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Maxime Jarry, gérant

Maxime Jarry, gérant

Parlez-moi de votre entreprise de gérance et de subventions Bleu Carpette, ainsi que de votre activité au sein de cette dernière.

Ça fait trois ans que je fais ça, et deux ans que je le fais à temps plein à mon compte. Je fais de la gérance d’artiste principalement. Je travaille avec quatre artistes à temps plein. Puis à côté de ça, au lieu d’être agent de spectacle ou éditeur ou producteur, j’essaye d’être gestionnaire de subventions. Donc je fais des demandes de subventions autant pour mes artistes avec qui je travaille tout le temps, que pour d’autres agences et artistes qui m’approchent. J’ai un roulement comme ça qui va très bien, depuis un an je dirais. J’engage quelqu’un pour m’aider dans les subventions justement. Je veux rester gérant, chose qui est maintenant rare en fait. 

L’artiste est soit pris en charge par la maison de disque en gérance, en édition, production, son gérant est dans la maison de disque, soit le gérant est aussi producteur de spectacles et agent de spectacle. Moi je suis gérant. C’est ça que je fais dans la vie, c’est le fun. J’aime mon métier. Juste vivre de musique depuis deux ans ça me comble de tout. Je m’en fous de travailler très fort. Tu travailles en musique parce que tu es passionné par la musique.

Comment est-ce que vous aidez les artistes?

Le mot gérant, je l’ai découvert un peu en faisant cette job-là. Je ne pense pas que tu puisses commencer ta carrière en musique en étant gérant. Il faut que tu sois un peu dans le monde de la musique, près des gens, tu vas partout aux événements, tu t’informes beaucoup sur les redevances et les subventions, les différents contrats possibles avec les maisons de disques. Tu fais ta propre école jusqu’à ce que tu deviennes assez confiant et assez connaisseur des bases.

Je pense que dans les années 80 et avant ça, les années 2000 aussi, […] gérant d’artiste c’était plus des chiffres, il y avait plus d’argent à faire. C’était un peu vague pour l’artiste, il ne savait pas trop dans quoi il s’embarquait. Mais aujourd’hui, c’est vraiment bien parce que l’artiste est de plus en plus au courant de comment l’industrie fonctionne, donc il se fait de moins en moins avoir par des requins. Je pense que le gérant ne peut plus embarquer dans le rôle du grand manitou qui connaît tout puis qui veut faire de l’argent. C’est vraiment une relation humaine.

Aujourd’hui, je suis de plus en plus confiant dans ma façon d’aider les artistes, et de plus en plus je connais les rouages de comment marchent les subventions, les redevances. Donc je peux plus commencer à penser et créer des projets pour des artistes.

Comme là j’ai conçu un projet pour Amylie dans les écoles primaires. On vient de le faire et c’était hallucinamment le fun. Elle a une chanson qui s’appelle « Grand-maman ». J’ai demandé à des profs au Québec de demander aux élèves d’écrire un texte qui représente leur plus beau souvenir avec leur grand-mère. C’était juste avant la Fête des Mères. Nous on allait visiter les classes après puis Amylie chantait sa chanson. On invitait les grands-mères à être présentes, les jeunes lisaient leurs textes à leurs grand-mères. Il y avait des gymnases de 100, 200, 300 personnes pour ce projet. C’était vraiment beau et très touchant. J’essaye de créer ce genre de projets sortis des sentiers battus.

Beaucoup parlent d’une crise de l’industrie musicale en ce moment. Vous qui n’êtes pas dans le milieu depuis si longtemps, qu’en pensez-vous? Comment le vivez-vous?

Je n’ai rien connu d’autre que cette réalité. Quand je suis arrivé dans l’industrie musicale, la situation était déjà comme ça. Donc pour moi ce n’est pas une crise, mais la réalité. C’est ça la situation actuelle et la seule que j’ai connue. En même temps, hier je parlais avec Marc Desjardins, qui est un parolier assez réputé. Il disait que chaque période a eu sa crise en musique. Ça m’a permis de relativiser aussi. J’ai confiance dans la vie et dans la musique.

Je pense qu’il va quand même y avoir moyen de faire des sous avec les redevances perçues sur les écoutes en ligne, tous les Spotify de ce monde. Déjà ça commence à être rentable. Plus tu as d’abonnés, plus ça devient rentable. L’artiste commence à se dire ça. Charlotte Cardin a bien expliqué son point de vue à Tout le monde en parle. Elle disait que c’est aussi un moyen de plus diffuser ta musique. Il y en a qui sont encore réfractaires, je peux les comprendre, parce que les redevances ne suivent pas tout le temps. Mais à un autre niveau, c’est une belle carte de visite internationale potentiellement.

Intéressant de voir à quel point la nouvelle génération vit la réalité différemment de l’ancienne.

Quand les ventes d’album étaient au rendez-vous et quand les salles étaient pleines dans les années 70, 80, 90 et même avant, c’était quand même facile de rester dans une façon de penser la musique. Le mode de diffusion était assez classique: tu avais la radio, les journaux, la télé, tu avais les ventes de disques et les spectacles. Il n’y avait pas l’aspect internet. 

Donc c’est sûr que si tu as travaillé pendant 20 ans en musique, ou même 10 ans, avant que tout les phénomènes YouTube, Spotify n’apparaissent, ça déstabilise la façon de travailler, ta routine de travail, tes réflexes. Je pense que dans la nouvelle génération on est assez ouverts aux nouveaux modèles, à juste réfléchir sur des nouveaux modèles sans même forcément les créer. Mais beaucoup de ceux qui travaillaient dans les années précédentes sont aussi ouverts. 

C’est plus à la carte, tu n’achètes plus des albums, tu achètes des chansons. Un spectacle maintenant doit être un événement. Il y a beaucoup plus d’artistes qu’avant aussi. Il faut vraiment que tu te démarques, vu que les moyens de produire un album maintenant sont faciles, tout le monde peut avoir un studio la maison.

Est-ce que beaucoup de jeunes comme vous font ce métier de gérant?

Je n’en connais aucun, sauf Noémie Laniel. Avec Noémie on adore ça, on se parle à chaque semaine de ce qu’on vit. Avant c’était plus compétitif entre gérants, entre agents. Mais aujourd’hui on est tous dans le même bateau, on est dans la même situation et on fait la même job. Donc on s’aide. J’essaye de m’entourer d’agents, de producteurs, de maisons de disques qui ont la relation humaine comme priorité. C’est ça l’important.

Qu’est-ce que vous cherchez dans un événement comme les Rendez-vous Pros des Francos?

Chaque année, il y a des pros internationaux qui sont là qui viennent de France, Suisse et Belgique. On les connaît tous déjà et on les adore, mais c’est une façon de les revoir, de reparler de certaines choses. Il y a les speed meeting pendant les rendez-vous pros, tu t’assois 15 minutes avec des agents et des maisons de disques, des gérants sont là. C’est une façon de revoir les gens. De penser à de nouveaux projets aussi. C’est un minuscule monde que celui de la musique au Québec. Ce n’est pas vrai qu’on fait de nouvelles rencontres à chaque fois. Ce sont des gens qu’on connaît déjà et qu’on aime.

Comment est-ce que vous voyez le futur des artistes et de l’industrie musicale?

Rayonnant! Pour vrai, je n’en ai aucune espèce d’idée. Ça serait te mentir que de dire que dans 10 ans je vais être à tel endroit. Dans trois ans je sais où je vais être, même cinq ans. Je veux continuer en fait le modèle que j’ai en ce moment. De continuer à aider les artistes «coup de cœur» qui me font tripper et avec qui ça «fitte» humainement. Ce qui me réjouit dans notre ère de musique, c’est que l’artiste devient de plus en plus au centre de l’industrie. C’est très cool, parce qu’il devient de plus en plus producteur des albums, il a plus le de contrôle de ses redevances, de la direction artistique aussi, puis il devient de plus en plus producteur de son show. Il est de plus en plus au courant de comment marche l’industrie globalement. L’artiste redevient important et respecté.

NDLR: Les propos de cette entrevue ont été condensés.

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