Le long de nos rues et de nos routes, les grands panneaux publicitaires, les oriflammes et autres étendards accrochent notre œil… Quelle vie ont-ils une fois décrochés sachant qu’il faut des centaines d’années pour les décomposer? Maude Léonard a décidé de les transformer dans sa boutique de Villeray sous la marque Atelier Entre-Peaux.
Si le nom de l’entreprise a un lien avec ses études en maroquinerie, Maude Léonard a changé sa pratique en 2006 pour la rendre plus écologique. Elle s’est tournée vers la récupération de bannières publicitaires initialement vouées à des sites d’enfouissement et elle en a depuis recyclé près de 13 tonnes. Elle accepte les dons qui sont les plus proches d’elle géographiquement pour limiter les transports et elle fait ses achats de matières premières à Montréal.
Les donateurs peuvent être des municipalités, des festivals, ou encore des centres d’achats. Maude Léonard pose des questions avant d’accepter le matériel pour notamment répondre aux attentes de ses clients. Par exemple, les dessins sont privilégiés par rapport aux écritures.
«Personnellement, j’aime bien tout ce qui est logo Montréal, peut-être parce que c’est ma ville alors ça vient me toucher et c’est aussi l’un des meilleurs vendeurs. Sinon, les bannières historiques. J’ai eu un lot de bannières avec l’architecture de Montréal, c’était une exposition sur l’histoire de la métropole. Je trouve ça vraiment intéressant et je prends le temps de lire chaque bannière, je fais comme une formation en histoire en même temps.»
Elle précoupe grossièrement les bannières, les lave, les empile, puis avec une presse hydraulique, elle les découpe aux parfaites dimensions. Elle les coud ensuite et les assemble selon le modèle. Elle essaye le plus possible de rentabiliser ses emporte-pièces. Par exemple, son carré 8,5 par 8,5 lui permet de faire tant un sac en bandoulière qu’un portefeuille. Elle réussit malgré tout à offrir une grande variété de produits comme des masques, des bavoirs ou encore des fanions.
La matière peut aussi définir le modèle. Une nouvelle tendance écologique apparaît surtout auprès des magasins qui optent pour des bannières en tissu ou utilisent une toile en nylon. Toutefois, elle ne permet pas à des produits comme les sacs fourre-tout de tenir debout par eux-mêmes. La taille de la bannière a également son importance.
«On ne veut pas que les logos, les noms d’entreprises ou les visages complets soient reconnus. J’essaye que ce soit le quart et au maximum la moitié des éléments qui soit représentés. Donc, un grand sac n’est pas toujours approprié, mais un portefeuille pourrait permettre de montrer uniquement un œil, une bouche ou un chandail, par exemple.»
Particuliers et corporatifs
L’année 2020 a été très tranquille: l’entrepreneure a actuellement plus de matériel que de commandes. Certaines boutiques où ses produits étaient vendus ont fermé définitivement. Elle en compte encore une douzaine au Québec, mais elle remarque également que les clients achètent moins. Elle a profité de ce temps pour mettre plus d’énergie sur sa boutique en ligne.
«J’aime bien travailler avec les particuliers pour l’approche plus humaine, rencontrer les gens en boutique, parler de tout et apprendre plein de choses. Le corporatif m’apporte de plus grosses commandes, donc c’est plus facile de rentabiliser la production. J’aime aussi le défi des quantités et des délais restreints.»
Les commandes corporatives représentent environ 85% de son chiffre d’affaires. Chaque année, Maude Léonard essaye de créer un partenariat. Par exemple en 2019, après avoir reçu un lot de bannières entièrement roses, elle a eu l’idée de concevoir la Collection ROSE pour la Fondation du cancer du sein du Québec. Pour chaque sac acheté, elle a reversé entre 4 et 8$ selon la taille.
Entrepreneure avant tout
La grande évolution de l’Atelier Entre-Peaux s’est faite à la naissance de son fils. «Avant, j’avais une petite équipe et plusieurs sous-traitants qui travaillaient avec moi, mais j’ai décidé de changer un peu l’entreprise pour redevenir un peu plus petit. Je faisais juste de la vente et une fois par année, du design, mais cela faisait quatre ans que je n’avais pas touché à une machine à coudre. Je n’avais plus le travail manuel que j’aimais. J’ai moins de clients et quand j’ai de grosses commandes, j’engage de l’aide.»
En 2010, elle a créé ZIIIP DESIGN qui propose des accessoires utilitaires, des bijoux et des accessoires de mode imaginés à partir de fermetures éclair. Cette année, elle se penche sur le démarrage d’une nouvelle compagnie, Après la pluie le beau temps.
«Ça va être de la récupération de parapluies pour en faire des accessoires zéro déchet comme des sacs à fruits. Il va y avoir un côté humain puisqu’à chaque don de parapluie, je vais remettre 50 cents à des personnes qui sont dans la rue. Quand ce sera plus gros, j’aimerais engager des jeunes de la rue pour aider à la production et à la vente.»
Maude Léonard explique que ce sont les commandes et ses envies qui définissent la répartition de son travail entre ses entreprises. Son goût pour l’entrepreneuriat vient quant à lui du fait de pouvoir faire son horaire et d’avoir une grande diversité de tâches, allant de la vente à la gestion de clients, en passant par la couture.