Si vous êtes de ceux qui commandent leurs vinyles sur Internet, il y a de fortes chances que vous ayez vu vos frais de livraison grimper dangereusement au cours des dernières années. Question de bien enfoncer le clou, la poste américaine vient d’augmenter ses tarifs de quatre ou cinq dollars par colis pour les envois internationaux (voir la section International Price Changesde leur site web). Les maisons de disques et les consommateurs québécois qui font affaire avec les États-Unis devront donc certainement s’ajuster. Baron a glané quelques trucs pour amortir le coup auprès des principaux intéressés.
La maison de disques montréalaise Constellation envoie de 100 à 500 disques par mois à des particuliers ayant passé leur commande sur Internet. Elle est restée fidèle à une compagnie américaine de pressage de disques pour une partie de son catalogue, et achète également des boîtes et des sacs chez nos voisins du sud. Selon le volume des commandes, les adeptes de la philosophie du « fais-le-toi-même » peuvent se permettre d’utiliser des services de livraison privés ou encore de descendre en camion à la frontière, ce qui revient moins cher que de passer par la poste américaine. Chez Visage Musique, petit label qui fait aussi presser ses disques aux États-Unis, les coûts de production seront durement touchés. Mais attention : il n’est pas forcément plus avantageux de choisir une usine de pressage canadienne. Ici, les coûts postaux varient en fonction du nombre de kilomètres à parcourir. La livraison d’une commande en provenance de Colombie-Britannique peut donc être extrêmement dispendieuse.
En réponse à l’augmentation de tarifs de la poste américaine – et parce qu’elle subit des pressions économiques semblables à celles ayant touché les É.-U. – Postes Canada a modifié quelques-uns de ses services. Par exemple, l’assurance qui était auparavant comprise avec tout envoi à destination des États-Unis est devenue payante. « Pour des compagnies comme nous, qui font très peu de profit sur l’envoi, les quelques disques égarés chaque année finissent par coûter cher », note le responsable des stocks chez Constellation, Simon Delage.
Si la poste américaine a choisi d’augmenter ses tarifs d’un coup sec, elle est loin d’être la seule à tenter d’utiliser les frais de livraison des colis pour compenser les pertes engendrées par la diminution du volume de lettres postées. De façon générale, les prix ont tellement grimpé que le fait de commander directement de la maison de disques dans le but de sauter un intermédiaire n’est souvent plus avantageux. Cela peut poser problème aux amateurs de musique très pointue, à distribution limitée, qui sont souvent habitués à commander directement de la source. « Récemment, Éric Chenaux a sorti une collaboration avec une chanteuse belge, sur un label belge », relate Frédéric Galbrun, alias Khyro. « Le faire venir coûtait 21 euros de frais de poste. Ils vont même jusqu’à s’excuser sur leur site : “Canada, 21 euros, désolés”! Payer 21 euros de frais alors que le disque en coûte 13, c’est un peu ridicule. Je l’ai trouvé en Allemagne pour 9 euros. Avant, c’était normal de faire venir un vinyle d’un petit label pour 20 $, transport inclus. » Magasiner pour trouver un pays offrant des frais de livraison moins élevés pour le Canada s’avère ainsi une étape nécessaire.
Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, les disquaires indépendants profitent de cette hausse généralisée. En raison de leur volume de commandes, ils font affaire avec des transporteurs privés plutôt qu’avec la poste. « Au début des années 2000, c’était la mode d’acheter sur eBay », rappelle le propriétaire des 33 tours, Pierre Markotanyos. « Maintenant, beaucoup veulent tâter le produit et le vérifier, car ils se sont trop brûlés à recevoir des disques endommagés alors que le vendeur leur avait assuré qu’ils étaient parfaits. Ils préfèrent payer deux ou trois dollars de plus en magasin, mais être certains de l’avoir en bon état. »
Le détail qui tue
La poste fonctionne avec un système de paliers. Ainsi, un paquet qui pèse 501 g coûtera deux fois plus cher à envoyer qu’un paquet en pesant 499. Le tarif le plus économique pour envoyer un disque vinyle en Europe est d’environ sept ou huit dollars, si l’acheteur est prêt à patienter de quatre à six semaines pour le recevoir. Pour que le disque se rende en moins de sept jours, il faudra doubler le prix. Il faut également considérer que le poids du vinyle lui-même a augmenté avec le temps. Alors que, dans les années 60, la plupart pesaient 130 g, les standards sont maintenant de 180 g, pour des raisons de qualité sonore. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter lorsqu’on commande une seule galette, mais dès qu’on en reluque plusieurs, les prix risquent d’augmenter drastiquement. C’est un problème pour Constellation. « Ajoute la pochette, les encarts, les paroles, le sac, le carton, et il n’est pas rare qu’on arrive à 500 g. C’est rendu tellement important de rentrer dans nos prix d’envoi qu’on pèse chaque produit au moment de la production. Donc, on fait souvent appel au système “D”! »
Tout récemment, l’équipe a dû passer des journées entières au bureau de poste à découper des excédents de carton pour alléger les disques de Jerusalem In My Heart de quelques grammes. Les coupables? Deux affiches au lieu d’une seule dans la pochette. « J’envoie souvent un CD gratuit quand on commande quelque chose sur mon site, et je me suis fait avoir plusieurs fois en devant changer de palier de prix à cause de ça », rapporte aussi Scott Da Ros, qui vient tout juste d’agrandir son magasin virtuel pour y offrir des livres et des vêtements. Dernièrement, Scott Da Ros a par ailleurs décidé de changer d’usine de pressage pour faire affaire avec une compagnie montréalaise artisanale.
Il faut aussi porter une attention particulière au format des colis qu’on envoie. Étonnamment, envoyer une cassette double coûte deux fois plus cher qu’envoyer un disque vinyle. Selon Postes Canada, un paquet de la hauteur de deux cassettes ayant une largeur inférieure à 14 cm est considéré comme un paquet de dimension anormale, et son envoi coûte presque 40 $. Il vaut donc mieux mettre l’objet dans une boîte plus grande et payer le tarif qui s’applique aux petits colis.
Il importe plus que jamais de lire les notes en petits caractères et de faire ses devoirs, car tous ces détails peuvent coûter cher. Des envois groupés à l’intérieur d’une fourchette de prix peuvent vous permettre d’économiser, tout comme le fait d’opter pour un emballage moins pesant que celui offert par la poste. « La poste subit des pertes parce qu’on envoie de moins en moins de lettres, reconnaît Simon Delage. Mais ce que les gens achètent de plus en plus sur Internet, c’est des colis. Donc éventuellement, il y a une balance qui va se faire, si les frais de livraison pour les colis sont décents. À ce moment-là, et la poste, et les compagnies qui font encore de la distribution indépendante vont y trouver leur compte. » Ou alors, comme le suggère le pro du système « D », aussi bien s’échanger des fichiers qu’on gravera nous-mêmes à l’aide de notre imprimante 3D!