Par Eléonore Riffe
Fin décembre 2019, l’univers du vrac montréalais voit l’arrivée d’une nouvelle boutique en ligne spécialisée sous le nom de Mesure. Charlotte Mommaton et Agathe Lehel, les deux cofondatrices, ont élaboré un concept autour de la fabrication de produits ménagers simples, vendus au poids, en consigne ou en vrac. Une offre à plusieurs volets qui répond à des enjeux sanitaires, écologiques et économiques.
À l’origine, Charlotte travaille dans le secteur aéronautique et Agathe dans le monde de la finance. Sensibles aux questions environnementales, les deux amies réorientent leur parcours. Agathe devient entrepreneure et consultante dans les milieux associatifs et éthiques tandis que Charlotte évolue comme gérante d’une épicerie biologique. Pour cette dernière, il s’agit d’une opportunité qui lui permet de tester le management et de se rapprocher d’une démarche écologique. Charlotte sait aussi qu’elle aimerait un jour créer une entreprise. Au ping pong des idées, l’une retient leur attention réunissant des critères essentiels: un projet ayant du sens et du potentiel sans avoir besoin d’un investissement de 100 000 dollars.
«À la base, on voulait avoir un impact sur les produits maison, les cosmétiques et les produits ménagers. En faisant une étude de marché, on s’est rendu compte que les cosmétiques étaient un marché déjà assez encombré et au niveau écologique, les produits ménagers font une bien plus grande différence», raconte Charlotte Mommaton.
Les deux femmes allient alors leur complémentarité pour monter le projet. Charlotte, d’un naturel plus terre à terre, apporte le côté gestion, stratégie, développement, recherches de fournisseurs et Agathe au caractère aussi enthousiaste que rassembleur gère l’aspect relationnel.
Ensemble, elles créent Mesure, une boutique en ligne inspirée de NousRire, un système québécois d’achat groupé en vrac d’aliments biologiques. Sur une voie parallèle, l’entreprise propose une version adaptée aux produits ménagers. Mesure offre au total une vingtaine de produits tels que du bicarbonate de soude, du savon noir liquide ou vinaigre blanc vendus en pots consignés ou en sacs biodégradables. Charlotte, de son côté, reçoit les produits liquides et les poudres dans des chaudières consignées de vingt-cinq kilos qu’elle redonne au fournisseur une fois vides.
À cela s’ajoutent des huiles essentielles québécoises issues de l’économie circulaire. «L’idée tient dans un principe: avoir le plus possible de fournisseurs locaux avec le plus de produits locaux possibles», indique l’entrepreneure. Au système de récupération des produits en vrac mis à mal par la Covid, Charlotte répond par la livraison à vélo qu’elle opère elle-même. En tant que partenaire de la Coop Carbone qui vise la réduction de l’impact carbone des transports, Mesure accède aussi à des casiers mis à disposition des clients pour y récupérer leur commande.
Depuis cet été, une nouvelle gamme complète l’offre: des kits contenants les basiques biodégradables pour confectionner soi-même d’autres produits d’entretien en ajoutant simplement de l’eau. Les kits lessive, cake vaisselle ou poudre à lave-vaisselle sont également vendus en épicerie de vrac. Une solution en somme pour atteindre un nouvel espace de visibilité sans concurrencer les commerces qui vendent déjà en vrac des produits similaires.
«C’est une réaction à comment peut-on créer un produit qui amène une valeur ajoutée, comment garder nos valeurs avec un contenant qui est consigné et des produits qui sont écologiques et rester avec quelque chose qui est simple. La lessive est un bon moyen de tester avant de s’y mettre. Le prix est plus économique que celui de la lessive en vrac. Quand tu le fabriques toi-même, ça revient beaucoup moins cher», explique la Montréalaise.
Plus économique donc mais aussi plus sain. La santé, un argument défendu par Mesure pour pallier aux produits ménagers industriels contenant perturbateurs endocriniens, composés organiques volatiles et allergènes mis en cause dans de nombreuses maladies.
À la vente s’ajoute l’accès en ligne aux recettes DIY de produits ménagers. Avant la mise en route de Mesure, les deux femmes s’aperçoivent que les gens sont freinés par un manque d’informations ou une difficulté à démêler le bon du mauvais. «L’idée du site, c’était des recettes minimalistes avec un minimum de produits, pour pouvoir faire un maximum de choses. Pas forcément pousser à la consommation outre mesure», indique Charlotte.
Et pour renforcer l’assimilation des recettes, les deux amies misent sur un visuel graphique, simple et neutre. Les kits de fabrication viennent avec des fiches imprimées sur lesquelles des pictogrammes permettent d’identifier facilement les éléments nécessaires à la fabrication. Mise en place sur un onglet du site, une communauté de testeurs accessible à toutes et à tous œuvre pour valider l’efficacité et la qualité des recettes. Ensemble, ils comparent et cherchent la meilleure combinaison pour aboutir à un produit.
Dernier volet de l’entreprise, les ateliers donnés dans des sociétés, des associations ou à des particuliers avec un minimum de trois personnes. «L’idée, c’est d’avoir une offre qui englobe des ateliers, des recettes expliquées aux gens et des produits». Initialement conçus en présentiel autour de deux parties – théorie et pratique –, ils ont migré vers une version virtuelle. Leur enjeu: réaliser la simplicité de fabrication et le peu de temps que ça demande.
«Il faut voir ça comme quelque chose de positif, pas comme une contrainte. L’idée c’est aussi de changer l’image qu’on a des tâches ménagères. On appelle ça des corvées mais quand on commence à les fabriquer, on s’amuse aussi», conclut Charlotte.
Enfin, Agathe a posé ses valises à Baie Saint-Paul offrant à Mesure un second bassin de consommateurs avec l’avantage d’une concurrence moindre. Les kits éco se développent désormais dans les deux villes.
