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Dans la gueule des Breastfeeders

Dans la gueule des Breastfeeders

Enfin un nouvel album pour Les Breastfeeders. Dans la gueule des jours, nous donne encore notre dose de rock’n’roll des années 60 avec l’énergie sexuelle & rebelle de la jeuneuse, prête à sacrifier leur âme en fleuretant avec le diable… et le tout en bon Québécois. Entrevue avec Luc Brien.

Dans la gueule des jours….comment a été l’expérience d’enregistrer l’album?
L’enregistrement s’est étalé sur plusieurs mois et l’album a connu plusieurs périodes, plusieurs studios et plus d’un techniciens de son. On s’est trimballé d’un lieu à l’autre, au gré des deals et des amitiés qui nous invitaient dans leurs studios ou qui acceptaient de venir dans notre propre repaire, jonché d’amplis d’avant-guerre et de vieux micros luisants comme des ailes de vieilles Chevrolets. On a enregistré à vau-l’eau, comme ça venait. Pas de plan d’attaque, pas de stratégie concertée, pas de barrage d’artillerie ou de soutien aérien avant de lancer l’invasion des studios de Montréal: on sautait dans nos embryons de tounes, sans trop savoir comment les prendre… par là ou par là? Parfois on bifurquait vers ce qu’on connaissait le mieux, la guitare bien fuzzée, le drum qui tapoche et les harmonies vocales à la recherche du “hook”, de l’hameçon qui donne le goût de réentendre le truc, d’appuyer encore sur play et de s’apercevoir qu’on est devenu accro. Parfois, on est allé vers d’autres chemins, vers d’autres paysages qu’on connaissait moins: quelqu’un ramassait un orgue bâtard ou une percussion abandonnée qui traînait dans le coin et sortait un drôle de truc et on se disait “ouais, c’est cool, ça marche, comment ça?”; lorsqu’on tournait autour d’une chanson sans trop y trouver l’entrée, quelqu’un pouvait suggérer quelque chose du genre: “et si on y mettais des cuivres un peu soul?” ou “et si on essayait une orchestration avec des cordes?” ou “et si on tentait de faire le drum comme dans telle toune de Jan & Dean?”. Alors on “essayait” et souvent on tombait des nues: ça marche, nom de Dieu!

On a ainsi eu un beau carnaval d’amis de longues dates ou de rencontres au hasard qui sont venus jouer les instruments que nous n’avions pas ou dont on ne jouait carrément pas. Encore une fois, c’était sans planification réelle, ça venait simplement avec le courant des jours: Joe-le-bassiste, qui est aussi roadie avec Malajube, a naturellement demandé à Thomas Augustin de nous prêter main forte au wurlitzer; Sunny, qui forme aussi le duo “Les Frères Rivaux” avec Damien Robitaille, m’a spontanément suggéré ce dernier lorsqu’on a eu besoin d’un “vrai” pianiste; Johnny Maldoror, qui goûte des vins les yeux fermés avec Warner Alexandre Roche (violon des Abdigradationistes) a pensé évidemment à lui pour nous faire un quatuor à cordes à lui tout seul; nous avons profité de la fin d’une répétition de Buddy McNeil & The Magic Mirrors (avec qui nous partageons notre studio/local de répétition) pour leur faire chanter des chœurs supplémentaires et aussi utiliser leur trio de cuivres; je pense aussi à Mathieu “Rocket” Dandurand qui m’a sorti une superbe ligne de marimba, deux secondes après que je lui aie dit, sans pourtant rien lui demander: “je pense que je vais mettre un xylophone ou un marimba, dans cette toune-là”…

Et il allait parler de quoi, cet album? Ça… s’il y a un truc qu’il ne faut pas me demander c’est: écris-moi un texte de chanson, là, maintenant. Non pas que je crois à l’inspiration, qui n’est qu’un mythe pathétique à servir dans un film de poètes disparus, mais je crois que les bonnes idées ne s’appellent pas à l’avance et que, s’il y a une chose que je sais, c’est que mes meilleurs “hook”, mes meilleurs flash, me sont presque tous venus en attendant aux lumières rouges, aux coins des rues. Je me suis donc beaucoup promené.

Avec Johnny Maldoror, on écrivait des textes sans penser à rien, sans se demander si ce que nous écrivions allait à l’encontre du texte précédent ou s’il répétait quelque chose déjà entendu… on envoyait le truc, puisqu’il fallait y aller, coûte que coûte.
Pour ma part, j’ai avancé dans cet album un peu à l’aveuglette, étant incapable d’avoir une vue d’ensemble sur toutes ces chansons qui voyaient le jour chacune de leur côté, à des siècles d’intervalle. Je sais aussi, par des confidences de fins de soirées, que la plupart des membres du band se demandait réellement où je voulais en venir, dans quelle direction je voulais bien aller… Ce n’est qu’à la fin septembre, que j’ai pu regarder notre amas de tounes et comprendre un peu; j’ai pu voir enfin à quel point elles étaient reliées l’une l’autre sur plus d’un axe thématique et que, sans le savoir, nous avions fait quelque chose qui se tenait, qui proposait même, dans une sorte de diégèse non-prévue, une pleine cohérence. Le titre, “Dans la gueule des jours”, m’est apparu en flash alors que nous parlions de l’album récemment terminé, Johnny Maldoror et moi, autour d’une bouteille de vin dans un bar (fidèle en cela à nos deux précédents titres, tous deux venus en flash soudain… mais, ce p’tit dernier-là, il s’est vraiment pointé le nez à la dernière minute!!!)

… à quoi doit-on s’attendre?
En passant, ce n’est pas vrai que c’est un album qui s’articule autour de la notion du temps, comme le dit la rumeur… Alors, à quoi s’attendre? Attendez-vous à revoir les Breastfeeders comme vous les connaissez, même si on a essayé des trucs qu’on n’avait jamais essayé avant: un sampling (trouvez-le!!), Sunny qui me laisse faire un solo de guitare avec mes doigts de cancre, une balade avec des violons, des instruments de percussion que j’aurais envoyés chez le diable il y a quatre ans, des lignes de steel guitar jouées comme si c’en était pas, que sais-je encore? Mais ne vous attendez pas à devoir réapprendre à écouter les Breastfeeders: c’est bel et bien nous, on rock n’roll ou on pop comme toujours. Il y a presque toujours du fuzz et des roulades baveuses de drum.
-C’est quel style, le dernier Breastfeeders?
-Ben… c’est du Breastfeeders!

5 Albums que vous écoutez présentement et pourquoi?
Comme je fais beaucoup de soirées DJ depuis 2 ans, je suis davantage quelqu’un qui écoute des tounes que des albums. Mon cerveau fonctionne à 45 tours par minute. Voici donc cinq pièces, pas dans un ordre de préférence, que j’écoute beaucoup ces temps-ci:

1-Dean Taylor: There’s a Ghost in my House. Méga-classique northern soul que j’ai redécouvert à force de le faire tourner aux soirées de Trevor Anderson et George Donoso III au Korova, les jeudis. La ligne de guitare (fuzz!!) est trop hypnotique!!! Je me suis laissé dire que Dean Taylor était le seul canadien sur Motown.
2-The Clovers: One Mint Julep. One Mint Julep, j’en possédais depuis des années au moins 15 versions, toutes instrumentales, avant de tomber sur l’originale des Clovers et de découvrir qu’en plus, il y a des paroles! Vieille bonne toune du début des années 50, un bon groove, plus slow que la majorité des versions postérieures. Je l’ai dans la tête depuis trois semaines. L’originale est la meilleure!
3-Les Fleurs de Lys: So Come On. Band british avec un nom frenchie. On retrouve souvent leur version de “Circles/Instant Party” des Who sur différentes compilations mais c’est “So Come On” qui fait se déhancher les filles: un drum soul, des guitares rock à la Townshend avec une saveur merseybeat dans les voix… Ça le fait!!! (La légende veut que ce soit Jimmy Page, alors guitariste pigiste de 17 ans, qui joue le solo mais c’est surtout pas pour ça que j’aime la toune, oh non!)
4-Gino Washington: I’m Coming Home ou Out of this world (j’arrive pas à choisir!). Ça m’aura finalement pris deux ans avant de comprendre qu’il y a Gino Washington (avec un “i”), chanteur noir qui a stoppé sa carrière musicale en entrant dans l’armée américaine et Geno Washington (avec un “e”), chanteur noir qui a commencé sa carrière en sortant de l’armée américaine. Que ce soit pour une bonne rythmée ou une bonne relax mid-tempo bien ondulée, je préfère Gino Washington avec un “i”.
5-The Imperials: Have Love Will Travel. Ok, on est tous tanné d’entendre la version des Sonics ou des Headcoatees mais je suis tombé récemment sur ces Imperials que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam. Leur version de ce désormais super-classique se rapproche plus de l’originale fifties de Richard Berry (pas l’acteur français mais le chanteur américain) avec les backvocals doo wop mais l’intro du drum est bien sauvage et le solo de guitare est résolument garage… je vous jure, le meilleur des mondes est dans ce coin-là!

lesbreastfeeders.ca

Les Breastfeeders: Mes lunettes noires from Bonsound on Vimeo.

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