrir tellement d’œuvres de qualité, de connecter avec des artistes à l’autre bout du monde. Mais c’est aussi un trou noir qui nous happe, qui nous oblige à penser «marketing» alors qu’on ne sent pas nécessairement dans cette vibe commerciale vis à vis de notre démarche.
Que faut-il avoir pour atteindre votre point d’équilibre personnel?
Des projets «inutiles», éphémères, qui ne «servent à rien». Du calme et du temps pour être seule, ponctué par des rencontres et des échanges profonds. Et de plus en plus, beaucoup de nature.
Quel est le meilleur conseil qu’un artiste vous ait partagé?
Ce n’est pas nécessairement un conseil, mais, juste m’asseoir à côté d’artistes et de les regarder travailler tout en jasant, est une expérience que je recommande vivement! C’est hallucinant ce qu’on apprend de cette manière et à quel point c’est enrichissant.
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite vivre de son art?
Je me suis juste rendu compte que personne ne gère à la perfection les logiciels ou outils de création. Il y a un côté bidouillage qui reste super important selon moi: il faut expérimenter pour apprendre. Peu importe la voie qu’on prend pour y arriver, il faut juste essayer.
