Photographe d’aventure à son compte, Alexandra Côté-Durrer s’est heurtée à un mur lorsqu’elle a fait une dépression il y a quatre ans. Sans assurance ni programme adapté à ses besoins, la jeune femme originaire de Saint-Adèle prend les choses en main. Au printemps 2018, elle lance le projet La Nature pour sa santé mentale. Rencontre.
Bonjour Alexandra! Qu’est-ce que fait La Nature pour sa santé mentale?
On crée des événements, des sorties plein air, que ce soit physique comme une randonnée, du yoga sur la plage, ou des activités créatives. On a déjà fait des sorties d’écriture créative en milieu naturel. Mais c’est toujours en lien avec la nature. Ça s’adresse aux gens qui vivent des difficultés en santé mentale. On n’a pas de restriction d’âge ou de trouble en santé mentale plus visés qu’un autre et on essaie toujours d’avoir une travailleuse sociale qui vient supporter.
Quelle est votre mission principale?
On a trois buts et visions. Le premier objectif est de diffuser la nature comme thérapie. C’est scientifiquement prouvé, la nature aide avec les problèmes de santé mentale.
Le deuxième, c’est rendre l’aventure financièrement accessible. Pour avoir vécu là-dedans, le plein air n’est pas toujours accessible pour tout le monde. Louer un paddle board pour la journée peut revenir à 60 ou 100$. Je vois beaucoup de gens en arrêt de travail qui en souffrent parce que leurs fonds vont en médicaments, en thérapie. On charge 20$ par participant, une somme qui va à des organismes en santé mentale pour les aider à mettre en place plus de programmes.
Le troisième but est de créer une communauté respectueuse: ces gens ont beaucoup de misère à sociabiliser, l’impression d’être toujours seul.e. Le mieux est de créer des petites activités, on en fait avec 10 participants maximum. Être avec des personnes qui vivent la même chose devient plus léger. On a aussi un groupe privé sur Facebook où les participants peuvent reconnecter. C’est le fun, car ça leur permet de refaire des activités avec les mêmes personnes.
Est-ce que les activités proposées changent à chaque fois?
Oui. Il y a des collaborateur.trices qui reviennent à chaque saison et il y a beaucoup de bénévolat. J’ai plusieurs amis collaborateurs qui veulent refaire les mêmes types d’activités, mais j’essaie d’ouvrir les horizons: on a fait des sorties d’escalade sur roche, de la zoothérapie avec des chiens, mais au sein d’une formule randonnée en nature. On essaie de renouveler à chaque mois pour changer de l’habituelle rando-yoga, puis le but est de faire explorer différents types d’activités.
«C’est scientifiquement prouvé, la nature aide avec les problèmes de santé mentale.»
Vous vous occupez donc de l’initiative toute seule?
Oui! Ce n’est pas toujours évident, car j’ai mes propres problèmes en santé mentale. Ça fait 4 ans que je suis un peu en arrêt de travail. J’ai beaucoup d’aide de mes amis qui sont inspirés par mon initiative et voient le besoin. J’organise le tout et après je travaille avec chaque collaborateur.trice pour les aider à soutenir l’événement.
L’idée vous est venue d’une expérience personnelle…
Être photographe d’aventure à son compte est très difficile, surtout dans la génération actuelle avec les réseaux sociaux. Je me suis toujours orientée en nature et j’ai vu les bénéfices qu’elle pouvait apporter à la santé mentale. J’ai vu qu’il y avait beaucoup de gens qui comme moi vivaient des situations difficiles sans avoir les fonds. Mon but était de créer une initiative basée sur le bénévolat où on pouvait, une journée par mois, aider ces gens qui en ont besoin. J’ai vécu beaucoup de difficultés, même encore à ce jour. Malheureusement, il y a encore un gros tabou derrière la santé mentale, et si je suis capable d’aider ces gens-là, je suis comblée.
Quand j’ai commencé ma dépression, je n’étais plus capable de sortir. J’ai passé beaucoup de temps à lire, notamment sur comment les médecins japonais et suédois sont capables de prescrire la nature comme thérapie pour les gens qui vivent avec des difficultés en santé mentale. J’ai réalisé à quel point ça faisait une différence. J’ai recommencé à sortir en milieu naturel et je me sentais plus légère. J’étais capable de faire à nouveau des tâches de base. 80% de la population mondiale vit de façon urbaine. J’ai rencontré quelqu’un dans la mi-trentaine qui m’a dit n’être jamais sortie de New York! Avec notre initiative, on a beaucoup de gens de la ville de Montréal, on offre du covoiturage. Chaque fois qu’on sortait des gens de la ville, ils tombaient en amour et voyaient l’importance d’agir pour sauver notre planète. C’est cool, car on fait un changement au niveau de la santé mentale, mais aussi pour la conservation des espaces naturels. À chaque activité, des gens me remercient, car ils ont vu une transformation dans leur humeur en quelques heures. On essaie de faire travailler les gens avec tous leurs sens et lâcher le téléphone cellulaire!
Quel a été le retour du public jusqu’à présent?
Notre but était de faire un projet pilote d’un an. Toutes nos sorties ont été sold out, c’est merveilleux! C’est vraiment le fun de pouvoir mettre en action un tel projet. On a vu que la demande était là donc la prochaine étape est de trouver quelqu’un qui s’ajouterait à notre équipe pour toucher plus de gens dans la communauté et agrandir le tout.
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