Par Sophie Poisson
L’artiste montréalaise Anne-Julie Dudemaine crée une version altérée de la réalité empreinte d’émotion et de naïveté. Simples et détaillées, ses illustrations témoignent d’un désir de donner une âme et une histoire aux objets les plus communs. Son style se retrouve notamment sur l’étiquette tropicale réalisée pour la série Exploration de la Cidrerie Milton ou encore dans l’image de marque du restaurant Madame Chose – à boire et à manger.
Entrevue avec l’artiste qui nous parle notamment de ses trucs pour passer une journée productive.
Qui êtes-vous, quel est votre médium de prédilection et pourquoi?
Mon nom est Anne-Julie Dudemaine, je suis illustratrice, directrice artistique et surface pattern designer de Montréal. Mon médium de prédilection est digital (Procreate sur iPad, Photoshop et Illustrator), mais j’aime aussi beaucoup travailler avec les crayons de couleurs ou de plomb.
Quelles ont été vos influences artistiques à vos débuts et quelles sont celles d’aujourd’hui?
J’adore le travail de David Hockney. J’affectionne beaucoup son interprétation de la perspective, ses couleurs vibrantes et le thème de la nature qui revient très souvent. C’est définitivement un artiste qui m’influence beaucoup.
Quels sont vos meilleurs trucs pour mousser votre créativité?
Les voyages ont toujours été une très grande source d’inspiration pour moi. M’imprégner de nouveaux paysages, de couleurs, d’objets, de l’architecture, des textures, de la nourriture, des gens, de la nature… Je prends donc beaucoup de photos et j’y reviens plus tard pour m’inspirer.
Je traîne aussi un petit sketch book dans lequel j’immortalise des paysages avec mes crayons de couleur. J’aime beaucoup travailler avec des palettes de couleurs limitées, 3 ou 4 crayons pour éviter d’avoir à trop réfléchir sur le choix des couleurs quand je dessine.
Quels sont les outils indispensables pour passer une journée productive?
Je suis une fille matinale et j’atteins le sommet de ma créativité avant l’heure du midi. J’ai besoin d’une routine assez structurée si je veux passer une bonne journée. Une bonne nuit de sommeil, levée à 6h30, douche, déjeuner, café et je me mets au travail autour de 7h30. Mon espace de travail doit être propre et rangé sinon je ne suis incapable de me concentrer. Aussi, des écouteurs avec un podcast ou de la musique et garder mon cellulaire dans une autre pièce sur le mode silencieux. Sortir dehors au moins une fois par jour (ce n’est pas toujours évident!), prendre une pause pour manger (pas devant l’ordinateur!) et ne pas me laisser tenter par du linge mou. C’est étrange, mais enfiler des jeans, ça m’aide à être productive!
Quels ont été les principaux défis auxquels vous avez pu faire face en tant qu’artiste lors de vos débuts?
J’ai un parcours plutôt atypique, car je n’ai pas d’études en arts et je suis autodidacte. J’ai commencé ma carrière d’artiste à l’âge de 28 ans (j’en ai maintenant 35) et avant cela j’étais chargée de projets en publicité. Un des plus gros défis a été de faire le grand saut dans le vide, de quitter mon emploi de bureau pour essayer de devenir illustratrice. La décision n’a pas été facile et elle a impliqué beaucoup de sacrifices, de travail, d’incertitude et d’anxiété, mais c’est la meilleure décision que j’ai prise. Avec cette décision, je me suis permise d’être totalement moi-même plutôt que d’être ce que les autres attendaient de moi. Ça a été toute une transformation.
Quels sont vos principaux défis aujourd’hui et comment arrivez-vous à les surmonter?
La procrastination est un défi de tous les jours. La créativité ne se commande pas vraiment alors j’essaie d’accepter les journées où c’est moins facile et je ne m’acharne pas. Je fais d’autres genres de tâches à la place. C’est parfois difficile de ne pas se sentir coupable de ne pas être productive, mais j’y travaille. Aussi, je commence à bien me connaître alors j’essaie de planifier mon temps en conséquence, d’où ma routine plutôt stricte.
Quelles ont été les personnes marquantes dans votre parcours professionnel?
De commencer à côtoyer des personnes qui faisaient le même métier que moi a eu un gros impact. Le métier d’artiste peut parfois être solitaire et établir des liens et partager des expériences avec des gens qui ont les mêmes défis, réalités et doutes que moi m’a apporté énormément. J’ai trouvé du support, de l’inspiration et des conseils auprès de cette communauté d’illustrateurs, à mes débuts et aujourd’hui encore. Les belles personnes du collectif Skinjackin, dont je suis membre depuis 2015, font partie de ces personnes marquantes et inspirantes!
Quelle œuvre avez-vous réalisée dont vous êtes la fière et pourquoi?
J’ai de la difficulté à nommer une œuvre précisément. Je crois que ce dont je suis la plus fière c’est le chemin parcouru depuis 2014. Mon travail a beaucoup évolué et il continuera assurément, mais j’aime beaucoup où je suis arrivée.
Quel est le pire ennemi et le meilleur allié d’un artiste?
Le doute? C’est difficile à doser. Remettre en question son travail et avoir un regard critique sur celui-ci est super important et nous permet de nous améliorer et de grandir comme artiste. À l’inverse, avoir trop de doute ou être trop perfectionniste peut nous nuire, nous immobiliser. Par exemple, lorsqu’on se retient de créer ou de partager notre travail parce qu’il n’est pas parfait à 100%. Nos attentes envers nous-mêmes sont parfois ridiculement élevées.
Practice makes perfect. D’ailleurs, j’aime beaucoup cette vidéo sur le sujet qui aborde l’idée de la règle de 70%.
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite vivre de son art?
D’avoir de la discipline, de s’entourer d’une communauté créative rapidement (Illustration Québec est un bon départ) et de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Le métier d’artiste n’est pas facile, et diversifier ses sources de revenus peut vraiment vous sauver de quelques crises d’anxiété financière!
🖍️Anne-Julie Dudemaine
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