Close
Cabaret Tollé: Mettre en scène et déplorer la précarité des artistes

Cabaret Tollé: Mettre en scène et déplorer la précarité des artistes

Animé par l’artiste néo-burlesque Sasha Von Bon Bon, ou plutôt son nouveau personnage Aude Suivante tout droit sorti de la chanson de Jacques Brel «Au Suivant», le Cabaret Tollé offrira cette année et pour la cinquième fois un menu hétéroclite, déjanté et rebelle aux saveurs expérimentales et définitivement anticonformistes.

Au programme, entre autres, la dissection sur scène de la gentrification montréalaise, un stand-up comique sur la pauvreté, un pitch de vente pyramidale dynamique, une représentation poétique sur la notion de l’endettement personnel, une improvisation performative, et de la musique qui viendra aussi protester la précarité.

La soirée débutera par une «soupe populaire» à 20h. Préparé par les membres du conseil d’administration du Studio 303, il s’agira d’un souper bio, végane, sans gluten et local qui vient questionner l’air de rien, les dynamiques hiérarchiques et le pouvoir collectif. Pour finir de s’indigner sur une note festive, les participants pourront danser, et se défouler eux aussi, grâce au set de DJ Tay. 

Le Cabaret Tollé souhaite encore une fois donner vie à une soirée haute en couleur, une soirée pour se sentir un peu moins démuni face à la précarisation des créatrices et créateurs de notre société. 

La directrice du Studio 303 Miriam Ginestier nous raconte les origines de l’initiative et nourrit notre réflexion avec quelques pistes de solutions.

Comment est née cette initiative de créer une soirée de spectacles à la fois d’art et de revendications?

En 2013, après douze ans de soutien et d’excellentes évaluations, Patrimoine canadien a cessé de soutenir le Studio 303, et ce, pour des raisons bien suspectes. Nous n’étions pas les seuls, mais peu de travailleurs de l’industrie de la culture se sont exprimés publiquement sur cette question, par crainte qu’une critique des politiques fédérales provoque l’élimination totale des financements de leurs organismes probablement. Le Cabaret Tollé a ainsi été créé d’une part pour lever des fonds, et d’autre part pour dénoncer le Régime Art-Peur [Harper]!

La première édition du Cabaret Tollé (qui avait presque été nommée le Cabaret StephenHarperNousDéteste!) a eu lieu en 2014 à la Sala Rossa. Pour l’occasion, l’artiste Alexis O’Hara avait animé la soirée déguisée en Stephen Harper dont la tête du costume a fait plusieurs apparitions au fil des années, pour enfin être transformée en piñata!

Depuis ses débuts, le Cabaret Tollé est une place où la communauté du Studio 303 se retrouve et se défoule, via plusieurs courtes performances répondants aux fluctuations du paysage politique actuel, spécifiquement à l’impact de politiques culturelles néo-libérales. Une scène de cabaret peut-elle catalyser la transformation sociale? Nous l’espérons!

Stand-up comique, représentations expérimentales, improvisation et musique sont prévus encore une fois pour cette édition. J’imagine que le Studio 303 a essayé d’offrir la scène à plusieurs disciplines touchées par la précarité…

Oui, et nous valorisons encore plus les pratiques indisciplinées. Car c’est certain que ce sont les artistes marginaux, décalés, avec des pratiques expérimentales et peu conventionnelles, qui sont le plus touchés par la précarité.

Comment avez-vous sélectionné les artistes?

Nous avons fait les choix en comité, via un appel de dossiers et par invitation. L’animatrice de cette soirée Sasha Van Bon Bon, qui est une artiste néo-burlesque, était très interpellée par le sujet. Elle est revenue d’ailleurs vivre à Montréal à cause de sa précarité financière, n’ayant plus les moyens de vivre à Toronto. Comme plusieurs artistes de sa génération, elle poursuit un doctorat, car finalement, être étudiant c’est plus payant qu’être artiste!

Dans le fond, comment ça s’interprète la précarité et la pauvreté à travers les arts de la scène?

Ah, pour cela il faut venir voir par soi-même! Mais pour vous donner un indice, cela passe souvent par l’humour noir.

Le Studio 303 se donne pour mission, depuis ses débuts, de développer le travail et faire rayonner les artistes émergents. A-t-il des pistes de solutions afin de pallier cette précarité qu’il déplore justement?

Personnellement, je suis très fan du concept du «basic income» [revenu minimum garanti]. Je pense qu’il faut un vrai changement de paradigme dans notre société. En attendant de l’obtenir, il faut se rassembler et se battre. Au Studio 303, on fait ce qu’on peut et ce qu’on sait faire: remettre en question les notions traditionnelles de croissance et de viabilité, et soutenir les pratiques artistiques à saveur politique tout en défendant l’art pour l’art. Ceci est particulièrement important dans le climat actuel, où les artistes subissent diverses pressions les incitant à se conformer aux modes du moment: être «socialement utiles», intégrer des nouvelles technologies à leur pratique, ou encore «animer» l’espace public.

Nous priorisons la rémunération juste de nos employés et artistes, ainsi que le contrôle et la réduction au maximum de nos frais généraux. Ici aussi nous allons à contre-courant de la tendance qui privilégie le «virage numérique» ainsi que la construction de nouveaux édifices et infrastructures. Nous préférons écouter la communauté, assurer notre flexibilité et notre indépendance pour soutenir avec authenticité et efficacité les artistes et les pratiques émergentes. 

Cabaret Tollé 

Le 7 décembre à la Sala Rossa à partir de 20h: événement facebook.

Pour suivre le Studio 303 : site web | facebook | instagram

Close
0