L’huile d’olive fait partie de nos réflexes culinaires depuis longtemps. Pourtant, «les olives, cela ne pousse pas au Québec!», lance Audrey Bouchard, copropriétaire avec son conjoint Guillaume Dallaire de la Ferme Tournevent située dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Depuis deux ans, cette entreprise agricole d’Hébertville produit et commercialise une huile qui pourrait bien concurrencer loyalement l’incontournable substance méditerranéenne: l’huile de caméline.
Encore méconnue, cette huile biologique 100% québécoise se déguste à toutes les sauces, crues ou cuites. Avec un point de fumée à 475 °F, l’huile de caméline ne craint ni la poêle ni le four, de quoi alimenter les pâtisseries ou rehausser la saveur d’une grillade.
«Mais les huiles ne sont pas que des éléments pour faire de la cuisson. Ce sont des porteurs de saveurs et des aliments en soi. En faisant de la première pression à froid, on garde des éléments nutritifs à l’intérieur», explique Audrey Bouchard.

Outre son ail, ses grains et légumineuses, la Ferme Tournevent propose également trois autres huiles à ses consommateurs: lin, canola et chanvre. La productrice vante notamment la haute teneur en oméga 3 de la première, la belle couleur dorée de la seconde et le bon goût de noisette de la dernière.
Si, évidemment, Audrey Bouchard ne dénigre pas l’huile d’olive, elle pense que les consommateurs gagneraient à incorporer des huiles différentes dans leur alimentation quotidienne.
«Cuisiner avec l’huile de caméline et de canola, faire une vinaigrette en ajoutant de l’huile de chanvre…ça fait des apports nutritifs différents pour combler différents besoins du corps», insiste-t-elle.
Consommer le terroir
La jeune agricultrice a constaté que les gens se sont reconnectés avec leur terroir depuis l’arrivée de la pandémie.
«On propose nos produits à des prix intéressants pour ne pas qu’ils deviennent un produit de luxe, qu’on mange de temps en temps ou quand on reçoit de la visite à la maison. Si on veut consommer notre terroir, alors on doit pouvoir le consommer tous les jours comme quand on achète du pain ou du fromage d’ici», souligne Audrey Bouchard.

Il n’est donc pas étonnant d’apprendre que la Ferme Tournevent s’est fixé comme objectif d’approvisionner la population québécoise de ses produits tout au long de l’année.
«Si ce qu’on veut, en bout de ligne, c’est que les Québécois mangent davantage ce qui pousse au Québec, il faut que ça tourne. Il faut que la production, les volumes et les consommateurs soient au rendez-vous, mais aussi que les prix soient intéressants», précise-t-elle.
Goûter le terroir, c’est aussi découvrir la richesse de ses nuances. «C’est comme un millésime de vin. Cette année on presse le grain de 2019 puis viendra celui de 2020. Il y aura une certaine variation de goût entre les deux années, mais ça ne veut pas dire que le produit n’est pas de qualité ou qu’il n’est pas bon. C’est simplement qu’une année, il a fait plus froid, plus pluvieux ou plus ensoleillé», explique la jeune agricultrice.
Semer du positif
En plus des bienfaits nutritifs et gustatifs, Audrey Bouchard ajoute qu’il y a des retombées positives dans la communauté grâce à la consommation de produits locaux. «En augmentant mes ventes, je peux proposer un contrat à un producteur local pour qu’il cultive, par exemple, de la caméline que j’achèterai ensuite.»
Plutôt que de cultiver du maïs, ce qui n’est pas très payant, la Ferme Tournevent offre ainsi l’opportunité à des producteurs agricoles de mettre un produit plus rentable dans leurs champs.

«On travaille en collaboration avec plein d’autres fermes dans la région et on connaît celles qui sont bios. Grâce à ces partenaires, on sait qu’on va pouvoir se développer et leur offrir des contrats intéressants parce que l’agriculture, on ne se le cachera pas, ce n’est pas le secteur le plus payant. Alors, si on veut que nos agriculteurs continuent à faire leur travail, il faut leur donner des alternatives intéressantes», ajoute-t-elle.
Avec la pandémie, la copropriétaire pense que les gens ont compris à quel point l’agriculture est importante. «Cela a accéléré le processus. On a vu davantage de gens, qui se fichaient de ce qu’ils mangeaient auparavant, se poser des questions sur le contenu de leur assiette. Le gouvernement a vu que c’était important, la clientèle est là et je pense que c’est là pour rester», conclut-elle.