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Caroline Harrison, fondatrice de Harrison Mobilier

Caroline Harrison, fondatrice de Harrison Mobilier

PROGRAMME B

En collaboration avec l’École d’ébénisterie d’art de Montréal.

Depuis quelques années, Caroline Harrison offre, à travers son entreprise Harrison Mobilier, des solutions d’ameublement contemporaines et durables. Chaque objet, inspiré par l’architecture et la végétation, entre autres, met en valeur la beauté naturelle du matériau, qu’il soit du bois massif ou des panneaux plaqués de bois véritables.

Quel parcours vous a mené vers le travail du bois?

Étant de nature artistique depuis un très jeune âge, mon parcours professionnel s’est rapidement orienté vers les arts visuels. La sculpture était mon moyen d’expression de prédilection durant mes études universitaires en arts. Je me suis retrouvée à passer beaucoup de temps dans l’atelier de travail du bois et ma démarche artistique s’est progressivement développée autour de la matière et de sa transformation. Avide d’aller chercher davantage de techniques et attirée par la durabilité de l’objet, j’ai enrichi mon bagage créatif d’une formation technique en ébénisterie. C’est d’abord, la nature du bois qui m’intéresse dans le métier. Puis, c’est la richesse de ce matériau: son grain, ses couleurs et ses imperfections.

Ensuite, le travail d’ébéniste interpelle autant mon esprit sensible et artistique que mon cerveau analytique et calculateur. Le cheminement du travail débute par des idées volatiles et des inspirations qui doivent être éventuellement transposées en un plan précis. J’aime la complexité du processus entier qui m’amène à franchir de nombreuses étapes avant d’arriver à l’objet fini. C’est un sentiment d’accomplissement énorme de partir d’une idée et d’un croquis pour finir avec un meuble durable et fonctionnel avec lequel nous cohabiterons.

Quelle est l’histoire de votre entreprise?

Harrison Mobilier est une petite entreprise de fabrication de pièces de mobilier sur commande et de créations exclusives en pièce unique ou en série limitée. Mon projet d’entreprise est né de ma passion pour le travail du bois et du désir d’offrir des produits qui mettront ce matériau à l’honneur. Le bagage technique que j’ai acquis au travers de mes études ainsi qu’à la maison, grâce aux apprentissages que j’ai faits en rénovation et en menuiserie en travaillant avec mon père, m’a donné confiance en ce projet et m’a poussé à me lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat.

L’entreprise est née en 2014, dès la fin de ma formation en ébénisterie. Avant même d’avoir complété la dernière année d’étude, je prenais des petites commandes que je réalisais parallèlement à mes travaux étudiants. C’est grâce à ma rencontre avec deux luthiers que le projet est devenu possible en partageant un seul atelier et en mettant en commun notre outillage. Le bouche-à-oreille a énormément aidé l’entreprise à progresser et à élargir son réseau de clients et de partenaires.

Après trois ans à concentrer l’offre de service sur la fabrication sur mesure, l’entreprise a changé d’orientation en 2017 pour développer des meubles exclusifs produits en série limitée.

Quel est le processus créatif menant à la création de vos objets?

Une idée commence souvent par un croquis de quelques lignes. Je gribouille beaucoup, un peu partout, alors ma recherche de formes est constante. Lorsqu’une forme ou la rencontre de deux axes captent mon attention, je me mets à la redessiner de multiples fois jusqu’à ce qu’elle évolue en une idée plus concrète. 

C’est à ce moment que je sors mon ruban à mesurer et que je commence à imaginer l’objet dans l’espace. La création se faufile tout au long du processus, mais la suite des choses est beaucoup plus pratique: octroyer au meuble solidité, fonctionnalité et ergonomie. Les plans sont réalisés et permettent d’arriver au choix des pièces de bois. Même à cette étape, une part de conception s’opère encore, car en regardant et en sélectionnant les planches, le matériau peut inspirer à des modifications de formes qui iraient mettre en valeur certains de ses traits (nœuds, bords naturels, motifs).

Quelle est la réalité d’une femme œuvrant dans l’ébénisterie, un domaine majoritairement masculin?

Bien qu’il y ait de plus en plus de femmes qui choisissent ce domaine et qui s’y accomplissent, cette présomption qu’il s’agit d’un métier d’homme demeure encore bien réelle pour certains. Tout d’abord, la première réaction démontrée est la curiosité : «Tu peux utiliser le banc de scie?», «tu travailles seule?», «tu fais juste le design?». Les femmes œuvrant dans le domaine de l’ébénisterie sont un phénomène encore récent, ce qui justifie l’effet de surprise.

Le travail d’ébéniste exige une certaine capacité à soulever des charges assez lourdes, une aisance à travailler sur des machines et à effectuer des mouvements mettant l’endurance musculaire à l’épreuve. Ces aspects ne rendent pas la tâche impossible pour une femme selon moi; en sachant comment soulever des charges sans se blesser et en prenant le temps de réfléchir à ses mouvements, cela permet de faire plus que l’on pourrait l’imaginer. Un meuble imposant nécessitera un coup de main pour être déplacé, autant pour un homme que pour une femme. Une grosse part des opérations peut être réalisée par une personne seule et puisqu’il est immanquable parfois d’avoir besoin d’une deuxième paire de mains, la suite d’étapes doit être pensée en conséquence.

La réalité fait néanmoins en sorte que parfois, il nous arrive d’avoir à affronter les préjugés lorsque, par exemple, nous achetons des outils ou du bois. Des commerçants moins jeunes en âge qui sont habitués à vendre et à conseiller une clientèle principalement masculine peuvent se permettre une attitude déplaisante et quelques stéréotypes. Ces situations ne sont heureusement pas très fréquentes.

Vous êtes-vous heurtée à des difficultés en tant que femme ébéniste et entrepreneure?

Généralement, le fait d’être une femme ébéniste a été reçu de façon positive. Malgré tout, je dois dire qu’il m’est arrivé, à quelques reprises, de sentir que l’on mettait en doute mes aptitudes au travail par le fait que je suis une femme. Dans le cas de commandes commerciales, j’ai senti quelques fois de l’intimidation de la part de chefs d’entreprises masculins. Ma solution a été de gagner en assurance et à apprendre à ne pas trop me laisser affecter par ces commentaires. Cela m’a beaucoup aidé à me forger une confiance en soi. Lorsque j’ai mes caps d’acier dans les pieds, je me sens maintenant à l’épreuve de bien des choses!

Une autre difficulté pour les femmes en affaire est de réussir à concilier travail et vie familiale. L’entrepreneuriat peut nécessiter énormément d’heures de travail, et ce, en plus du fait que l’ébénisterie est un travail physiquement très exigeant. Il est difficile de ne pas laisser les tâches non complétées de la journée s’immiscer dans le temps de congé, surtout lorsque des échéances serrées nous préoccupent. Par contre, il est important de se rappeler que le temps où nous nous accordons un répit est essentiel à la productivité. Sans celui-ci, une fatigue accumulée nous suivra constamment. Je recommanderais aux femmes entrepreneures et aux femmes ébénistes d’entretenir cette séparation entre le travail et la vie familiale et d’apprendre à décrocher aux moments opportuns.

Selon vous y aurait-il des moyens d’améliorer la situation des femmes entrepreneures?

Avec la place de plus en plus grande qu’occupent les femmes dans les écoles d’ébénisterie et avec les changements qui s’opèrent sur le marché du travail, je suis positive que la diminution des stéréotypes apportera un souffle nouveau sur le milieu de l’ébénisterie. Les statistiques démontrent que l’entrepreneuriat et la pige sont des tendances à la hausse dans les dernières années au Québec. Les plateformes d’informations sur le web destinées aux entrepreneurs abondent et de nombreuses ressources sont disponibles. Grâce à ces ressources et en s’entraidant, je crois que les femmes entrepreneures amélioreront elles-mêmes leur condition.

Quels sont vos projets à venir? 

Je travaille présentement à la conception de meubles muraux pour petits espaces ainsi que sur une série de paniers de rangement en bois. J’en suis à l’étape où tout se passe dans le cahier à dessin. La suite n’est pas encore déterminée.

Harrison Mobilier

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