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Pour Francis Gosselin, la musique a toujours été une réelle passion. Sa rencontre avec Raymond Trudel dans le cadre de son travail à la librairie Guérin n’a fait que confirmer son intérêt: « On passait nos soirées à parler de musique plutôt que de livres! » (Rires). Trois ans après son départ de la librairie, Gosselin a reçu un appel de Trudel. Serait-il partant pour démarrer ce fameux magasin de disques dont ils avaient parlé? « Je ne pensais pas me lancer si jeune – j’avais 24 ans à l’époque –, mais j’ai accepté! »
C’est donc fin 1999 que les deux associés ont ouvert Atom Heart, une boutique de disques sur la rue Sherbrooke à Montréal. Pour eux, ce magasin répondait à un besoin grandissant chez les mélomanes. « Ni lui ni moi n’arrivions à trouver ce que nous voulions dans les boutiques existantes. Pour les disques plus rares, il fallait aller sur internet ou commander par la poste. On s’est dit qu’on ne devait pas être les seuls à chercher des produits qui sortent de l’ordinaire! » Et pourquoi ne pas ouvrir un disquaire qui répondrait à cette demande au Québec, au lieu de laisser les gens aller vers les magasins de l’extérieur? Le projet était lancé.
Ouvrir un disquaire en plein virage numérique: périlleux?
On pourrait croire que le lancement d’une boutique de disques à l’aube du passage vers le numérique est un suicide annoncé… Eh bien non. « Très vite, on a eu une clientèle régulière, qui revenait. Ça n’a jamais été un problème. Pourtant, c’est un des facteurs qui ont été considérés avant l’ouverture du magasin. On avait peur, mais on ne l’a jamais vraiment senti. En fait, on a tellement été dans la vague, qu’on ne saura jamais si la croissance aurait été plus rapide quelques années plus tôt. »
Et les magasins de disques, sont-ils toujours pertinents en 2015? « Bien que iTunes et compagnie ont permis à tous la possibilité d’acheter en ligne dans le confort de son foyer, avec la possibilité de consommation immédiate, l’acheteur moyen se retrouve face à une liste interminable de noms d’artistes, d’albums, de pièces. Il est impossible d’avoir le temps de tout écouter. Ce qu’on propose, nous, c’est un lieu où la culture évolue et se propage, entre clients, entre artistes, d’un mélomane ou d’un collectionneur à l’autre. On crée une relation en apprenant à connaître chaque client et leurs goûts, et on leur propose des choses qu’ils risquent d’aimer ou encore qui risquent de changer leur perception. Alors oui, je crois que le disquaire est toujours pertinent. Car on prend le temps d’écouter pas mal tout ce qui nous passe entre les mains. C’est notre boulot. »
« Il ne faut pas attendre qu’une compagnie de disques réagisse. »
Parmi la panoplie d’albums disponibles, Atom Heart se fait un point d’honneur de laisser une place aux efforts indépendants. « Si on ne retrouvait pas ces produits chez Atom Heart, où les trouverait-on? Nos clients recherchent des trucs difficiles à trouver. Ce sont souvent de beaux produits, faits main. Et ça se vend bien! Les artistes locaux surtout, qui font souvent parler d’eux, mais aussi internationaux. »
Après des années à côtoyer la scène indépendante, quel conseil Gosselin donnerait-il à un artiste qui tente de débuter? « Beaucoup savent qu’ils veulent réussir en musique, mais ne sont pas certains de la stratégie à adopter. Il ne faut pas attendre qu’une compagnie de disques réagisse: il faut ouvrir un site internet, partager son matériel, etc. Il ne faut pas rester assis sur son steak à la maison en attendant que ça se fasse tout seul. »