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« On fait ce qu’on veut et ce qui nous ressemble au moment où on écrit » – Entrevue musico-bouffe avec Wake Island

« On fait ce qu’on veut et ce qui nous ressemble au moment où on écrit » – Entrevue musico-bouffe avec Wake Island

«Nouvelle vague» est le nouveau single en français du groupe Wake Island, composé des producteurs Philippe Manasseh et Nadim Maghza, qui paraîtra sur toutes les plateformes de diffusion le 26 février. Autoproduit entre Montréal et New York, il est la rencontre singulière entre le rythme techno, la musique électro française des années 80 et 90 (Indochine, Air) et les sonorités moyen-orientales actuelles (Acid Arab, Taxi Kebab). Il amorce également la sortie de leur album Born to Leave prévu ce printemps.

Le single se veut une réflexion sur le changement en lien avec la pandémie. Il évoque de multiples possibilités et de l’espoir face à l’avenir, mais aussi du doute, de la confusion et de l’appréhension. Le duo fait le parallèle de cette introspection autour du processus d’immigration qu’ils ont vécu en s’installant au Canada.

Baron est allé à sa rencontre pour parler musique et bouffe.

Comment en êtes-vous arrivés à faire de la musique?

Philippe: J’ai été initié à la musique par des cours de piano classique depuis mon plus jeune âge… Adolescent, je me suis un peu rebellé contre les dogmes et j’ai préféré rejoindre le monde pop. Ça m’attirait beaucoup plus.

Nadim: C’est à travers la guitare et la musique pop/rock que mon aventure musicale a commencé quand j’avais 13-14 ans. De 15 à 23 ans, j’ai été obsédé par un énorme éventail de styles musicaux: du rock au blues, en passant par le jazz. C’est vraiment le jazz qui m’a poussé à quitter le Liban pour Montréal, la ville du Jazz fest. Et c’est à Montréal que mon rêve de devenir musicien s’est réalisé.

Comment décririez-vous votre univers musical?

Philippe: Complexe, tentaculaire et doux, comme nos identités.

Pourquoi le nom Wake Island?

Nadim: C’est une vraie île équidistante des continents d’Asie et d’Amérique. Comme on est un duo libano-canadien, on trouvait ça cool d’illustrer nos origines avec cette île symbolique.

Pourquoi un single intitulé «Nouvelle vague»?

Philippe: On a passé beaucoup de temps à New York les 5 dernières années, témoignant d’un beau soulèvement des minorités durant le régime de Trump. Ce mouvement était très contagieux et a même atteint le Québec et Beyrouth. La chanson parle en partie de la force de la communauté à provoquer des changements en société. Comme une vague qui se jette sur la plage, comme la nouvelle vague du cinéma français qui a bouleversé et rafraîchi la façon de voir le médium.

Crédit photo: Wake Island

Quelle est votre relation avec la nourriture?

Philippe: La nourriture est essentielle pour le bien être. J’ai compris ça dans ma vingtaine, beaucoup grâce à l’influence de Nadim, qui a longtemps été mon coloc. Il m’a montré les bases de la cuisine, et ça a changé la façon dont je pense à la santé physique et mentale. J’ai aussi une relation plus dark avec la nourriture où elle devient une façon paresseuse de calmer mon anxiété par la malbouffe… Je n’en ai pas honte. Je trouve même que cette décadence est intéressante et nécessaire par moments.

Nadim: Je cuisine pour me connecter à la nature, à la matière, et pour me sentir en union avec la Terre. J’adore toucher et manipuler les ingrédients depuis un très jeune âge. Je suis biologiste également, donc il y a aussi tout cet aspect scientifique qui entre en jeu quand je cuisine. La nourriture est aussi une façon de voyager chez moi, au Liban, dans la cuisine de ma mère. La majorité des plats que je cuisine sont des plats libanais et/ou inspirés par la technique de cuisine libanaise.

Est-ce que vous écoutez de la musique quand vous cuisinez?

Philippe: Plutôt des podcasts, j’aime bien entendre des gens parler pendant que je cuisine, comme si j’étais chef dans un resto, écoutant ce qui se dit aux tables. Parfois, je mets un album méditatif, Brian Eno, Philip Glass ou Nick Schofield.

Nadim: Ça m’arrive de le faire. J’aime bien le jazz en cuisinant. Dernièrement, je trippe afro beats dans la cuisine, c’est vraiment une super vibe positive.

Quels sont les ingrédients de base dont vous avez toujours besoin?

Philippe: Je cuisine beaucoup libanais, donc il me faut toujours: tahini, cannelle, jamaican allspice ou 7 épices, pois chiches pour le hummus, boulgour…

Nadim: Les mêmes et en plus: du sumac, du zaatar, des lentilles, du riz, de l’huile d’olive, de la mélasse de grenadine…

Quelle est la première recette que vous avez appris à faire?

Philippe: Des œufs au plat et des pâtes bien sûr, dans mes jours étudiants. Mais la première recette en bonne et due forme était un ragoût de haricots rouges à la libanaise (Fasolia w Rizz).

Nadim: J’improvisais des recettes de pâtes à mes amis au Liban quand j’avais 15 ans dans la cuisine de ma mère.

Quel est votre plat signature?

Philippe: J’en ai quelques-uns. Je suis particulièrement fier de mon bulgur aux tomates, moussaka d’aubergine et poulet au curcuma.

Nadim: Cheikh el mehchi.

Crédit photo: Wake Island

Quel est le plat que vous aimez commander?

Philippe: No shame: Big Mac meal avec 10 nuggets.

Nadim: Sushi – shoutout à Tri express et P’tit Tri.

Quel est le dernier repas de duo que vous avez partagé?

Philippe: Un falafel chez Yoni dans le Mile End. On n’a pas beaucoup d’options et on ne peut pas aller l’un chez l’autre depuis la pandémie.

Quelles sont vos règles en cuisine?

Philippe: La première règle, c’est qu’il y a très peu d’erreurs fatales. Ensuite, ne jamais mettre trop d’ingrédients dans une même recette et limiter autant que possible les sauces ajoutées.

Nadim: Je n’ai jamais vraiment suivi une recette à la lettre. Ce n’est pas une règle, mais pour moi la cuisine c’est avant tout un laboratoire. J’aime développer ma propre façon de faire cuire des trucs, par exemple. Donc la «règle» pour moi c’est d’être libre et de s’amuser.

En musique?

Philippe : No ones cares, donc on fait ce qu’on veut et ce qui nous ressemble au moment où on écrit.

Quelles sont les bonnes conditions pour cuisiner?

Philippe: J’adore cuisiner juste après avoir fait du sport. Ça me donne envie de manger bien et manger sain.

Nadim: Je cuisine tout le temps, surtout en pandémie, c’est vraiment non-stop. J’aime bien cuisiner le matin en me réveillant et le soir aussi après une longue journée de travail.

Pour faire de la musique?

Philippe: Ça dépend. Mais généralement un état d’âme à la fois serein et mélancolique fonctionne pour moi. Et aussi, après avoir vu un bon film.

Nadim: Ces temps-ci, c’est vraiment en journée que se passent les choses à cause du confinement et de cette pandémie interminable. J’aime bien faire de la musique le jour, mais j’adore aussi jouer tard la nuit. Ça me manque de sortir en boîte, de danser, de jouer sur scène, de DJ nos soirées. C’est après ce genre d’activités que je me sens le plus inspiré d’habitude. Mais aussi après avoir joué un bon match de basket-ball.

Quel est le meilleur assemblage repas-musique que vous ayez expérimenté?

Philippe: Manger une soupe en écoutant la 3e symphonie de Philip Glass.

Nadim: Manger un bon brunch le week-end en écoutant Guilty Beatz.

Quelle est votre dernière découverte culinaire?

Philippe: Le poulet rôti maison, façon royale, à l’anglaise. Et le gravlax maison.

Nadim: Un rôti guyanais au Jardin du Cari sur St-Laurent.

Et musicale?

Philippe: Gros crush sur Haviah Mighty, et je redécouvre Ezra Furman, que j’avais boudé et que j’aime finalement beaucoup. Aussi, la musique émouvante d’Emel Mathlouthi, qui est devenue une amie avant que je connaisse bien sa musique.

Nadim: KOKOKO, Guilty Beatz et d’autres producteurs/groupes de l’Afrique centrale/Ouest (Nigeria, Congo, Ghana).

🎙️Wake Island

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