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Énergie & créativité organique : Entrevue avec Isabelle Deprez, artiste visuelle

Énergie & créativité organique : Entrevue avec Isabelle Deprez, artiste visuelle

Artiste et designer graphique, Isabelle Deprez alias AKORANA crée des œuvres minimalistes composées de formes et de couleurs tout en harmonie. Ses créations au style onirique savent capter l’œil et laisser place à l’imagination. Celle qui se laisse porter par sa créativité nous parle de ses inspirations, de sa démarche et de ses défis.

Qui êtes-vous, quel est votre médium de prédilection et pourquoi?

Isabelle Deprez, née à Bruxelles avec un crayon derrière l’oreille! Après des études en arts plastique et graphique, j’ai eu la chance de faire quelques illustrations humoristiques pour le quotidien «Le Soir» (Belgique). Ensuite, pour des raisons alimentaires, j’ai œuvré au sein d’agences de communication et divers studios graphiques au poste de graphiste en Belgique au Luxembourg et au Québec.

Il y a 5 ans, j’ai crée mon studio graphique AKORANA, qui est aussi mon d’artiste, et j’en ai profité pour refaire une belle place à l’illustration. Le crayon et le papier seront à jamais mon médium de prédilection, ils sont le point de départ de chacune des mes illustrations. Ensuite, pour une question de temps, d’espace et de budget, j’ai opté pour le numérique… Je projette de sortir les pinceaux et l’acrylique, mais pour l’instant le medium est secondaire, le plus important est de véhiculer mon univers à travers l’illustration afin de transporter le public, le surprendre, l’interroger…

Énergie & créativité organique : entrevue avec Isabelle Deprez, artiste visuelle
Crédit: Isabelle Deprez (AKORANA).

Quelles ont été vos influences artistiques à vos débuts et quelles sont celles d’aujourd’hui?

Mes influences au début étaient principalement les peintres surréalistes, les primitifs flamands, les dadaïstes, les bédéistes de la ligne claire (Hergé, Schuiten…), puis j’ai découvert des auteurs hors catégorie avec des univers graphiques très personnels comme celui de Tardif, Loustal, Moebius, Manara, Trondheim… En réalité, je me rends compte que tous les univers qui nourrissaient mon appétit visuel autrefois demeurent les mêmes aujourd’hui avec un intérêt plus prononcé pour l’architecture, la photographie de nature, de nu féminin…

Comment organisez-vous votre horaire? Comment planifiez-vous le temps de cerveau disponible à la création et celui accordé à la gestion plus technique de votre entreprise?

Puisque j’offre des services graphiques, que je gère une boutique en ligne, que je fournis des boutiques pignon sur rue, je m’organise pour clôturer toutes les tâches et démarches administratives telles que la conception et la réalisation de documents graphiques, le service à la clientèle, la recherche et développement, la comptabilité, la gestion d’inventaire et la mise en production en début de journée.

Pour la création d’une illustration, c’est plus organique qu’organiser! Ça ressemble à une infusion de thé, il faut laisser le temps agir sur un élan d’idée, une vision. Elle peut avoir germé dans un rêve, elle peut avoir été déclenchée par une photo, un texte, une discussion ou une marche dans les bois. Lorsque la visualisation est claire et nette dans mon esprit, je décolle le crayon coincé derrière l’oreille et je prends mon bloc de dessins. Ensuite, je travaille mon œuvre jusqu’à ce que je sois complètement satisfaite de la dynamique des éléments, des harmonies de couleurs, de l’intensité de la texture, du message véhiculé ou de l’énergie qu’elle dégage. Très souvent, je perds la notion du temps quand je suis en processus créatif, j’oublie de manger et je peux dessiner jusqu’aux petites heures pour ne pas perdre le fil de ma vision d’origine.

Énergie & créativité organique : entrevue avec Isabelle Deprez, artiste visuelle
Crédit: Isabelle Deprez (AKORANA).

Quels sont vos meilleurs trucs pour mousser votre créativité?

Je ne provoque pas vraiment la créativité. Je la capte quand elle se présente par surprise. Il faut savoir être à l’écoute. La démarche qui me convient le mieux est justement le détachement, vivre des expériences fortes dans la nature ou avec des personnes authentiques, la méditation, l’isolement… Si je ne perçois rien, je ne crée rien.

Quels sont les outils indispensables pour passer une journée productive?

Les indispensables sont bien évidemment le papier, le crayon à mine HB2, le sketchbook, la gomme, le sharpie, quelques tasses de thé, un brin d’encens, une musique trippante ou des audios sur la métaphysique.

Quels ont été les principaux défis auxquels vous avez pu faire face en tant qu’artiste lors de vos débuts?

Quand j’ai débuté, j’étais focalisée sur les maisons d’édition jeunesse ou BD, les agences de communication, les journaux, je voulais décrocher un emploi stable dans le domaine. Mon manque d’expérience, une évidente immaturité de mon travail, un manque de confiance en moi ont fait que j’ai pas mal butiné dans le monde des petits boulots. Malgré cela, je ne me suis jamais éloignée complètement de mon objectif, j’ai toujours continué à dessiner, c’est grâce à ma détermination que j’ai eu quelques mandats pour des quotidiens, que j’ai fait quelques expos.

Crédit: Isabelle Deprez (AKORANA).
Crédit: Isabelle Deprez (AKORANA).

Quels sont vos principaux défis aujourd’hui et comment arrivez-vous à les surmonter?

Aujourd’hui, mon plus grand défi est le temps. Comment créer plus de temps dans une journée de 24 heures… Je m’intéresse beaucoup à la courbure du temps, paradoxalement apprendre à courber le temps prend du temps… Bref, je ne parviens pas à surmonter ce monstre alors je me félicite après chaque illustration d’avoir créé un temps suspendu dans le temps kronos.

Quelles ont été les personnes marquantes dans votre parcours professionnel?

Sans conteste mes parents, ce sont eux qui m’ont inscrite à l’académie des Beaux Arts dès l’âge de 7 ans! Mon père, qui était potier, m’a vraiment inspirée à travers son parcours artistique semé d’embuches, il était très créatif dans sa gestion des problèmes/solutions.

Quelle œuvre avez-vous réalisée dont vous êtes la plus fière et pourquoi?

Je me souviens avoir éprouvé un sentiment de grande fierté de quelques dessins en particulier lorsque je devais avoir 7 ou 8 ans, mais depuis je n’ai plus ressenti cette sensation. Actuellement, je dirais que j’éprouve un sentiment d’accomplissement après chaque dessin.

Quel regard posez-vous sur votre secteur d’activité au Québec par rapport à ce qui se passe ailleurs dans le monde?

J’ai le sentiment que le secteur artistique quelque soit la discipline, et ce, dans le monde en général est à la fois victime des nouvelles technologies, de la numérisation systématique, de la diffusion instantanée des œuvres facilitant ainsi le plagiat. La limite entre inspiration ou courant artistique et copié/collé est vraiment millimétrique. Toutefois la numérisation permet de produire plus rapidement des œuvres de haute qualité, et la diffusion sur le net permet de toucher un public international en peu de temps! Je ne m’en plains pas!

Énergie & créativité organique : entrevue avec Isabelle Deprez, artiste visuelle
Crédit: Isabelle Deprez (AKORANA).

Quel est le pire ennemi et le meilleur allié d’un artiste?

Les réseaux sociaux!

Que faut-il avoir pour atteindre votre point d’équilibre personnel?

La recherche de l’équilibre personnel est un exercice constant. La méditation, la respiration profonde, le lâcher prise sont des pratiques quotidiennes pour pouvoir transcender les obstacles quels qu’ils soient afin d’éviter de sombrer dans une spirale d’énergie involutive. En préservant une bonne énergie, je crée un bon équilibre qui me permet de créer loin des tumultes de la vie.

Que changeriez-vous, si vous aviez la chance de revenir en arrière?

Rien… je n’entretiens aucun regret. Je pars du principe que je suis responsable de mon cheminement, de mes choix et même si je n’ai pas choisi la voie de la facilité, j’aime évoluer au travers des obstacles qui prennent l’allure de jeu au fil du temps, et j’aime ma façon de sortir mon épingle du jeu.

Crédit: Isabelle Deprez (AKORANA).
Crédit: Isabelle Deprez (AKORANA).

Quel est le meilleur conseil qu’un artiste vous ait partagé?

J’ai une légère tendance à oublier les conseils, car je sais au plus profond de moi que nous sommes tous différents, uniques et qu’une formule peut être bénéfique pour une personne, mais pourrait s’avérer négative pour une autre… Comme je l’ai déjà dit plus haut, je fonctionne de manière très organique, à l’instinct, j’écoute essentiellement l’invisible.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite vivre de son art?

En matière de conseils pour vivre de son art, j’ai plutôt des leçons à prendre, car très sincèrement je ne vis pas exclusivement de mon art, j’ai pris la décision de travailler partiellement depuis la grande crise de 2019, car je suis monoparentale et je dois faire tourner mon moulin… Ce que je dirais, c’est qu’il faut savoir s’adapter à toutes les situations pour maintenir le cap et surtout ne pas se «victimiser», car il y a toujours des opportunités dans le chaos.

Isabelle Deprez – AKORANA

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