Multi-instrumentiste, violoniste et auteure-compositrice-interprète, Brigitte Dajczer alias Briga sort son cinquième album enregistré pendant le confinement, Territoire. Accompagnée de ses musiciens, elle fera un lancement numérique filmé au studio Hotel 2 Tango, dans le Mile End, et diffusé en direct sur YouTube le 29 octobre à 20h.
L’album s’inscrit dans un désir de mieux refléter la réalité de la musique canadienne: une diversification affirmée des styles et la création d’un «nouveau folk», en s’inspirant de la vague de renouveau de la musique folklorique à la recherche d’une identité singulière comme Jeremy Dutcher ou encore Tanya Tagaq. On y retrouve aussi plusieurs collaborations avec BLISK, Tamar Ilana et ALI X.
D’origine québécoise et polonaise basée à Montréal, Brigitte Dajczer est aussi connue pour ses nominations aux prix JUNO, Prix de musique folk canadienne et l’ADISQ.
En attendant sa performance, elle nous fait l’honneur de nous partager ses expériences musicales et culinaires.
Comment en es-tu arrivée à faire carrière en musique?
Ça a commencé avant même que je puisse me souvenir comment ça a commencé, quand j’avais 3 ou 4 ans. On m’a fait suivre des cours de violon. Mon père joue du piano et ma grand-mère jouait du violon, donc la musique c’est déjà dans la famille. Je ne suis pas vraiment certaine si c’est moi qui ai choisi de jouer de la musique ou si c’est la musique qui a choisi de me jouer. Ça a toujours fait partie de ma vie et je ne peux pas me l’imaginer sans musique. Pour moi, c’est comme respirer.
Le violon est mon instrument principal. Je joue d’autres instruments plutôt bien, mais je ne peux pas vraiment me vendre comme une guitariste, une pianiste, une flûtiste, une accordéoniste, une violoncelliste… C’est vraiment avec le violon que je me sens le plus à l’aise et je pourrais en jouer pendant mon sommeil.
J’ai étudié en musique, au Royal Conservatory of Music de Calgary, suivi d’un baccalauréat en beaux-arts à l’Alberta University of the Arts et d’une maîtrise en beaux-arts à l’Université de Concordia à Montréal. Au début, je me suis dit que la métropole était une grande ville avec une centaine de violonistes alors je ne pensais pas essayer de me démarquer dans ce créneau. Mais deux ou trois mois plus tard, j’ai commencé à jouer de la musique algérienne dans des boîtes de nuit: du chaabi, du raï.
Comment décrirais-tu ton univers musical?
Ma musique a les sonorités de l’Europe de l’Est avec un violon et de la voix qui flottent sur des grooves maghrébins pour créer une forme de turbo-folk à la montréalaise.
Pourquoi le nom Briga?
Boris Bartula, le chanteur du groupe Les Gitans de Sarajevo, souvent m’appelait Briga. Au début, je me disais que c’était peut-être un diminutif de mon prénom, Brigitte. Mais un jour, il m’a demandé si je connaissais la signification et m’a expliqué que ça voulait dire «mon souci» en Yougoslavie et il a précisé que c’est un terme que l’on donne à ceux qu’on aime.
Pourquoi Territoire?
J’ai commencé à écrire l’album en 2018. J’ai des racines polonaises juives et mon grand-père avait passé du temps à Dachau, en Allemagne, pendant la Deuxième Guerre mondiale. Sur ce territoire inconnu, je cherchais à retrouver un peu mes racines.
Territoire, ça raconte l’histoire de Yanouchka, une jeune polonaise qui est en fin de compte une caricature de mon père qui décide d’immigrer au Canada. Elle arrive en territoire inconnu et c’est là qu’elle va essayer de rebâtir sa vie.
Il y a neuf pièces sur l’album qui représentent différentes phases de la recherche d’identité.
Je travaille avec une idée conceptuelle qui n’a pas de rapport avec la musique, mais je suis capable de rentrer dans cette idée à l’intérieur de moi, d’entendre des sonorités et de créer quelque chose en suivant mon intuition.
Beaucoup de ces pièces sont très courtes, entre 2min30 et 2min45 alors qu’habituellement, quand j’écrivais des chansons, ça durait 5min. Je pense qu’avec l’influence de la technologie mon attention est réduite, donc mes chansons aussi. Il y a quelques chansons qui ont de super beaux grooves, comme Tribu, où on entre aussi un peu dans une trans. Pareil avec la chanson Territoire et c’est dans le but de trouver une vague de foi dans la musique. Tabou est très envoûtante et fait danser, avec des percussions berbères et algériennes.
Quelle est ta relation avec la nourriture?
Crazy love affair. J’adore manger, savourer, préparer la bouffe. C’est la base aussi. Disons que je suis vraiment fauchée, je n’ai pas beaucoup de cash, je vais toujours m’assurer de bien manger. C’est tellement important.
Est-ce que tu écoutes de la musique quand tu cuisines?
Parfois oui, parfois non. Quand je le fais, ça dépend de ma journée. Ça peut être de la musique électronique, de grands classiques comme Frank Sinatra, les tops playlists de Tik Tok, Doja Cat…
Quels sont les ingrédients de base dont tu as toujours besoin?
L’huile d’olive, poivre et sel, citron, thym, basilic. Peu importe ce que tu fais, tu peux ajouter ces épices de base pour rendre ton plat plus intéressant. J’adore les légumes alors je suis toujours prête à aller à l’épicerie juste à côté.
Quelle est la première recette que tu as appris à faire?
C’est une recette pour faire une pinata. Pour en fabriquer, on a une recette de farine et d’eau pour servir de colle pour placer le papier mâché.
Quel est ton plat signature ?
Des quesadillas aux haricots rouges. C’est super facile à préparer. On a les tortillas, deux cans de haricots rouges qu’il faut écraser. Après ça, on ajoute de la coriandre, un oignon rouge et de la salsa. Il faut que ça devienne une pâte pas trop solide, pas trop liquide. On la met dans la tortilla, on ajoute le cheddar et voilà, c’est délicieux et pas cher!
Quel est le plat que tu aimes commander?
Le premier, c’est la pizza Miami avec saucisses, pepperoni, fromage et bacon. C’est tellement cochon, c’est super bon. Sinon, ce sont les 4 filets de poitrine de poulet de St-Hubert. Encore une fois, ce n’est pas super santé, mais quand il fait froid et que tu ne veux pas sortir… Je connais le numéro de téléphone par cœur, c’est gênant.
Quelles sont tes règles en cuisine?
J’aime beaucoup faire le travail d’équipe et mon chum haït ça. Souvent, ce qui arrive, c’est que je commence par l’aider, puis il va être écœuré et je finis par briser ma règle de cuisine, je m’assois et je le regarde préparer pour moi.
En musique?
Premièrement, ne pas répéter si tu n’as pas un show ou un but en commun. Je ne crois pas à la répétition pour rien, je parle par rapport au collectif, pas ma répétition pratique. Deuxième chose: bonne vibe, pas de chicane spirituelle. Quand on est ensemble, en train de jouer, tu peux sentir s’il y a un malentendu entre deux personnes ou autre. Il faut viser une énergie positive et neutre pendant qu’on est ensemble. Et si jamais ce n’est pas possible parce qu’on est des êtres humains et pas toujours de bonne humeur, c’est de le dire ou d’en parler, que ce soit en privé ou en groupe pour aérer un peu. Troisième chose: faire ses devoirs musicaux. Et on joue toujours par cœur sur scène, je n’aime ça les partitions sur scène, à moins que tu sois un orchestre.
Quelles sont les bonnes conditions pour cuisiner?
Ça me fait penser à l’émission Top chef, c’est une cuisine de paradis, ils ont tous ce dont ils ont besoin, c’est super frais et c’est super design. J’aimerais ça me ramasser dans un Top chef.
Pour faire de la musique?
D’être soi-même dans l’espace parce que parfois, quand tu joues de la musique, tu ne te sens pas bien dans ton environnement parce que tu as peur que tes voisins chialent, par exemple. Se sentir la bienvenue de pouvoir s’exprimer dans l’espace, virtuel ou physique, et de pouvoir partager, que les autres sont ouverts à recevoir.
Imagine, on n’a pas joué le band ensemble pendant un an et au mois de septembre, on a eu deux répétitions de 3h où on a pu mettre à jour les 9 pièces. On n’a pas eu beaucoup de temps, mais l’énergie est très électrifiant parce que c’est tellement un plaisir de se retrouver. C’est plate de manger seule, c’est plate de jouer de la musique seule. Quand ça devient un acte solitaire, tu te poses beaucoup de questions. Pourquoi je fais ça? Pourquoi je suis ici? Tandis que quand tu le fais en groupe, on est 100% sûrs de savoir ce que l’on fait.
Quel est le meilleur assemblage repas-musique que tu aies expérimenté?
J’ai fait un show ce printemps, pendant le premier confinement, c’était Cuisine et musique avec Briga. On l’a fait dans notre cuisine et j’étais en train de jouer une chanson, Dada do ta shes. C’est l’histoire d’une belle-mère qui demande à son fils de revenir de la guerre parce qu’il lui manque dans la cuisine. Pendant ce temps, mon chum préparait des pâtes à l’italienne avec une sauce tomate.
Quelle est ta dernière découverte culinaire?
Les dumplings. J’ai une nièce chinoise de Seattle qui est venue en janvier à Montréal avec son père, le frère de mon chum. Elle nous a montré comment préparer les dumplings de zéro. C’est quand même quelque chose! Quand tu fais la pâte et tu choisis les ingrédients que tu mets à l’intérieur… c’est vraiment délicieux.
Et musicale?
Nissim Black. Je l’ai découvert sur Noisy. C’est un artiste hip-hop qui s’est converti au judaïsme orthodoxe. Il est originaire de Seattle et avant, c’était un gangster.