On dit toujours qu’une foule est moins intelligente qu’un individu. Dans les échauffourées, oui ; mais pas forcément en affaires.
La plus grande révolution du Web est sans doute le concept de masse. La traversée du micro au macro (et inversement) est si facile qu’elle redéfinit les moyens de générer de l’argent, de l’information et de l’intelligence.
On voit ainsi apparaître un peu partout ce préfixe, « crowd », comme dans crowdfunding ou dans crowdsourcing. Mode de gestion dont Wikipédia est l’exemple le plus probant, le crowdsourcing (ou « externalisation ouverte » en français) repose, entre autres, sur un principe qu’aucun-e entrepreneur-e ne devrait ignorer : celui selon lequel la force créative d’un groupe est nettement supérieure à celle d’une seule personne.
Si on comprend cette logique, la taille du groupe importe peu. À petite échelle, elle permet par exemple de trouver des solutions novatrices à des problèmes que rencontre n’importe quelle entreprise : Comment accélérer la réalisation de l’inventaire? Peut-on repenser les horaires pour les rendre plus efficaces? Ou même, comment redresser l’équilibre financier de l’entreprise?
Cette forme de gestion encourage également transparence, confiance et coopération transversale entre tous les membres de l’équipe, ce qui demande parfois une certaine humilité de la part des têtes dirigeantes. Or, un-e entrepreneur-e intelligent-e sait laisser parler les autres. C’est d’ailleurs le but d’une autre pratique de gestion, canadienne cette fois, et qui se traduit sans à-coups : le CoDéveloppement.
Au contraire du brainstorming, touffu et aléatoire, le « coDév’ » repose sur un déroulement très clair : dans un groupe de quatre à huit personnes supervisé par une personne-ressource (sorte de maître du jeu), chaque participant se met dans la peau du client. Il pose une question – le problème – puis se tait pour récolter les commentaires des « consultants ». L’association française de CoDéveloppement professionnelle décrit le processus en 6 étapes :
1. Exposé d’une problématique, d’un projet ou d’une préoccupation (les 3 P) : ce qui nous titille.
2. Clarification : le « client » précise sa pensée ou donne un contexte au problème si besoin est.
3. Contrat : le client formule le type de consultation qu’il souhaite, puis se tait.
4. Exploration : les consultants réagissent et proposent des suggestions pratiques.
5. Synthèse des apprentissages et plan d’action.
6. Évaluation.
L’exercice est particulièrement intéressant pour tester la perception d’un produit ou d’un service sur une clientèle test : d’un logo à la façon de rejoindre un nouveau marché, en passant par une relation de travail problématique, tout peut être testé auprès des consultants. Le plus difficile – et le plus formateur – est alors de ne pas se justifier, mais d’écouter, en se rappelant, dès que notre langue est prête à fourcher, qu’une objection n’est jamais négative ; qu’elle est au contraire une occasion en or de sonder la perception de notre produit ou de notre service, ou de voir réellement le problème sous un nouvel angle.
En affaires comme en gestion, l’intelligence se trouve dans les calculs les plus simples. Alors que le groupe multiplie les idées, l’individu constate qu’avec une bouche et deux oreilles, il est toujours plus sage d’écouter.