Close
Monarque: Un restaurant d’envergure qui n’a pas fini de prendre son envol

Monarque: Un restaurant d’envergure qui n’a pas fini de prendre son envol

Le chef Jérémie Bastien et son père Richard Bastien – chef et propriétaire du Mitoyen et de Léméac – se sont impliqués avec l’architecte Alain Carle dans la mise en place de cet élégant double espace restaurant-brasserie au design et aux assiettes soignées. Rencontre avec le chef et copropriétaire de ce nouvel incontournable du monde culinaire local, Jérémie Bastien.

Bonjour Jérémie! Votre père est restaurateur avec le succès que l’on connaît. Vous avez appris votre métier en France, à Sydney, San Francisco, Vancouver. C’était une évidence pour vous d’aller faire vos classes loin de lui ?

Oui, tout jeune déjà, j’avais vraiment le sentiment que c’était très important pour moi de faire mon propre parcours culinaire. J’avais un peu peur du côté trop facile d’être fils de restaurateur et peut-être du jugement des autres à ce sujet si je travaillais uniquement à ses côtés. Donc assez tôt, j’ai voulu faire mon propre parcours et mon propre apprentissage ailleurs.

Qu’est-ce qui vous a fait revenir à Montréal pour travailler avec votre père?

Cela a toujours été un sujet dont nous avons discuté ensemble. Pendant que je voyageais pour voir ce qui se faisait à l’international, il ramassait un peu de sous pour nous permettre de faire un projet ensemble. Je suis parti pendant un bon laps de temps, donc j’avais envie de revenir m’établir à Montréal avec ma conjointe Lisa, qui est la chef pâtissière ici et qui m’a suivi à travers ce périple.

Comment avez-vous choisi le nom Monarque, illustré par un logo en forme de papillon?

Après 10 ans de voyages à l’international, j’étais à Melbourne, la dernière destination avant le retour et j’ai vu un logo avec un papillon. Cela m’a donné l’idée du monarque. Je savais que c’était un papillon d’Amérique du Nord, migrateur, qui entreprend un voyage chaque automne pour rejoindre le Mexique dans un endroit bien précis et revient le printemps suivant à son point d’origine. Je trouvais que cela faisait un beau clin d’oeil à mon parcours culinaire! C’est un voyage qui se fait sur plusieurs générations. Il y a des papillons reproducteurs, migrateurs, etc, et c’est un peu un mystère de la vie de comprendre comment ils font pour s’orienter et se rejoindre dans ce lieu, au Mexique. Il y a aussi le côté générationnel de la passation, avec Richard (NDLR: le père de Jérémie, Richard Bastien) qui m’aide pour faire ce projet.

Souhaitiez-vous dès le départ ouvrir un établissement dans le Vieux-Montréal?

Non, quand je suis revenu, cela a pris 5 ans avant que l’on trouve le local. Pendant ce temps-là, je travaillais au Léméac. On était à la recherche d’un local assez fort, qui se distingue, mais pas particulièrement aussi grand que celui-ci ou dans ce quartier. En fait, c’est un peu le quartier qui est venu à nous. On nous a proposé des locaux ici, et voilà!

J’ai entendu dire que vous vous êtes inspirés du Gramercy Tavern à New York pour exploiter ce local à deux façades (l’une rue Saint-Jacques, l’autre rue Notre-Dame-Ouest) et deux concepts?

Ce restaurant est quand même très différent du Gramercy, mais en effet il a deux volets. La première fois qu’on a vu ça, c’était effectivement à New York, au Gramercy Tavern où il y a un côté taverne et un côté salle à manger. On trouvait que cette idée était intéressante. En voyageant aussi à Londres et un peu partout, on a vu d’autres concepts similaires et on trouvait que c’était intéressant. Cela vient rejoindre deux types de clientèles différentes et on voit même ici des gens qui viennent dîner en brasserie et qui reviennent le soir en salle à manger, donc deux fois dans la même journée, mais pour les deux espaces.

Qu’est-ce qui distingue ces deux espaces en termes de cuisine?

Dans le côté brasserie, ce sont des classiques inspirés des brasseries européennes: on a des steaks frites, des tartares, de beaux plats de poisson ou autour des légumes. Pas trop d’éléments dans l’assiette, une cuisine gourmande, goûteuse, pas trop élaborée non plus. 

En salle à manger, le soir c’est un menu sur quatre services donc il n’y a pas de menu dégustation. Même si c’est une cuisine qui est un petit peu plus travaillée dans la salle à manger, on ne parle pas vraiment de cuisine gastronomique. C’est aussi ancré sur des bases de cuisine française, mais il y a l’influence de mes voyages qui s’y reflète.

Parlez-moi de votre engagement envers les produits locaux, naturels et responsables.

On fait notamment affaire avec la Ferme des Quatre-Temps, et des producteurs québecois de légumes même si, on ne va pas se mentir, c’est sûr que c’est un peu plus difficile après le temps des fêtes et avant l’arrivée du printemps de rester très local.

On a du boeuf de l’Île-du-Prince-Edouard, qui est beaucoup plus naturel qu’aux Etats-Unis ou en Alberta, sans hormones de croissance. C’est une maturation qui se fait sur 36 mois donc les boeufs sont abattus plus matures qu’aux Etats-Unis et il y a vraiment un développement naturel du goût et du persillage. Le porcelet vient de la ferme de Beaurivage; on a utilisé le cerf de Boileau jusqu’à la fin et nous avons aussi le Canard du Village. Pour tout ce qui est volailles, basse-cour, pintades, on fait affaire avec Monsieur Besnier en Beauce, et nous avons également les Viandes Biologiques de Charlevoix. Ce sont toutes des fermes de producteurs avec chacun ses spécificités. On essaye vraiment de s’approvisionner auprès de producteurs précis avec une grande traçabilité et des ingrédients de belle qualité.

Comment avez-vous pensé et choisi la décoration du Monarque?

C’est plus une architecture qu’une décoration, ce sont des lignes, des matériaux, des textures… L’architecte Alain Carle a travaillé très fort sur le projet. Cela a quand même été assez long avec deux ans de chantier environ (et peut être deux ans de préparation et de montage financier préalable)! Il y avait certaines contraintes dans le local. Comme c’est une vieille bâtisse, les angles des murs étaient très incongrus de pièce en pièce, d’où tous les arrondis pour venir estomper un peu les cassures dans les lignes des murs. On avait aussi le désir de ne pas trop camoufler le côté historique. Le bâtiment date de 1820 et dans les années 1840-50, il contenait un hôtel, l’Hôtel Ottawa, avec l’une des grandes tables de Montréal de l’époque.

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée des vitrines?

On trouvait ça intéressant de mettre la nourriture, les ingrédients en avant, surtout dans la partie centrale, vitrée sur les cuisines. Le but était de lever le rideau sur celles-ci. Ce sont quatre celliers présentoirs qui représentent des ingrédients: le côté boulangerie et fromages, un cellier botanique qui change tous les jours selon les saisons, le cellier de viande qui sert à faire du vieillissement de pièces de boeuf pour la brasserie et la salle à manger, et le cellier vin blanc. 

Au lieu de cacher les produits dans des chambres froides, qui sont souvent au sous-sol ou ailleurs, on voulait les montrer. Ce ne sont pas juste des présentoirs mais des frigos qui nous servent: on va chercher à l’intérieur le vin, les fromages, les légumes, etc. Cela va aussi avec notre fameux cellier de vin rouge: tous les casiers de vin rouge derrière le bar sont réfrigérés, c’est comme une grande bibliothèque de vin réfrigérée. Cela avait été une de mes demandes au départ, qui a pris à peu près un an pour être réalisée.

https://www.instagram.com/p/BqGRf33n023

Il règne une ambiance légèrement tamisée avec beaucoup de miroirs et un carrelage étincelant. Avez-vous attaché une importance particulière à la lumière?

Oui, les architectes y ont beaucoup réfléchi. Il y a même un lampiste qui a fait tous les luminaires inspirés des ailes de papillon. On s’est aussi beaucoup impliqués dans le processus d’aménagement avec Alain Carle. J’ai choisi les chaises et le carrelage, on a eu l’idée des banquettes arrondies qu’on avait vues à Londres. Il y a d’ailleurs peut-être un petit côté anglais à travers tout ça. On a choisi les couleurs des chaises mythiques de Hans Wegner – John F Kennedy avait donné une interview dans cette chaise, qui est devenue la «Kennedy chair» – ces répliques ayant été fabriquées pour nous dans le Maine dans un ton de bois spécifique. Toute l’ébénisterie a été faite au Québec par La Clef de Voûte avec Laurent Goyette qui a réalisé un très beau travail, et il y a eu aussi beaucoup de travail de métal sur mesure.

Vous êtes meilleur que vos pairs pour…

Disons que quand on est rendus à 105 employés dans une entreprise comme ici, il faut être un bon leader, savoir bien diriger les équipes tout en étant juste. Je pense que la communication et le travail d’équipe, c’est vraiment la clé. On a voulu offrir de beaux environnements de travail, bien réfléchis, professionnels. C’est sûr qu’il y a quand même des lignes directrices très fortes avec une hiérarchie, une façon de faire, mais cela reste agréable, décontracté. On n’est pas trop dans un côté militaire à la façon des brigades françaises.

Est-ce facile de suivre les traces de son père dans la restauration?

Oui, je n’y vois pas vraiment d’inconvénient! Je pense qu’on se complète bien, et en même temps ici c’est vraiment ma cuisine. Il joue un rôle différent: il va goûter et donner son avis, mais c’est moi qui décide.

Comment s’est mise en place votre collaboration et comment vous êtes vous réparti les rôles?

Cela avait vraiment un côté passation. J’aurais pu reprendre le Mitoyen mais j’avais envie de plus, je n’aurais pas été aussi épanoui ou satisfait. Il avait une certaine expérience du montage financier. Il a financé la plus grand partie du projet et on a également fait un emprunt pour acheter les murs, donc je suis propriétaire du restaurant et lui de l’immobilier. Il a aussi apporté son expérience pour les infrastructures de gestion, car c’est quand même une entreprise assez complexe! Les gens veulent ouvrir des restaurants en pensant que c’est agréable et qu’il y a un côté festif, mais il ne faut pas oublier que c’est une entreprise. Nous avons ici une secrétaire comptable à temps plein qui fait un travail extraordinaire. Il faut vraiment suivre chaque dépense pour être sûr de bien gérer son entreprise.

Quelles sont vos stratégies pour faire connaître encore plus le restaurant et contrôler sa croissance?

On ne fait pas beaucoup de publicité. Les personnes qui viennent et reviennent, qui aiment le lieu, ce sont les plus beaux commentaires qu’on peut avoir. Après 6 mois d’ouverture il y a déjà des gens qui viennent deux fois dans la même journée ou plusieurs fois dans la semaine, c’est un très beau geste de confiance de leur part! Le bouche-à-oreille fonctionne beaucoup. On fait très peu de réseaux sociaux et on s’en occupe nous même.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui veut ouvrir son restaurant à Montréal?

Il faut absolument le faire pour les bonnes raisons! C’est un métier de passion, qui demande beaucoup d’heures donc, avant de se lancer en affaires, c’est important d’être sûr de vouloir faire ça de sa vie, d’être bien préparé et de ne pas oublier que c’est une entreprise. Parfois le côté passion du métier empiète un peu sur le côté entrepreneuriat, même pour des gens du métier, des chefs qui ont fait leurs marques ailleurs. Il ne faut pas oublier que c’est aussi un commerce, qu’on se doit de générer des profits et qu’on est responsables de salaires, avec des gens qui ont des enfants, une carrière… On ne le fait pas que pour nous mais aussi pour eux.

Monarque 

Site web | Instagram | Facebook

406, rue St Jacques, Montréal

Close
0