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Quand la création passe par le voyage, selon Marie Brassard

Quand la création passe par le voyage, selon Marie Brassard

La naïveté de l’enfance et la pureté de son authenticité, avant qu’elles ne soient confrontées aux différentes réalités sociétales, politiques, économiques, et à un certain apprentissage brutal, c’est la thématique dans laquelle le nouveau spectacle de Marie Brassard, intitulé Violence, veut nous plonger. Un spectacle qui sera présenté à l’Usine C du 10 au 20 mars 2022. 

Photo: Minelly Kamemura

Fêtant de concert les 20 ans d’existence de sa compagnie Infrarouge, l’artiste qui a fait ses armes au côté de Robert Lepage, s’est fait connaître à travers près d’une quinzaine de productions pour ses scénographies mélangeant poésie, projection vidéo, théâtre et danse. Comme toutes ses autres créations, Violence est le résultat de voyages, de rencontres et de collaborations. 

C’est à travers une discussion avec Marie Brassard que nous avons voulu connaître l’impact du voyage dans la création artistique, et de savoir comment gérer la direction de son contenu. Entrevue. 

On peut voir sur le site d’Infrarouge, deux publications qui amènent vers le spectacle. Vous avez voyagé, vous êtes ici et là… Ainsi, quelle place a eu le voyage dans la production de Violence ?

Même avant de créer ma compagnie en 2001, je travaillais avec Robert Lepage. Et ça a toujours été ça, du voyage. On a travaillé dans plusieurs pays et au fil du temps, j’ai des collaborateurs qui sont à l’étranger avec qui je continue de travailler. Je privilégie ça, garder le contact avec les autres cultures pour que finalement, l’art et l’art de la performance soient aussi une sorte d’outil d’échanges qui favorise la paix et la communication. 

Nous sommes une compagnie indépendante qui n’est liée à aucune institution, et comme nous n’avons pas d’espace pour travailler en tant que tel, j’ai réalisé que peut-être, la meilleure façon d’élaborer nos projets était de faire des résidences à l’étranger. Il y en a beaucoup à travers le monde. Et ce projet Violence a justement été créé lors de diverses résidences. 

Alors, nous sommes allés à Marseille en France, à Göteborg en Suède, à Tokyo et Kinosaki au Japon, et bien sûr à Montréal. Donc, c’est une belle façon de procéder, parce que dans ces lieux, on a souvent à notre disposition des salles qui sont bien équipées et dans lesquelles on peut s’installer, avec des durées variables. Ça peut aller d’une à deux semaines. Parfois 1 mois. Ainsi, nous sommes souvent un peu isolés du monde. On peut vraiment se concentrer pour créer et à la fin des résidences, on fait des présentations publiques lors desquelles on invite des gens. Ça nous force à créer un concept, quelque chose de concret pour nous aider à avancer. Donc pour moi, c’est vraiment une façon que je privilégie pour travailler, et dans le cas de Violence, ça a été poussé à l’extrême, évidemment à cause de la pandémie. 

Photos: Marlène Gélineau Payette

Au début, tu pars avec ton idée de base pour le projet. J’imagine que les différentes résidences ont chacune une influence sur le résultat final. Comment approches-tu ça ?

C’est une question très intéressante parce qu’effectivement, chaque ville où on passe laisse son empreinte sur le spectacle. Inévitablement. On fait de la création, donc notre vie de tous les jours s’insinue dans l’œuvre d’une certaine façon. On ne peut pas faire autrement que d’être influencé par notre environnement. Je dis souvent, lorsqu’on démarre un projet, nous ne sommes pas des commerçants mais des artistes. On ne créera pas pour vendre un produit alors à chaque fois, je veux que ça soit une expérience de vie.

Toutes les villes, dans lesquelles nous sommes passés, ont laissé leur empreinte et transformé le projet. Dans le cas de Marseille, par exemple, on était beaucoup au bord de la mer. Donc le décor a été très inspiré d’une plage à Marseille. 

En Suède, on s’est retrouvé dans une petite ville, complètement à la campagne où il y avait, dans le paysage, des peintures extérieures qui ont été dessinées par des Vikings il y a très longtemps. Donc, on avait toute l’histoire de la Suède en dessin… On a vécu des histoires extraordinaires. En même temps, le voyage nous fait rencontrer des diffuseurs de l’étranger qui peuvent décider de participer à la création en devenant co-producteurs ou diffuseurs.

Je comprends que vous procédez de la même façon pour chacune de vos productions. Comment faites-vous, lorsque vous avez déjà une idée de base, pour développer le projet en collaboration avec d’autres, sans que ça dénature la vision initiale ?

L’idée de base est constamment dénaturée et on aime ça comme ça ! Parce que sinon, je saurai déjà de quoi je veux parler et de quoi ça aurait l’air, et ce serait réglé. Alors, je souhaite ardemment que l’idée de départ soit dénaturée.

Tu veux du chaos et voir ce qui peut en sortir par la suite ?

Exactement ! On favorise ça beaucoup parce que c’est ludique aussi. L’art de la performance est un art ludique, un art de jeu et d’invention. Alors, j’essaie toujours qu’on s’aventure en terrain inconnu pour qu’on soit surpris, étonné et qu’on se retrouve dans des contextes qu’on ne connaît pas, avec des énigmes qu’on tente de résoudre ensemble. Et au final, proposer au public des œuvres étonnantes, inattendues et étranges. J’aime beaucoup l’étrangeté. Je trouve qu’il y a quelque chose dans ces œuvres qui ont un grand niveau d’étrangeté, ce qui amène les gens à vivre des expériences nouvelles et à déprogrammer les idées reçues. Comme par exemple, qu’on doive absolument comprendre une œuvre pour l’apprécier ou s‘y reconnaître pour l’aimer.

Écoutez l’entrevue avec Marie Brassard dans le balado #53 de Réflexions et Entrepreneuriat animé par Nelson Roberge.

Violence
du 10 au 20 mars 2022
À l’usine C
Billet disponible ici

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