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Pascal le boucher : manger en toute conscience

Pascal le boucher : manger en toute conscience

Pascal Hudon a ouvert sa boucherie à Montréal en 2016 avec pour slogan « Mangez moins de viande, choisissez-la mieux ». Il s’est donné le défi d’encourager les petits producteurs et d’innover avec eux, tout en décrochant l’appui de la clientèle. En constante croissance, Pascal le boucher compte aujourd’hui une dizaine d’employés. Rencontre.

photo Facebook

Quel est votre parcours professionnel ?

Je suis carrément né dans le domaine de la boucherie. J’ai évolué là-dedans sans nécessairement penser que j’allais en faire un métier. Comme c’est une entreprise familiale, c’est normal que je contribue à la charge de celle-ci. 

Ça m’a permis de me réaliser aussi à l’extérieur, en étudiant dans plein de domaines. J’ai voulu aller en psychologie, être professeur d’éducation physique. J’ai étudié en musique, en percussion latine et africaine aussi. J’ai été en art dramatique et en environnement vers la fin. Je me suis toujours cherché, sans jamais savoir où j’allais. Malgré tout, je n’étais pas inquiet, c’était important d’ouvrir des portes et d’en fermer pour me connaître davantage. C’était primordial que le métier que j’allais choisir ait un sens, contribue à quelque chose de plus grand que moi. 

Quand j’étais à l’université en environnement, il fallait avoir des cours hors programme, et j’en ai vu un qui s’appelait gastronomie et société. Il s’est transformé en un certificat en Gestion et pratiques socioculturelles à l’École des sciences de la gestion, à l’UQAM. C’est là que j’ai eu un déclic majeur. 

De voir que la nourriture touche à des notions d’économie, identitaires, environnementales, culturelles… J’ai eu le coup de foudre avec ce secteur et j’ai réalisé que j’avais un savoir-faire qui m’avait été légué.

Il manquait le sens que j’ai voulu amener tranquillement dans l’entreprise familiale, mais plus j’avançais et plus je devenais pointu. Ce que je voulais représentait pas mal de risques : travailler uniquement avec de la carcasse, être directement lié aux petits agriculteurs… C’est un système d’approvisionnement qui demande plus d’organisation pour des marges similaires à une boucherie traditionnelle. Je voulais aussi amener les clients à ne pas avoir tout ce qu’ils veulent nécessairement, mais à s’adapter aux arrivages. Ça demande plus de main d’œuvre, plus de temps pour servir les clients… Bref, le besoin de quitter l’entreprise familiale est venu naturellement pour démarrer la mienne, sans compromis.

Comment peut-on mieux choisir sa viande ?

En se rapprochant des agriculteurs. Quand on ne sait pas d’où viennent nos produits, on n’est pas capable de créer de l’attachement, donc on va consommer de la marchandise, sans tenir compte de tous les impacts que ça peut avoir. Manger de la viande peut avoir un sens : il faut réduire grandement sa consommation et quand on le fait, s’assurer que ça a voyagé le moins possible et que les animaux ont été intégrés dans un système écologique équilibré, autant que possible. Par exemple, les ruminants peuvent être dans un système de rotation intégrée : tout l’été, ils vont se promener d’un champ à l’autre pour manger continuellement de l’herbe, et qu’il n’y ait pas de céréale dans l’alimentation. Ils vont fertiliser les sols avec leurs déjections et labourer les sols à la place de machineries.

Quand on mange une portion de bœuf comme ça, l’empreinte environnementale est très réduite, voire neutre dans certains cas. C’est vers ça qu’il faut se tourner, avec une agriculture un peu plus paysanne, à petite échelle.

Et quand on décide de manger de la viande une ou deux fois par semaine, de le voir comme un privilège et d’être conséquent avec ça. À ceux qui veulent changer un peu leur façon de s’approvisionner en viande, je dis : « Gardez le budget que vous avez présentement en allant au supermarché, mais dépensez-le chez les fermiers ou dans des entreprises comme la mienne. Vous allez en manger moins en fin de compte et tout le monde va s’en porter mieux ».

Le circuit court s’accompagne-t-il de plus grands échanges ?

On va régulièrement à la rencontre des fermiers, on maintient le lien et on alimente la réflexion sur comment améliorer l’élevage. Je travaille avec des gens qui sont passionnés. Pour eux, c’est une sécurité de savoir qu’il y a un commerce à Montréal intéressé par ce type de produits, en plus d’être réceptif et résilient. Parfois, on va faire des tests et changer de pâturage ou de rotation et la qualité de la viande sera moindre alors on refait un ajustement. Dans tous les cas, je vais continuer à l’acheter parce que c’est un laboratoire. J’aide à réduire le risque économique tout en étant constamment en recherche et développement.

Est-ce que vous vous donnez une limite géographique ?

En termes de kilomètres, non. Le Québec est ma limite. Je trouve super important qu’un commerce en ville facilite l’occupation du territoire. Il peut y avoir des fermes qui sont un peu plus loin, mais qui ont besoin du soutien des villes pour pouvoir vendre leur propre production.

Comme il s’agit de petits producteurs, vous en sollicitez beaucoup ?

Exactement. J’ai des fournisseurs principaux, mais j’essaye d’encourager un maximum d’agriculteurs. C’était mon défi lorsque je n’avais aucune notoriété et que je débarquais dans les fermes. Après, il a fallu planifier des calendriers d’arrivage et avoir une certaine stratégie. Ces agriculteurs ont cru au projet, donc mon but est de les remercier en continuant à les soutenir. Je crois aussi à la diversification des sources d’approvisionnement, au paiement à la réception de la viande… À tout cet impact qu’une entreprise de quartier comme la mienne peut avoir sur le territoire. 

Est-ce que la clientèle a changé au fil des ans ?

Au début, j’avais peut-être besoin d’expliquer un peu plus le concept, on pouvait voir un peu plus de clients virer de bord parce que je propose une offre un peu marginale. Maintenant, le positionnement et la communication sont tellement clairs qu’on a beaucoup moins à expliquer ce que l’on fait. Tous les bouchers qui commencent à travailler ici sont ébahis de voir à quel point la clientèle peut avoir une idée, mais vient aussi majoritairement s’inspirer de ce qu’il y a dans la vitrine. Les gens qui veulent un repas de bœuf vont l’avoir, grillé ou mijoté, mais ce ne sera peut-être pas de la bavette, je vais leur proposer la hampe à la place ou un persillé de bœuf. On voit des gens qui veulent se responsabiliser.

Poutine Ramen réalisée dans le cadre de la poutine week. Composée d’ingrédients locaux à 100%. Photo par Olya de @yumsterlifephoto

Votre boucherie se porte-t-elle bien malgré la pandémie ?

On a une belle croissance constante depuis l’ouverture. Le vendredi, lorsque la pandémie a commencé, on a déjà vu  une augmentation de l’achalandage et ça se maintient. J’essaye de comprendre pourquoi. Je pense que les gens sont de plus en plus sensibles à l’achat local. Comme ils sont confinés à la maison, ils veulent manger de bons ingrédients. C’est peut-être aussi le côté convivial d’acheter dans un plus petit commerce plutôt que dans une chaîne où on peut être en contact avec plein de monde.

Quels sont vos projets ?

On a encore tellement de choses à comprendre et à gérer. Je n’ai pas d’énorme stratégie par rapport au futur, mis à part être encore plus près des systèmes agricoles. On peut avoir de l’impact en étant petit comme on est et c’est comme ça que je me sens près de moi. Si je peux offrir du coaching et partager mon expérience, ça me ferait vraiment plaisir. Si, par exemple quelqu’un à l’interne voulait démarrer une autre entreprise du style Pascal le boucher, j’encouragerais sans doute ce type de croissance. Pour l’instant, ce qui me stimule, c’est de continuer à rencontrer de nouvelles problématiques, à apporter de nouveaux ajustements et à encourager au maximum les agriculteurs. Nous tendons à avoir une production qui à une empreinte carbone la plus faible possible.

🥩 Pascal le boucher

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