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Montloup: Repenser le monde, un tissu à la fois

Montloup: Repenser le monde, un tissu à la fois

Lila Rousselet est la fondatrice et présidente de Montloup, une entreprise qui conçoit, développe et fabrique des tissus biologiques et tricotés à Montréal. Engagée, la jeune femme de 28 ans s’est aussi donné pour mission d’éduquer davantage le public aux alternatives respectueuses de l’environnement dans le monde du tissu. Pour elle, «l’écologie n’est plus un choix, mais un impératif». Rencontre. 

Lila Rousselet. Crédit: Morgane Clément Gagnon.

À quoi ressemble votre parcours académique?

Lila Rousselet: J’ai suivi une formation en design textile obtenue en France, à Lyon. Après ça, j’ai réalisé des stages à l’étranger dans le domaine du textile puis je suis entrée à la formation collégiale du Centre des textiles contemporains de Montréal en construction textile. Ma collection de fin d’études était en tricot, et c’est à cette période-là que j’ai développé ma passion pour cette technique.

D’où est venue l’idée de Montloup et quand l’avez-vous concrétisée?

L.R: À la suite de mes études au Centre des textiles contemporains de Montréal, j’y suis devenue professeure en tricot. Tout tourne autour du tricot dans ma vie [rires]! En parallèle, j’ai travaillé comme cheffe de production dans une compagnie, Delyla, qui œuvrait dans la fabrication de tricots biologiques. Avec la cheffe de cette entreprise, nous avons parti un projet ensemble à la fin 2018. Elle s’est finalement retirée du projet, et je me suis demandé si j’allais continuer toute seule ou arrêter. J’ai décidé d’aller de l’avant pour créer Montloup au courant de l’année 2019. Même si j’ai été toute seule à monter le projet, plusieurs personnes avec qui je traitais dans mon ancienne entreprise et qui sont dans le métier depuis longtemps m’ont beaucoup soutenue et transmis leurs connaissances.

«C’est important de ramener la production au plus proche de l’entreprise, car ça participe à l’économie, ça crée de l’emploi et c’est meilleur pour l’environnement, car ça ne parcourt pas la moitié de la planète pour se rendre d’un point A et un point B.»

Quelle est la mission de Montloup?

L.R: Je souhaitais rendre accessible aux designers locaux, de la région de Montréal et de Québec, et parfois aux États-Unis, des tricots fabriqués au Canada, biologiques et écologiques. On utilise principalement du coton, de la viscose de bambou et du chanvre. Je suis toujours en recherche de nouveaux matériaux plus écologiques, en fonction de la littérature dans le domaine. Je suis aussi très connectée au milieu et je me rends aux salons de métier pour me tenir au courant.

Vous tenez beaucoup à la dimension locale de vos tissus. Pouvez-vous retracer leurs parcours?

L.R: Le point de départ, c’est la fibre. On fait affaire avec une entreprise basée à Montréal, mais les fils sont importés d’Asie, car le coton biologique ne pousse pas au Canada. Ensuite, le tricot est fabriqué à Montréal. Quand les rouleaux sortent de la machine à tricot, on les envoie en Ontario pour les nettoyer, les teindre au besoin et les finir. Après ça, c’est envoyé aux clients. Je pense que c’est important de ramener la production au plus proche de l’entreprise, car ça participe à l’économie, ça créé de l’emploi et c’est meilleur pour l’environnement, car ça ne parcourt pas la moitié de la planète pour se rendre d’un point A et un point B. 

De quelle manière avez-vous été impactée par la pandémie?

L.R: L’activité principale de Montloup, c’est la production pour les commandes en gros. Dès que les mesures sanitaires ont été décrétées par la santé publique, j’ai dû arrêter pendant plusieurs mois. Les ventes en ligne, quant à elles, ont continué. J’ai l’impression que les gens ont pris conscience de l’importance de travailler avec des acteurs locaux, car mes ventes en ligne ont été plus importantes qu’avant la crise. 

À travers Montloup, vous souhaitez aussi éduquer les gens à réfléchir à l’industrie textile, la deuxième plus polluante du monde, car elle épuise les ressources naturelles et est une grande émettrice de gaz à effets de serre. Qu’est-ce qui motive ce volet éducatif de l’entreprise? 

L.R: Je crois que c’est très important d’éduquer les personnes qui ont envie d’en savoir plus sur le sujet, surtout par rapport aux tissus écologiques dont on ne parle pas suffisamment. La mode écoresponsable est davantage médiatisée, et c’est important aussi, mais une grosse part du vêtement est la matière en elle-même. Pouvoir retracer facilement son origine et la façon dont elle est fabriquée est essentiel. On ne se rend pas compte de tous les acteurs qui existent derrière la réalisation d’un vêtement.

Vous avez d’ailleurs lancé un blogue récemment, qui rejoint cette mission d’éducation.

L.R: Au fur et à mesure de mes recherches, j’ai monté des documents et j’avais envie de partager toutes ces informations sur ma production, sur les matières écologiques et celles qui le sont moins, avec le public. Je voulais aussi partager des tendances, comme des motifs et des couleurs, reliées à un nouveau projet au sein de Montloup.

«C’est bien beau de parler d’écologie, mais le modèle de surproduction, le rythme effréné des collections et l’incitation à la surconsommation, c’est ce modèle-là qu’il faut laisser tomber.»

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet? 

L.R: Il s’agit de Maison Montloup, une nouvelle interface de commandes. En fait, ce sont des préventes groupées ouvertes 4 à 5 fois par année pour une durée de deux semaines. Je propose certains tissus avec un objectif de vente, par exemple 6 rouleaux, et s’il est atteint, ça part en production. Le but est de rendre plus accessible et abordable l’achat de tricots biologiques faits au Canada. J’aurai dû lancer cette plateforme fin mars, mais cela n’a pas été possible avec la COVID-19. La toute première vente privée aura toutefois lieu du 15 au 29 juin 2020.

Crédit: Montloup.

Croyez-vous qu’une transition est en train de s’opérer en termes de pratiques écologiques dans l’industrie du tissu?

 L.R: Oui et non. Je pense que de plus en plus de gens et d’entreprises sont conscients et ont une volonté de changer les choses. L’information voyage aussi plus vite qu’avant. Mais pour que ça change en profondeur, c’est le système tout entier qui doit être revu. Par exemple, dans les compagnies comme Zara et H&M, il y a beaucoup de greenwashing [NDLR: procédé marketing utilisé dans le but de se donner une image de responsabilité écologique trompeuse]. C’est bien beau de parler d’écologie, mais le modèle de surproduction, le rythme effréné des collections et l’incitation à la surconsommation, c’est ce modèle-là qu’il faut laisser tomber.

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