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De la création éditoriale comme un «parloir» avec l’illustrateur François Berger

De la création éditoriale comme un «parloir» avec l’illustrateur François Berger

Inspiré par tout ce qui est concept et symbole, l’illustrateur François Berger, originaire du Bas-Saint-Laurent et vivant dans la ville de Québec, éprouve un plaisir certain à traiter d’enjeux de société à l’aide d’images, du collage et des formes. Ses créations numériques se révèlent vibrantes, texturées et réfléchies, offrant ainsi un regard unique sur le monde.

Rencontre avec l’illustrateur éditorial dont les influences artistiques sont multiples.

Bonjour! Qui êtes-vous, quel est votre médium de prédilection et pourquoi?

Bonjour! Je réponds au nom de François Berger et je suis un illustrateur originaire du Bas-Saint-Laurent présentement installé dans la vieille capitale. À la base, j’ai une formation en design graphique suivie d’une maîtrise en design que je suis sur le point de compléter. Malgré mon parcours académique, ma passion m’a vite amené à intentionnellement déposer tous mes œufs dans le même panier, celui de l’illustration.

Mon travail a une approche qu’on qualifie habituellement de conceptuelle, on peut donc dire que mes principaux médiums sont les symboles ainsi que leurs associations fortuites ou préméditées. Par contre, mes explorations les plus fructueuses ont toujours été du côté du collage et mes illustrations doivent beaucoup à cette technique. Bien qu’aujourd’hui, comme beaucoup d’autres, mon médium de prédilection est la pâte numérique et mon canevas l’écran d’un ordinateur, l’esprit du collage demeure toujours. Je travaille actuellement avec le logiciel Photoshop dans lequel j’intègre des textures, des formes et des fragments d’images glanées ici et là et avec lesquels je m’amuse à créer des compositions intéressantes.

«Envahir» de François Berger pour La fondation Coule pas chez nous

Quelles ont été vos influences artistiques à vos débuts et quelles sont celles d’aujourd’hui?

J’ai toujours beaucoup de difficulté à répondre à ce type de question. Mes influences sont nombreuses et elles ne sont pas uniquement artistiques, mais aussi sociales, culturelles et esthétiques. Par contre, je suis d’accord qu’il y a toujours des moments déterminants.

Je ne peux pas mettre le doigt sur un moment précis, mais j’ai été très tôt sensible à l’esthétique surréaliste. En feuilletant les encyclopédies sur l’art, je me rappelle avoir une tendance naturelle à me perdre dans les paysages de Chirico, Dali et Magritte comme dans un Où est Charlie? Par contre, ma première épiphanie a eu lieu quand j’étudiais en graphisme au Cégep de Rivière-du-Loup et que j’ai vu pour la première fois les illustrations d’Eduardo Recife. C’est à ce moment précis que j’ai eu le sentiment, encore confus, de vouloir être illustrateur. Cette idée a donc commencé à germer en moi et, une fois entré à l’Université Laval, j’ai tout mis en place pour atteindre mon objectif. À l’époque (ce n’est malheureusement plus le cas), leur programme en design graphique offrait un vaste choix de cours en illustration et un élève pouvait s’épanouir en suivant ses propres ambitions.

Un autre moment déterminant dans mon désir de devenir illustrateur fut ma rencontre avec Alain Lebrun (Lino), un chargé de cours et illustrateur professionnel dont la réputation n’était plus à faire. Il donnait le cours Illustration d’actualité qui avait comme objectif d’initier les étudiants à ce domaine spécifique de l’activité d’illustrateur. Une place importante était accordée à l’idéation et à la résolution de problème visuelle en lien avec divers articles d’actualité. Au lieu que de parler de public cible, persona, stratégies, campagne et autres termes répugnants issus du marketing, Lino parlait plutôt de sensibilité, d’émotions et de création en des termes qui me rejoignaient davantage. Son enseignement et sa générosité m’ont donc été grandement profitables et c’est d’ailleurs ce qui a fait en sorte que je me suis orienté avec la ferme intention de devenir illustrateur éditorial.

Pour ce qui est de mes influences actuelles, encore une fois, c’est difficile de statuer. Étant de nature plutôt contemplative, j’aime autant, sinon plus, observer les illustrations que les concevoir. Je découvre presque chaque jour des créateurs exceptionnels, mais j’ai tout de même un intérêt particulier pour tout ce qui est conceptuel, surréaliste, expressionniste, naïf ou outsider.

«Soigner» de François Berger pour Québec Science

Comment organisez-vous votre horaire? Comment planifiez vous le temps de cerveau disponible à la création et celui accordé à la gestion plus technique de votre entreprise?

Comme je suis actuellement aux études à temps plein, ma fibre entrepreneuriale est un peu moins sollicitée. Cependant, je dois tout de même avouer que ce n’était pas ma force. Avant de me concentrer sur ma maîtrise en design, j’avais la chance d’être représenté à l’international par l’agence Anna Goodson. C’est donc elle qui s’occupait des aspects plus techniques comme le démarchage, la promotion, la négociation, la facturation, etc. La représentation par une agence vient avec ses pour et ses contre, mais pour un artiste qui désire se concentrer davantage sur la création que sur la planification, c’est une option qui peut être intéressante.

Quels sont vos meilleurs trucs pour mousser votre créativité?

Il existe probablement autant de trucs pour mousser sa créativité que de créatifs. Par exemple, on connait bien, le brainstorming (Alex Osborn), la pensée latérale (Edward de Bono), le mindmapping (Tony Buzan), la matrice morphologique (Fritz Zwicky), le design thinking (Rolf Faste), et pleins d’autres que j’oublie, mais pour ma part j’aime bien comparer mon processus de création à un passage du roman Les Voyages de Gulliver.

Pour vous mettre en contexte, à un moment dans le livre, Gulliver est amené à visiter l’Institut des langues sur l’île de Balnibarbi. En échangeant avec les scientifiques de l’établissement, le personnage est informé de leur projet consistant à faire disparaitre tous les mots. Selon la théorie des scientifiques, comme les mots servent uniquement à désigner des choses, il serait préférable de transporter avec soi toutes les choses dont on a l’intention de parler. Suivant leur logique, les conversations se résumeraient à pointer du doigt les objets dont on parle. Bien que pour des raisons pratiques, le «langage par chose» fut un échec, certains habitants de l’île aménagèrent chez eux une pièce nommée «parloir» qui contenait tous les objets propices à alimenter ces étranges conversations.

Même si l’analogie est peut-être un peu tirée par les cheveux, je trouve qu’il y a des ressemblances avec mon processus de création en illustration éditoriale. Au début, le truc est assez simple, il s’agit de repérer dans l’article les éléments importants (les choses) du texte à illustrer et de les disposer dans son «parloir». Avec le temps, la pièce se remplit progressivement avec les choses dont on aime discuter et ça devient simplement sa manière de s’exprimer. Bref, à la fin, le truc, c’est qu’il n’y a plus de trucs.

«Ennui» de François Berger pour Québec Science

Quelles sont les outils indispensables pour passer une journée productive?

Papier, crayon et caféine.

Quels ont été les principaux défis auxquels vous avez pu faire face en tant qu’artiste lors de vos débuts?

Les premiers défis auxquels j’ai dû faire face à mes débuts sont évidemment de trouver des mandats. Je savais que je voulais être illustrateur, mais je n’avais pas de plan précis pour trouver du travail. Ma première stratégie était d’envoyer mes illustrations à toutes les maisons d’édition, magazines et journaux existant sur la Terre. Je me suis épuisé avant d’atteindre mon objectif, mais j’ai tout de même fait parvenir des centaines de courriels contenant mes illustrations. Le plus dur a été d’attendre des réponses positives. Elles furent très rares, mais j’ai quand même réussi à obtenir un mandat intéressant, et de fil en anguille j’ai ainsi gagné en expérience et en visibilité. Je crois que le plus difficile pour un artiste qui débute est de se mettre le pied à l’étrier et de ne pas se laisser abattre par les impondérables de ce processus.

Quels sont vos principaux défis aujourd’hui et comment arrivez-vous à les surmonter?

Aujourd’hui, mon principal enjeu est de concilier travail/étude, mais j’ai bon espoir de bientôt remettre mon mémoire. Donc, problème résolu. Après, le défi va être de rebâtir progressivement une clientèle que cette période moins active m’a fait négliger.

«Trumpism» de François Berger pour The Chronicle of Higher Education

Quelle œuvre avez-vous réalisée dont vous êtes le plus fier et pourquoi?

Je ne dirais pas que je préfère une œuvre en particulier, mais plutôt des collaborations avec certains clients que j’apprécie particulièrement. J’adore illustrer des articles traitant de sujets complexes en lien avec des enjeux sociaux, politiques ou scientifiques. Je peux donc citer le magazine Québec Science et The Chronicle of Higher Education comme étant mes mandats de prédilection. J’aime aussi qu’on me propose des projets différents du cadre strictement éditorial comme ç’a été le cas avec la campagne Gaz jurassique de La fondation Coule pas chez nous par exemple.

Que changeriez-vous, si vous aviez la chance de revenir en arrière?

Je crois que je suis rapidement tombé dans le piège du créatif qui ne s’intéresse qu’à la création. Dans ma démarche, j’ai surtout développé l’idée (le concept) derrière l’illustration, et ce, peut-être au détriment de l’aspect. Si je pouvais revenir en arrière, je m’accorderais probablement plus de temps d’incubation, à explorer diverses possibilités techniques. De plus, j’aurais été moins hésitant à demander conseil à des professionnels et à m’intéresser à leur parcours.

C’est d’ailleurs le conseil que je donnerais à quelqu’un qui souhaite vivre de son art. Ne pas hésiter à demander l’avis des gens qui l’inspirent. Prendre le temps de se découvrir soi-même, de découvrir ce qui le touche et ensuite de s’exprimer avec hargne.

François Berger

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