Devenu un incontournable de la scène culturelle montréalaise et québécoise, le FIJM a vu passer les plus grands noms de la musique comme Miles Davis, Ella Fitzgerald, Ry Cooder ou encore Ray Charles. L’événement soufflera quarante bougies avec, comme à son habitude, une programmation plus qu’alléchante.
Un marqueur temporel à Montréal
«À chaque année, j’ai quand même un vrai frisson qui arrive quand tout ça démarre, déclare Laurent Saulnier avec enthousiasme. Car, le Festival de jazz change complètement le rythme de la ville et ce qui est fabuleux c’est que pendant dix jours, on a l’impression que c’est la ville au complet qui est modifiée pas juste dans sa géographie, mais dans sa mentalité.» En effet, plus qu’un festival, le FIJM est devenu un repère temporel qui rythme la vie montréalaise.
«Ce qu’il faut se rappeler c’est qu’il y a quarante et un ans, avant la tenue de la première édition du festival, il ne se passait absolument rien l’été à Montréal, affirme le programmateur. C’est véritablement le FIJM qui a commencé à mettre de la vie. Après cette vague de festivals qu’on connaît, n’empêche que le père de cet engouement, c’est le FIJM. Quand tu regardes autour, il n’y a pas beaucoup de festivals qui ont atteint cet âge vénérable de 40 ans. Mais ce n’est pas parce qu’on a 40 ans qu’on s’est assagi pour autant.»
La gratuité, une volonté depuis le départ
Le Festival de jazz présente aujourd’hui plus de 500 concerts selon une formule qui a fait ses preuves et qui était désirée depuis le départ. En effet, sur la totalité des concerts présentés, environ un tiers se déroulent en salle et sont payants, tandis que le reste se passe à l’extérieur sur des scènes réparties dans le Quartier des spectacles et le tout totalement gratuit. «Dès la première édition sur l’île Notre-Dame, il y avait quelques concerts en salle, mais il y avait aussi un endroit qu’on appelait le kiosque international, un endroit ouvert où on donnait des spectacles gratuits», précise Laurent Saulnier.
«Ensuite, le festival a connu cette fabuleuse évolution qu’on connaît aujourd’hui sans pourtant renier son postulat de départ. La gratuité a toujours existé et elle était voulue dès le départ parce qu’à l’époque, et aussi aujourd’hui, certains artistes demeurent méconnus du grand public et les organisateurs voulaient et veulent encore absolument les révéler faire découvrir. C’est la base du festival, martèle le programmateur. C’est important pour un festival prestigieux comme le Festival de jazz de présenter certains artistes connus et reconnus dans d’excellentes qualités d’écoute, c’est pour ça qu’on propose Rodrigo y Gabriella à la Maison symphonique ou Manu Katché au Monument-National, mais c’est aussi fondamental dans l’ADN du festival d’offrir ce volet gratuit axé sur la découverte et l’animation urbaine où la musique devient un élément fédérateur.»
Des artistes du monde entier
En 40 ans d’existence, le FIJM a vu défiler plusieurs milliers d’artistes venus des quatre coins du globe. «Ce sont de magnifiques faits d’armes. C’est très agréable, mais je me plais aussi à imaginer que le prochain Miles Davis ou la future Ella Fitzgerald se produira peut-être au festival cette année, et ça c’est quelque chose d’extrêmement stimulant, affirme le gestionnaire. Bien entendu, je suis ravi que le Festival de jazz ait accueilli tous ces grands noms au fils des ans, mais en même temps, l’avenir peut-être aussi radieux que le passé, il faut juste rester ouvert et attentif, chercher et trouver des nouveaux sons, des nouveaux visages. C’est là où réside le véritable défi!»
Bien entendu en 40 ans d’existence pour le festival, dont 20 ans en charge de la programmation pour Laurent Saulnier, le festival a su créer des moments inédits ainsi que des histoires parfois rocambolesques. «Lors de ma première année en fonction en 2000, j’ai voulu faire venir Timbalada, un ensemble de carnaval brésilien de plus de 30 musiciens, raconte Laurent Saulnier. Pour faire une histoire courte, les vols ont été annulés 48 heures avant l’impression du programme et quelques jours avant le début du festival. On a finalement réussi à trouver tous les billets nécessaires et ils sont arrivés à Montréal, la veille du concert dans un état d’euphorie totale, parce que pour certains, c’était la première fois qu’ils sortaient du Brésil. Je peux dire que j’ai passé une semaine à ne pas dormir et j’ai usé le plancher de ma cuisine à force de tourner en rond!»
Une vocation sociale
Pour cette édition anniversaire, le festival a décidé de marquer un gros coup en installant une scène satellite dans le quartier de Verdun. «Si tu ne veux pas venir au Festival de jazz, le Festival de jazz va aller à toi, déclare Laurent Saulnier avec humour. C’est important d’aller chercher de nouveaux publics. Il y a des gens qui n’ont peut-être pas les moyens ou l’envie de prendre le métro jusqu’au centre-ville. Alors que si c’est à côté de chez eux, ben le soir en mangeant une crème glacée, ils arrivent sur le site du festival, ils écoutent de la musique, des groupes qu’ils n’ont probablement jamais entendus.» Et de compléter: «Pour nous, c’est important de s’inscrire dans la communauté. Par exemple, à Verdun, on a découvert que l’artiste-peintre Éric Santerre habite à deux coins de rue du site. On est allés le voir, et on a eu l’idée d’installer des cubes où il dessinera des canevas que le public pourra compléter.»
Une belle histoire qui dure depuis 40 et ans et à la vue de l’enthousiasme du public, des artistes et des organisateurs, le FIJM a sans aucun doute encore de belles années devant lui. «Après tout, comme on dit maintenant, 40 ans, c’est le nouveau 20 ans. Alors c’est comme si on avait 20 ans. Allez, on recommence!», s’exclame Laurent Saulnier.