Au cœur du projet, il y a le feutre. C’est par ce matériau que Cantin Traditions se distingue. Et derrière le projet, il y a Cindy Cantin. Loin de se reposer sur ses lauriers comme peut le laisser croire l’ancien nom de son entreprise – C’est comme ça –, la designer de formation passe des étuis pour portables et ordinateurs vendus principalement sur Etsy à une marque connue pour ses sacs sans doublure, dont la réputation s’est notamment construite dans les salons des métiers d’art.
Pourquoi sans doublure? Pour valoriser le travail de la matière effectué par des maroquiniers, avec qui l’entrepreneure privilégie la collaboration. Rencontre.
Quel est votre parcours?
J’ai étudié en arts et design et je me suis toujours intéressée à l’objet comme transmetteur de culture et d’identité. Je faisais du développement de produits et je suis tombée en amour avec le feutre. Je me suis aperçue à quel point ce matériau était utilisé par les Autochtones et les Québécois ici, car il est fait avec de la laine et utilisé pour ses propriétés isolantes, pour les intérieurs de bottes ou les chaussons. Cette notion de mémoire collective et historique m’attirait beaucoup. Même s’il est fait avec de la laine, c’est un matériau durable et écologique. J’ai commencé en 2009 à développer des produits plus adaptés à la vie de l’époque. Il y avait de plus en plus de travailleurs autonomes, les gens avaient plus de portables, et le feutre protège, absorbe les chocs et repousse l’eau. Je trouvais ça intéressant de prendre un matériau traditionnel et l’adapter à un mode de vie moderne avec une esthétique contemporaine.
J’ai fait des stages pour apprendre à coudre, développer des produits et savoir ce que c’est d’avoir une entreprise en mode. J’ai appris sur le tas. De fil en aiguille, dans mon salon double avec ma machine, j’ai commencé à coudre les étuis pour portables, matériel informatique, tablettes et à travailler le cuir. Je trouvais intéressant de jumeler deux matières naturelles qui ont un beau complément et dont la durabilité pouvait augmenter grâce à ça.
C’était important pour vous d’utiliser du cuir recyclé ou encore du cuir de vache plutôt que tout autre cuir d’animaux élevés uniquement pour leur peau?
Oui. Il y avait dès le début le souci de réduire l’empreinte écologique, donc on travaillait beaucoup avec des retailles de cuir. Mais le cuir noir est difficile à trouver, ou on trouve des couleurs avec lesquelles on n’a pas nécessairement envie de travailler. C’est le problème du recyclé, on ne peut pas avoir de régularité dans la production ni le choix des couleurs, donc j’utilisais principalement du cuir de vache et beaucoup de cuir végétal. Le cuir végétal s’en vient très cher, donc il faut faire des choix. Il faut jongler avec le choix d’une matière la plus durable possible, écologique et accessible en même temps. C’est important pour moi de ne pas faire des sacs à 600$, mais on veut des sacs de qualité faits au Québec avec des matériaux de qualité.
Comment avez-vous été affectée par la pandémie?
J’avais ouvert une petite boutique dans mon quartier, Villeray, en septembre 2019. À la base, mon site internet était réservé aux produits Cantin. J’ai mis le plus de produits possibles sur la boutique en ligne pour nous faire connaître rapidement. J’ai travaillé le marketing avec une plus grande présence sur les réseaux sociaux. Ça a bien fonctionné. Ça a été une assez belle conjoncture, car les gens ont développé une conscience par rapport à l’achat local et ce qu’il signifie. C’est sûr que c’est beaucoup d’investissement pour se faire connaître: faire de la publicité, faire des rabais et la livraison gratuite. Je ne sais pas si c’est très payant (rires), mais c’est le prix à payer pour faire connaître la boutique en ligne.
Ma boutique est sur une petite rue peu passante, mais pendant la pandémie les gens ont tellement pris de marches que ça a fait connaître la boutique. Quand on a pu rouvrir, les gens qui ne venaient pas dans ce coin se sont déplacés. Je travaillais beaucoup dans la vitrine pour rapprocher le plus possible les produits, je mettais les prix et n’hésitais pas à mettre des petits messages pour dire «s’il y a quelque chose qui vous plaît, j’habite à côté, appelez-moi.» Il y avait toute cette façon de s’adapter au mode survie. Ce n’est pas ce que je prévoyais, mais maintenant la boutique en ligne fait partie de Cantin Traditions.
À quoi associez-vous le mot «traditions» dans Cantin Traditions?
Quand j’étais plus jeune, je trouvais que voyager donnait envie de ramener de l’artisanat local, ce qui est porteur de la culture locale et fait avec un matériau de là-bas. Je trouvais qu’ici au Québec on n’avait pas su, jadis, valoriser cette culture. Notre artisanat traditionnel était moins valorisé quand on parlait des courtepointes, des catalognes comme couvertures, des tapis tissés par les femmes avec des retailles de tissu, tout dans cette notion de récupération. Donc, la tradition, pour moi, c’est vraiment le savoir-faire, le fait main, montrer le travail artisanal et le valoriser.
Cantin Traditions
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Photo en couverture: Cindy Cantin. Crédit: Cindy Boyce.