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Raplapla: Fortifier l’univers des enfants, un tissu à la fois

Raplapla: Fortifier l’univers des enfants, un tissu à la fois

Erica Perrot crée localement depuis 2005 des jouets pour enfants sous l’appellation Raplapla. Elle fait aussi depuis 2014 face aux chirurgies oculaires, aux surdoses de lessive et à toutes autres urgences grâce à l’implantation d’un Hôpital ouvert à tous les patients en tissu. Avoir une poupée en tissu, lui redonner vie année après année, génération après génération, l’entrepreneure rend tout ça possible.

C’est lorsqu’elle se retrouve au chômage qu’Erica Perrot, formée en design de mode à Montréal, coud une poupée pour sa fille de 2 ans. Cette dernière l’adore et la poupée retient au passage l’attention d’autres parents. Quelques mois après ses débuts, elle conçoit une centaine de petits «Raplaplas» et participe à l’événement annuel Souk MTL, anciennement appelé SOUK@SAT.

«Je veux faire des jouets que je trouve esthétiquement intéressants, s’enthousiasme l’entrepreneure. Je trouve vraiment important d’offrir aux enfants quelque chose de riche au niveau du design, même si c’est parfois un peu bizarre, ou si ça a un humour qui va plus rejoindre le parent. […] Je privilégie des tissus aux textures différentes et intéressantes, donc des mariages de couleurs, de matières.»

Parmi les défis principaux qu’elle rencontre? L’acceptation du juste prix par les clients. «On est habitué à avoir des jouets qui viennent d’Asie et qu’on trouve dans des pharmacies ou de grands supermarchés à 8,99$. Alors quand on arrive avec des jouets à 40$, 60$ voire 80$, il y a vraiment une réaction de la part du client qui se demande pourquoi, qui pense que “c’est totalement exagéré” ou encore”quelle voleuse”! Il y a une méconnaissance de ce métier, de la couture et du travail que c’est de fabriquer un petit objet qui a beaucoup de pièces. C’est très long de retourner et de rembourrer chaque pièce», souligne la Montréalaise.

La crise liée au coronavirus met en lumière la couture locale

Elle considère toutefois que la pandémie permet à certains clients de prendre conscience de la valeur du travail effectué. «On a moins de couturières ici, explique Mme Perrot. On se rend compte depuis les dernières semaines que lorsque l’on a besoin rapidement d’objets cousus, comme un simple petit masque en tissu, ce n’est pas si facile à trouver et ça ne vaut pas 3$.»

Quelques incompréhensions liées à la production locale sont également atténuées. «[jusque là], des clients me disaient “tu délocalises en Asie, en Amérique du Sud, tu trouves un autre atelier et tu reviens avec des prix beaucoup moins chers et tu peux prendre le marché”. Dans mes valeurs, dès le départ, je savais que c’était quelque chose que je n’avais pas envie de faire. Je voulais faire les choses ici, avec les familles d’ici», insiste-t-elle.

L’hôpital pour personnes en tissu de Raplapla. Courtoisie.
L’hôpital pour personnes en tissu de Raplapla. Courtoisie.

Son équipe est constituée de 4 personnes venant du Grand Montréal: une couturière, une assistante qui s’occupe de la production avec elle ainsi que la gestion de l’Hôpital pour personnes en tissu, une employée en charge de la boutique et des colis ainsi qu’une sous-traitante qui oeuvre depuis Longueuil.

Certains tissus sont aussi tricotés localement, par exemple son modèle le plus connu «Monsieur Tsé Tsé» est fabriqué à Montréal, à partir d’un tricot de coton. 

Des normes de sécurité contrariantes

Par ailleurs, il lui faut redoubler d’efforts concernant les normes de sécurité liées aux jouets pour enfants. Il aura par exemple fallu plus de deux ans d’accompagnement avec Santé Canada pour que l’«Hibouillotte», une bouillotte en forme de hibou, puisse voir le jour.

«On doit tout de suite respecter des normes qui sont destinées à des entreprises qui vont sortir des milliers d’items, interpelle Erica Perrot. On doit faire des tests d’inflammabilité pour les tissus qui peuvent coûter 400$. Les petits fabricants comme moi ont un métrage limité, pour toutes sortes de raisons, par exemple parce qu’on a recyclé des retailles de tissus, donc on va sortir 20 jouets. Le prix de notre jouet devient démesuré et ça, c’est pour un tissu seulement. Disons que si notre jouet est composé de quatre tissus, ça ne répond plus du tout à notre réalité.»

L’entrepreneure a alors intérêt à utiliser les mêmes tissus pour différents jouets, à garder les mêmes modèles au fil des années. Les séries limitées sont donc plus compliquées à mettre en place. «J’ai décidé de ne jamais faire de collection, donc on n’a pas de produits qui “se périment”, pas de fin de saison, ni de méga soldes pour écouler nos stocks», dit-elle, rassurée.

Elle énonce que c’est le plaisir qu’elle tire de sa profession, sa motivation et sa clientèle qui lui permettent de relever les défis.

Crédit photo: Katya Koioukhova.

«C’est un univers qui est chouette parce que c’est pour des naissances ou de jeunes parents qui arrivent directement en sortant de la première échographie, c’est plein d’émotions, relève-t-elle en souriant. Et ultimement, ça devient les compagnons en tissu des enfants, ils dorment avec et ils m’envoient des dessins et des photos de leur Raplapla. C’est une super belle énergie qui nous porte.»

Grandes évolutions

L’ouverture de son magasin dans le Mile-End il y a 11 ans lui a permis d’avoir pignon sur rue et d’augmenter les ventes.

«La compagnie a grossi assez lentement. Déjà, parce que j’ai toujours voulu garder les activités ici, ensuite, parce que c’est mon style de tester alors parfois il faut payer ses erreurs. Désormais, je fais des choix plus simples comme vendre seulement au Canada alors qu’avant j’essayais toujours d’aller vers les États-Unis ou l’Europe. J’étais plus éparpillée il y a quelques années, là je suis plus focus sur ce que j’aime faire et ce qui va bien. Il y a déjà tant de travail ici, c’est suffisant», affirme la Montréalaise.

Sa visibilité s’est aussi agrandie avec l’ouverture de son service de réparation de personnes en tissu.

Sa gamme de produits s’est en plus élargie avec la création d’objets utilitaires comme l’«Hibouillotte» ou encore le gant de toilette «Mangemousse».

 

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«Dernièrement, on a aussi fait une collaboration avec la Savonnerie des Diligences. C’est un produit utilitaire qui cite Raplapla, mais c’est une autre entreprise qui le réalise. Le savon est pour les peluches puisqu’avec l’Hôpital, on voit qu’il y a des besoins, des questions et les gens se demandent vraiment comment laver les jouets.»

Présentement, son principal objectif est de continuer à faire rouler sa petite entreprise alors que la crise s’annonce difficile pour les artisans du Québec.

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