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Castor et Pollux: se réapproprier l’espace public

Castor et Pollux: se réapproprier l’espace public

Stéphanie Henry et Jeanne Faure ont cofondé en 2016 l’agence de paysage et design urbain, Castor et Pollux. Elle a pour mission de transformer l’espace public en s’appuyant sur son territoire naturel et sur l’implication citoyenne.

Stéphanie Henry a un parcours professionnel multiple qui l’a amené à faire les Beaux-Arts de Paris où elle a pu travailler sur l’intervention de l’art dans l’espace public visant à valoriser les différents paysages urbains. Elle s’est ensuite formée en design à l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg avec un intérêt accru pour les interventions dans l’espace public et l’appropriation citoyenne. Elle a enfin été à l’École de paysage de Versailles pour comprendre comment une ville s’appuie sur le territoire naturel et peut se développer sur ses atouts.

Castor et Pollux est la résultante de ces trois approches: une rencontre entre les échelles de réflexion de l’espace public. Cette compréhension est d’ailleurs partagée par l’architecte et designer urbain, Jeanne Faure, qui est la cofondatrice. Leur projet a démarré avec des ateliers participatifs de fabrication citoyenne pour impliquer les gens dans la transformation de leur espace public de proximité.

«C’est né dans une mouvance globale où le participatif prenait de plus en plus de place, raconte Mme Henry. J’ai travaillé dans des pays où les espaces publics sont complètement accaparés, appropriés par les citoyens et transformés. Les gens ne se posent pas la question: l’espace public est un espace collectif. C’est décidé par la ville, mais c’est l’extension de son chez-soi. On avait vraiment envie de créer des projets où on propose aux citoyens de se réapproprier l’espace.»

C’est ce qu’elle appelle activer la ville. La deuxième partie de son défi est de révéler les atouts du paysage.

«Il s’agit de s’appuyer sur le patrimoine naturel d’un site. Essayer de comprendre pourquoi il est installé là, ce que c’était avant, les forces naturelles en place parce qu’il y a des arbres, la topographie, une rivière… C’est révéler et valoriser l’existant, s’appuyer dessus pour orchestrer l’aménagement urbain proposé, faire en sorte que l’espace soit le plus intégré possible et pas posé de toute pièce. On ne part pas d’une page blanche, on part d’un site qui a toute son histoire», insiste la cofondatrice.

Coopérative à but non lucratif

«C’est une coopérative de travail, donc oui, c’est une entreprise même si on a une volonté d’avoir une gestion plus horizontale et d’impliquer les travailleurs dans leur mission professionnelle, explique Mme Henry. L’idée est de s’entourer de gens qui sont engagés dans leur approche de la ville. Le sens du travail a énormément d’importance dans notre coopérative.»

Elle génère des idées lors de rencontres avec les élus, les arrondissements, les municipalités, mais ce sont principalement les villes et les arrondissements qui se présentent à elle avec des projets.

Implantée à l’est du Plateau-Mont-Royal à la limite avec Rosemont, l’agence Castor et Pollux y est très présente, avec des projets jugés audacieux. Par exemple, l’île aux volcans située à l’intersection des rues Drucourt et Marquette est la résultante d’un élargissement de chaussée où il y avait un petit îlot central qui est devenu une place publique dédiée au jeu libre.

Crédit photo: Ville de Montréal

«Le fait que Projet Montréal soit au pouvoir dans ces arrondissements, ça colle beaucoup avec nos valeurs, à savoir la déminéralisation de l’espace public: faire rentrer la nature dans la ville, la mobilité active; favoriser la marche et le vélo, plus d’espaces de rencontres… C’est beaucoup plus facile d’intervenir dans des arrondissements où ces valeurs sont présentes politiquement», soutient la Française d’origine.

Paysage tactique

Le processus mis en place par Castor et Pollux s’appelle le paysage tactique. Toutefois, tous les projets ne prennent pas en charge l’ensemble.

Un projet peut commencer avec des ateliers de concertation in situ.

«Initialement, on n’est pas spécialisé là-dedans, par contre, on a compris qu’on avait vraiment des choses à apporter lors de ces concertations, reconnaît Stéphanie Henry. On part du site: qu’est-ce que c’est, comment veut-on le transformer? Il y a beaucoup de citoyens qui ne seraient pas forcément en mesure de réagir face à un plan. On active des choses sur place. Cette première étape peut être la définition d’un cahier des charges participatif: qu’est-ce qu’on veut, quels sont les besoins, est-ce qu’il y a des attentes spécifiques?»

L’agence pose ensuite des notions et des concepts, fait une mise en plan qui s’appuie sur ses compétences professionnelles tout en utilisant les recommandations des citoyens.

Une fois que le projet est avancé, voire livré, les citoyens peuvent le finaliser lors d’un atelier de co-design ou de fabrication participative, par exemple avec de la peinture au sol, du tissage, ou encore des plantations.

«Une fois qu’on a livré le projet, il y a tout ce qui est évaluation parce que dans ce processus de paysage tactique, on parle d’aménagement transitoire. C’est donc un aménagement qui va avoir une durée de vie de 2 à 5 ans. Pendant ce temps, on va l’évaluer, seul ou avec les citoyens. Suite à ça, on va faire des bonifications, puis on sera en mesure de faire un schéma directeur pour les aménagements permanents. Ensuite, il y a la phase d’aménagement permanent et c’est rare qu’on ait ce mandat parce qu’on était dans les recommandations et en termes d’octroi de contrat, c’est difficile à combiner. Même si, idéalement, il faudrait qu’on soit présent parce qu’on a l’historique du projet», concède l’entrepreneure.

Les enfants, la santé et les piétons

En lien avec la Covid, Castor et Pollux a adapté son offre de service.

Crédit photo: Michael Abril

«Dès qu’on a compris que l’espace public devenait un vecteur de solutions pour que les gens puissent sortir de chez eux en mars dernier, on a commencé à solliciter les villes et les arrondissements en leur proposant de les accompagner pour transformer les espaces dédiés à la voiture pour les piétons. On a fait cette offre de service et on a tout de suite été sollicité pour créer les rues familiales et actives, participer à la piétonnisation de l’avenue Mont-Royal. C’est une parenthèse qui est aussi le levier vers une nouvelle politique de l’espace public.»

Elle croit que les rues familiales et actives pourraient revenir l’été prochain et que cela peut s’accompagner d’une prise de conscience pour réduire la proportion dédiée à la voiture, un chiffre qu’elle estime à 80% de la surface de l’espace public.

«De plus en plus, on est appelé pour tout ce qui est présence des enfants dans l’espace public. Redonner une place sécuritaire, ludique et pédagogique aux enfants. C’est directement lié au fait qu’on écarte la voiture. Pourquoi les enfants n’ont pas le droit de sortir seuls dans la rue? Il y a des millénaires, ils avaient le droit et maintenant, ils ne peuvent plus. On a rétrogradé. Comment faire en sorte que les enfants aient une place de choix dans l’espace public?», souligne-t-elle.

Ce à quoi s’ajoutent le lien entre l’aménagement des espaces publics et la santé ainsi que toutes les questions de piétonnisation, qu’elles soient éphémères, transitoires ou durables.

🌳Castor et Pollux

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