Comment faire face au 1,5 milliard de gobelets à café jetés chaque année au Canada? Marco Gartenhaus a décidé il y a deux ans de miser sur le design et la technologie. Sa tasse CANO, disponible dans un réseau de cafés, restaurants et cafétérias (corporatif et scolaire), peut être empruntée et retournée en libre-service.
Après des études en finances à HEC Montréal, Marco Gartenhaus a travaillé plusieurs années en finances d’entreprise et en fusion d’acquisition d’entreprise dans de grandes compagnies comme CAE et Aimia. «Je travaillais au centre-ville, je commençais déjà dans ma vingtaine à poser des gestes plus responsables. Je faisais beaucoup de vélo, j’avais une alimentation saine et éthique. Mais il y avait des choses qui me dérangeaient vraiment dans mon quotidien, c’était de toujours être pris avec des déchets, des emballages alimentaires surtout», se souvient le fondateur.
En 2014, il retourne sur les bancs de l’école, en design industriel à l’Université de Montréal. Son objectif était d’apprendre à dessiner, et de comprendre les procédés de manufacture pour produire un objet à grande échelle. Des techniques qu’il a ensuite appliquées pendant un an sur le marché du travail chez MESSIER designers. Parallèlement, il travaillait sur son idée de contenant réutilisable.
«Mon idée est venue principalement du fait que je ne crois pas qu’il y ait des solutions actuelles qui vont faire qu’on va réduire notre utilisation d’emballage à usage unique, insiste M. Gartenhaus. C’est un gros problème, dans les villes surtout. Plus de 50% des déchets qui sont collectés par la ville principalement, proviennent de l’emballage alimentaire.»

Comme BIXI avec les vélos, CANOtogo veut des tasses en libre-service. «On peut juste l’emprunter comme on prendrait un gobelet jetable dans un café, un resto ou une épicerie. Quand on a terminé, on fait juste le laisser dans un bac de collecte», explique l’entrepreneur. Son projet se retrouve notamment à la cafétéria principale à l’École de Technologie Supérieure, à la tour de la Banque Nationale ou encore au comptoir Jean-Brillant de l’Université de Montréal.
Gestion de la tasse
«J’ai eu l’idée folle de concevoir une tasse qui remplace plusieurs emballages, donc c’est une tasse un peu large, multifonction, décrit Marco Gartenhaus. On peut autant prendre une soupe, une salade, qu’un latte. C’est de 8 à 16 onces. La conception, on l’a faite nous-même. Je me suis épaulé de designers plus qualifiés pour la conception 3D et le moulage.»
La production est prise en charge par des amis qui ont racheté une usine d’injection plastique en Ontario, Formax. «Cette tasse est vraiment faite pour minimiser l’impact environnemental. Comment on fait ça? C’est en la rendant très résistante et en fin de vie, on est capable de la reprendre, d’en faire des petits morceaux de plastique, de les refondre et de refaire des tasses, en économie circulaire», souligne le fondateur.
«Plus de 50% des déchets qui sont collectés par la ville principalement, proviennent de l’emballage alimentaire.»
Chaque tasse est dotée d’une puce électronique permettant de savoir où elle a été empruntée, où elle a été rendue et à quel moment. «Le système incite aussi les gens à les rapporter et empêche d’en prendre trop [limite à deux], précise M. Gartenhaus. Ça nous assure que la tasse est utilisée une centaine de fois [chiffre à partir duquel l’impact pour la produire devient positif, donc avantageux par rapport au jetable]. Au-dessus de ça, c’est d’avoir des statistiques pour améliorer les inventaires et la logistique.»

Une fois utilisée, la tasse doit être rapportée dans un bac de collecte et si l’établissement est trop petit, cela peut se faire à la caisse ou au comptoir. L’équipe sur place se charge ensuite de la laver dans un lave-vaisselle commercial à haut rendement. «On veut éviter que ce soit l’usager qui le lave parce que laver la vaisselle à la main, ça utilise énormément d’eau, d’énergie et de savon. Quelqu’un qui va prendre un café dans sa tasse personnelle, il y a des chances qu’en la nettoyant, elle ait un impact plus important sur l’environnement que prendre du jetable», avertit M. Gartenhaus. Il ajoute que son objectif est aussi de sauver du temps pour l’usager.
Croissance en vue
L’enregistrement de son compte se fait présentement sur Internet. Il permet entre autres de recevoir un rappel lorsque cela fait plusieurs jours que la tasse est empruntée, ou de demander son porte-clés à présenter à la caisse pour profiter d’un rabais écologique. En complément, une application mobile devrait voir le jour cet automne. Elle permettra de se passer du porte-clés, ou encore d’afficher les chiffres propres à l’utilisateur comme le nombre de déchets épargnés grâce à son abonnement.
La gamme de produits devrait aussi s’agrandir avec la création d’un contenant pour repas complet avec compartiments.
Marco Gartenhaus termine la phase recherche et développement et sort les premiers chiffres des projets pilotes. Plus de 1 200 usagers ont par exemple accès au système à la tour du stade olympique chez Desjardins, ce qui représente plusieurs centaines d’utilisations par jour. «C’est super encourageant, surtout quand c’est combiné avec une politique de pollueur-payeur, donc où on paye pour les gobelets jetables, précise l’entrepreneur qui lance officiellement CANOtogo ce mois-ci. Dans ce cas, la transition se fait très rapidement.»

Dans les prochains mois, la liste des partenaires inclura des foires alimentaires. «L’idée est d’avoir plusieurs partenaires, d’en avoir des gros pour créer une ancre dans un quartier et ensuite d’aller chercher des partenaires comme des cafés indépendants aux alentours. C’est ce qu’on veut faire à court terme, dès cet automne. On est aussi en discussion avec des regroupements de quelques cafés sur des artères commerciales, notamment sur le Plateau et là, l’idée est d’avoir deux, trois, quatre, partenaires qui sont à proximité pour créer un effet de groupe», annonce le fondateur.
Des discussions avec une institution en enseignement sont également en cours à Québec où CANOtogo pourrait faire son apparition.