La revue new-yorkaise Gypsé Eyes explore l’amour et le sexe à travers l’art, le design, la photographie et l’écriture. Chaque numéro est différent, qu’il soit question du format, de la couleur ou de l’objet promotionnel à l’intérieur (une planche de ouija par exemple). Entrevue avec Tyler Lafreniere, cofondatrice et directrice créative.
Baron :Comment Gypsé Eyes a-t-elle vu le jour ?
Tyler Lafreniere : Nous avons publié notre premier numéro à l’aide d’un photocopieur, au début de 2010, et nous avons lancé cinq numéros, de différentes tailles et formats d’impressions, depuis. J’ai commencé ce projet pour me donner l’occasion de travailler dans l’imprimé (la plus grande partie des tâches de conception de mon « véritable » travail se limite à Internet). À chaque édition, nous essayons de repousser le niveau de production et d’offrir quelque chose de plus. Par exemple, nous ajoutons des autocollants ou une planche de ouija. C’est lié au contenu du magazine. Nous jouons aussi avec le format et le type d’impression utilisé, d’un numéro à l’autre (couleur offset, noir et blanc, papier journal, etc.). Gypsé Eyes est une entreprise qui nous permet de mettre des œuvres d’art en relation et de les afficher dans un contexte imprimé intéressant et engageant. Nous essayons de penser en dehors des limites plus traditionnelles du média imprimé.
B. : Comment décririez-vous votre ligne éditoriale ?
T. L. : Chaque numéro comporte un thème. C’est un point de départ pour nous et l’artiste. Ça nous donne une contrainte, tout au long du processus, et aide à unifier le travail éditorial et physique.
B. : Pourquoi avoir choisi le média imprimé ?
T. L. : Nous aimons le papier. Nous avons fait des couvertures en soie, en papier journal et des zines photocopiés. Dans une certaine mesure, le papier utilisé est souvent lié au budget, mais, avec tous les aspects que peut prendre Gypsé Eyes, nous aimons explorer différents formats. Il est facile de se limiter à une taille et un style de mise en page lorsque vous faites imprimer des milliers de copies de votre publication, mais comme nous ne sommes pas une entreprise à but lucratif, nous préférons toujours chercher à explorer toutes les facettes de l’imprimé. Nous tentons ainsi d’employer le design pour personnaliser chaque numéro. Nous avons aussi conçu une police spécialement pour notre numéro magique.
B. : Quelle est la réaction du public ?
T. L. : La réponse du public est formidable. Nous avons reçu des tonnes d’aide et de soutien de nos lecteurs et ils sont vraiment la raison pour laquelle nous avons pu continuer. L’Internet a également permis d’atteindre un très large public dans le monde. Nous recevons des commandes de tous les coins du globe et c’est toujours excitant de réaliser que quelqu’un à l’autre bout du monde est intéressé par ce qu’on fait.
B. : Quelle est votre stratégie de vente et de croissance ? Publicité ou co-branding ?
T. L. : Eh bien, nous n’avons pas l’intention de rendre Gypsé Eyes monnayable. Le média imprimé n’est pas exactement une industrie en plein essor, en termes de profit. Nous avons fait des ventes régulières depuis la création du magazine. Nous ne nous cassons pas la tête avec la publicité. Nous avons trouvé d’autres moyens de financement. Outre la vente d’exemplaires, nous organisons des 5 à 7 de financement et nous utilisons Kickstarter. Tout cela, sans oublier les efforts que nous devons faire pour dénicher notre lectorat.
B. : Votre magazine est financé grâce à Kickstarter. Est-ce que cette stratégie fonctionne ?
T. L. : Kickstarter, c’est génial ! C’est un excellent outil pour amasser des fonds pour un projet. Cela dit, ce n’est pas magique. Il faut une énorme quantité de travail et de planification pour obtenir un projet financé. En gros, vous faites un marathon de promotion et de marketing pendant 30 jours. Le niveau de stress peut devenir élevé, mais nous le recommandons vivement. Kickstarter nous a permis de faire des préventes et de financer l’impression.
B. : Pouvez-vous nous faire un survol de la scène de l’édition indépendante de Brooklyn ?
T. L. : La scène de l’édition indépendante de Brooklyn est immense et diverse. Il y a des tonnes d’œuvres indépendantes publiées, de zines et de bandes dessinées photocopiées en grand format couleur offset (jusqu’à cents pages pour certains projets) ; un traitement qui se chiffre probablement autour de 10 $ la pièce, juste en frais d’impression.
Il y a aussi un certain nombre de grandes librairies indépendantes dans le quartier : Printed Matter, à Chelsea (qui dirige l’Art Book Fair de New York annuelle et MOMA PS1), et Desert Island, à Williamsburg.
B. : Des projets à venir ?
T. L. : Notre prochain numéro, The Outlaws, qui sortira sous peu. Nous aimerions également faire des affiches, des numéros hors-série et des films.