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Jessica Beauchemin, artiste et ébéniste

Jessica Beauchemin, artiste et ébéniste

PROGRAMME B

En collaboration avec l’École d’ébénisterie d’art de Montréal.

Diplômée en arts visuels et en ébénisterie artisanale, Jessica Beauchemin crée des pièces sculpturales en bois, en pièces uniques et sur mesure. Ses œuvres délicates présentent le bois, un matériau rigide et lourd, d’une nouvelle manière, l’alliant avec divers matériaux naturels.

Quel parcours vous a mené vers le travail du bois?

J’ai grandi à la campagne dans une famille où les activités, à la fois intellectuelles, créatives et manuelles, étaient toutes encouragées et valorisées. Mon père, un agriculteur curieux et amoureux de la nature cultivant sa forêt et travaillant le bois, a partagé avec moi sa passion pour l’ébénisterie. Petite, j’aimais l’accompagner dans son atelier et le regarder travailler en bricolant des retailles de bois. 

C’est certainement à cette époque que j’ai découvert une immense satisfaction toujours présente aujourd’hui à créer et fabriquer des choses de mes propres mains. Transformer la matière afin de matérialiser mes idées est ainsi devenu une part importante de mon identité. Ayant à la fois des intérêts pour l’expression artistique et les savoir-faire techniques, j’ai d’abord étudié en arts visuels, puis j’ai complété une formation collégiale technique en ébénisterie artisanale.

Quelle est l’histoire de votre entreprise?

Je suis artiste ébéniste indépendante, je crée des pièces sculpturales en bois. Je travaille également à l’École d’ébénisterie d’art de Montréal à titre de chargée de projets et des communications, tout en m’impliquant sur différents jurys et projets dans le milieu des métiers d’arts. 

À la fin de mes études en ébénisterie, j’ai acquis une expérience plus concrète en travaillant deux ans comme ébéniste dans un atelier. Dès mes débuts, j’ai ressenti rapidement le désir de travailler le bois d’une manière plus personnelle. J’ai développé un univers singulier, peuplé de rubans de bois, d’ornements de coiffure et de pièces sculpturales. Au fil du temps et de mes explorations, j’ai choisi d’orienter ma démarche principalement vers les métiers d’art de création. 

Tout au long de mon parcours, j’ai participé à diverses expositions et projets, tant au pays qu’à l’étranger; j’ai été honorée lors de concours prestigieux, je me suis vue accorder des bourses et des subventions, je me suis perfectionnée en participant à des formations spécialisées. Ma démarche d’artiste ébéniste me permet de m’exprimer et de m’accomplir alors que mon implication à l’École d’ébénisterie d’art de Montréal m’offre l’opportunité d’être active au sein du milieu, tout en m’offrant une certaine stabilité économique. 

D’où provient ce désir d’utiliser le bois comme matériau de prédilection dans la réalisation de vos œuvres? 

Durant ma formation en arts visuels, j’ai réalisé plusieurs œuvres en bois, dont mes premiers meubles-sculptures. Mon intérêt pour le bois et l’ébénisterie n’a cessé de grandir et j’ai finalement bifurqué vers l’ébénisterie d’art.

Le bois est donc le point de départ à partir duquel j’articule mes recherches. Je m’applique à repousser ses limites et à le présenter sous un jour nouveau: souple et léger. J’aime me laisser guider par les motifs, les textures et les «réactions» de la matière. Une part importante de ma démarche est d’associer le bois à d’autres matériaux naturels tels la paille, le galuchat, les plumes, la nacre ou les ailes de papillon. Avec temps, savoir-faire et minutie, je crée des œuvres délicates où le détail se dévoile dans un contact attentif et rapproché, à la fois hommages, appels à la réflexion et quêtes de sens.

Quelle est la réalité d’une femme œuvrant dans l’ébénisterie? 

Le domaine du bois et de l’ébénisterie est très vaste, il va de l’ébénisterie architecturale aux limites de la menuiserie, à l’ébénisterie artisanale et aux limites des arts visuels, tout en passant par le design. Les femmes ébénistes oeuvrant dans ces domaines spécifiques vivent toutes des réalités très distinctes. 

Être femme dans un domaine traditionnellement masculin, c’est, avant tout, être «différente», en marge du stéréotype. La différence peut susciter les préjugés et les jugements, le manque de confiance, la stigmatisation, l’incompréhension et même l’agressivité. Par contre, elle peut également éveiller l’intérêt et la curiosité. 

Vous êtes-vous déjà heurtée à des difficultés en tant que femme entrepreneure?

J’ai la chance d’être dans un milieu particulièrement ouvert. Les gens de mon entourage personnel et une majorité de collègues artisans et ébénistes ont toujours accordé respect et confiance en mes capacités professionnelles. Le milieu des métiers d’art, s’il n’est pas parfait, me semble généralement respectueux des artisanes et entrepreneures. 

Par contre, évidemment, depuis mes débuts, j’ai souvent été confrontée à des attitudes paternalistes et parfois sexistes. Je pense, entre autres, au commis des quincailleries et fournisseurs qui m’abordent en m’appelant «ma petite dame» ou en me parlant de mes «bricolages». Je me souviens également de cet emploi d’été de menuisière dans un atelier de décor de scènes que j’ai occupé durant ma formation en ébénisterie. J’étais la seule femme dans l’atelier de menuiserie. Après quelques semaines d’emploi, j’ai découvert que mon salaire était nettement inférieur aux autres menuisiers et surtout à celui du plus jeune apprenti qui était beaucoup moins expérimenté, efficace et compétent que moi. Dure constatation!   

Heureusement, l’entraide entre femmes du domaine est, sans contredit, présente. Bien que nous travaillons souvent seules dans nos ateliers, j’ai de magnifiques relations avec mes collègues artisanes. Plusieurs sont de bonnes amies avec qui j’aime échanger sur la création et les défis du quotidien. Elles sont de grandes sources d’inspiration et de support pour moi. 

Selon vous, y aurait-il des moyens d’améliorer la situation des femmes entrepreneures? 

Une question très complexe! J’imagine que ce sont les mêmes moyens que ceux qu’il faut déployer pour améliorer la situation générale des femmes dans la société, soit un savant mélange de règlementation, d’éducation et de sensibilisation. En tant que mère, j’ai à cœur que ma fille et mon fils sachent tous deux déconstruire les stéréotypes pour mieux les dépasser. Si le passé est impossible à changer et si le présent oppose parfois beaucoup de résistance, l’avenir reste à construire.

Quels sont vos projets à venir? 

Développer de nouvelles créations, expérimenter de nouvelles matières premières en lien avec le bois, déposer une demande de bourse en recherche et création, créer une nouvelle exposition solo, développer des pièces sur mesure pour le design d’intérieur, m’investir en médiation culturelle auprès des jeunes ou des personnes âgées, poursuivre mon implication à l’École d’ébénisterie d’art de Montréal. Mes projets sont multiples!

Jessica Beauchemin, artiste ébéniste

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