Justine A. Chambers et Laurie Young se sont rencontrées il y a quelques années, et la chimie s’est tout de suite installée. Elles se sentaient bien l’une avec l’autre et se comprenaient. Et même si Laurie vient de Berlin et Justine de Vancouver, l’amitié est restée intacte et ça ne les a pas empêché de créer un projet ensemble. À travers ce spectacle intitulé One hundred more, les deux danseuses dénoncent haut et fort avec colère, la vision du monde occidental des personnes de couleur, comme elles. D’une certaine manière, le spectacle qui aura lieu à l’Agora de la danse du 19 au 22 octobre, figure le sentiment auquel les deux artistes font face dans leur vie de tous les jours. Entrevue.
Justine : Oui, il y a une façon de faire de la résistance dans notre vie de tous les jours. Ça peut être simplement de ne pas acheter un café qui vient de tel endroit parce qu’ils ont une mauvaise éthique. Mais, pour nous ça va plus loin. Lorsque tu es une personne “racisée” dans ce monde, tu as une existence différente de ceux qui sont blancs, n’est-ce pas? Donc, on est constamment dans cette hyper vigilance. On se fait suivre lorsqu’on entre dans un magasin. On se fait demander “D’où est-ce que tu viens?”
Tu comprends? Nous sommes constamment dans ce travail de faire face aux gens en tant que personnes racialisées.
J’aime parler d’autodétermination. Et afin d’y rester, je dois être en résistance par rapport à ce qu’on me renvoie. À l’ouest, il y a une vision du monde, qui n’inclut pas les personnes de couleurs, et dans laquelle nous sommes considérés comme des sauvages.
Laurie : Il y a une chose que j’aimerais ajouter – la raison pour laquelle j’aime danser avec Justine, c’est surtout parce que c’est énormément de joie. La joie comme la résistance c’est du plaisir et lorsqu’on saute là-dedans, ce n’est que célébration et joie dans l’autodétermination.
Que voulez-vous que les gens retiennent des spectacles que vous allez donner?
Laurie : Je ne sais pas, parce que je ne me place pas du côté du spectateur. Mais, ce sur quoi nous travaillons, c’est une performance très minimaliste et nous sommes très exigeantes. Nous travaillons sur le rythme, la répétition, nous faisons des gestes, différentes itérations encore et encore et encore. Ça n’a pas de sens! Et peut-être qu’à l’intérieur de ça, vous pouvez en être témoins. Recevoir un impact ou l’impression peut être de : “Je dois faire avec. Je dois faire face à ce que je regarde et comment je le regarde.” Et j’imagine que le ressenti sera différent selon le spectateur. Tout ça dans le contexte de voir deux femmes de couleur danser ensemble.
Justine : C’est surtout un rapport au sentiment. Je n’ai pas besoin qu’ils pensent, mais plutôt qu’ils gèrent ce qu’ils verront. Je le raconte à chaque fois, mais ma grand-mère qui vit dans le sud de Chicago, l’endroit où il y a la communauté noire la plus pauvre de Chicago, ne dit jamais: “Do you understand me?”, elle dit : “You feel me?”. Elle demande de la “ressentir”. Elle veut que tu ressentes ton rapport à elle et à ce qu’elle dit. Et je crois que c’est ce que nous voulons aussi dans notre travail.
One Hundred More
19-22 octobre 2022
à l’Agora de la danse – Édifice Wilder
Photo d’entête d’article: Gianmarco Bresadola