Les peintures d’Élise Lafontaine semblent être d’authentiques icônes que l’on aurait retrouvées et qui se seraient déformées avec le temps. Les personnages se présentent frontalement dans une posture très classique, ce qui nous ramène à une esthétique du portrait, voire, de la commande. La facture du geste, les couleurs utilisées les transposent dans un temps autre qui serait révolu, un temps où l’on tente de resituer les images. Les figures sont troubles, elles ne sont pas reconnaissables. Pourtant, on sent une volonté de reconstruire les formes plutôt que de les déconstruire. Cela se saisit de par une certaine distance prise avec le sujet et par le travail formel qui est fait sur ce dernier. Souvent identifiées comme des autoportraits, les œuvres de Lafontaine nous renvoient à notre propre condition: c’est une observation de l’humain plutôt que du sujet.
Bio
Née à Montréal en 1984, Élise Lafontaine est une artiste visuelle qui se consacre pleinement à la peinture depuis six ans. Formée en dessin d’observation par le maître indien Sudjarad Sadam et en arts plastiques au Cégep de Saint-Laurent, l’artiste a étudié en muséologie (technique) et détient un certificat en histoire de l’art à l’Université du Québec à Montréal, en plus d’avoir suivi différentes formations au Canada et aux États-Unis. Depuis 2006, l’artiste Élaine Despins est son mentor. Sa collaboration à la galerie Artêria de Bromont l’a amenée à participer à plusieurs expositions au Canada et sur la scène internationale.
Expliquez-nous votre démarche artistique.
Ma démarche se veut une interprétation organique de la nature muée par
l’intensification du réel que j’aborde dans sa déconstruction. J’imagine alors une architecture de la chair telle une zone abstraite que je peux décomposer en trompant la vigilance du conscient. Cette étude en continu me permet de désapprendre ce qui est acquis, de détourner les censures et les interdits, un jeu qui ramène des affects, des images et des sensations à leur état originel et à partir desquels l’imaginaire peut s’inventer de nouvelles sapes. Je fouille ainsi à travers le théâtre du quotidien, en pensant la peinture comme une archéologie de la psyché afin
d’y retrouver une vérité intérieure qui tente de s’émouvoir et d’intensifier la réalité. Celle qui naturellement m’attire n’est pas purement esthétique, elle s’insurge, plutôt, dans la provocation
d’un sentiment pleinement émotif où la couleur joue un rôle terriblement affectif.
Quels sont les sujets qui vous préoccupent le plus et pourquoi?
Un regard extérieur sur mes œuvres percevra une récurrence de la représentation de la figure humaine sous la forme d’un portrait, moyen privilégié d’accomplir la transposition d’un autoportrait sans narration volontaire. La connexion avec mon sujet m’engage vers la création comme une obsession. J’observe la position des corps, le geste, l’expression du regard et de la bouche et l’énergie que ces masses humaines dégagent. J’espère alors saisir l’essence douteuse et suspecte d’un moi qui balance entre le visible et l’invisible, ce qui est montré et ce qui est caché.
Comment vous positionnez-vous dans le milieu de l’art actuel montréalais? Vous sentez-vous appartenir à un certain mouvement, à votre époque, à votre ville?
Au-delà de la question de l’époque, de la ville ou du mouvement, il s’agit tout d’abord pour l’artiste de toucher à l’inévitable, de détenir sa propre vision et d’en dépasser les frontières admises. Pour moi, la peinture n’est pas un langage à proprement parler alors j’occupe mon temps à penser la peinture hors de toutes formes de concession devant les attentes du regardeur. Je me sens très loin des traitements d’idées, de l’engagement social, je veux qu’on regarde mes toiles sans système a priori, en se dépouillant de toute forme d’intelligence et de ses savoirs, afin de balayer les tabous, retrouver et figurer l’origine de la sensation.
Comment voyez-vous votre travail artistique, qu’est-ce qu’ « être artiste » signifie pour vous?
En tant qu’artiste, je veux célébrer l’imminence du moment par une observation lucide du monde. Je cherche ainsi à retrouver le geste d’abandon. Mon travail en est un d’étude, de quête, de recherche au travers des formes, des intensités et des couleurs qui sont les miennes et en devenir. Je cherche à faire émerger poésie, sexualité, tabous et renoncements. Il m’arrive d’éprouver la sensation de courir un véritable risque, d’où une crainte de la perte, lorsque je dois décider, d’un coup de pinceau, de déclencher une chaîne de catastrophes qui mettra en péril toute l’unité du tableau. C’est un évènement à chaque fois, la rareté du moment parvient alors à me délester de mes propres peurs ou encore à les baptiser enfin.
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