Même si elle n’a que quelques années d’expérience professionnelle dans le domaine, l’illustratrice Myriam Wares connait déjà une carrière impressionnante au Québec ainsi qu’à l’extérieur de la province. Ses œuvres, conçues comme une trame narrative, ont des airs de légende et de mythe où l’aventure et l’inconnu semblent briller.
Entrevue avec l’illustratrice au talent indéniable.
Qui êtes-vous, quel est votre médium de prédilection et pourquoi?
Je suis une illustratrice professionnelle native de Montréal. Je suis diplômée du programme d’illustration du Collège Dawson depuis 2018. J’ai décroché mon premier emploi dans le domaine comme illustratrice chez Poches & Fils, une compagnie qui produit des t-shirts avec poches illustrées. Un an plus tard, je me suis lancée à mon compte.
J’ai appris mon métier par des médiums traditionnels tels que le fusain, l’acrylique, la gouache, etc., des médiums moins courants dans l’industrie, pour des raisons de coûts et d’efficacité. J’étais même assez réticente à l’idée d’adopter le numérique comme médium principal, mais j’ai depuis développé un style que j’aime donc je n’ai aucun regret!
Quelles ont été vos influences artistiques à vos débuts et quelles sont celles d’aujourd’hui?
Lors de mon enfance, je me rappelle avoir été très marqué par les films animés de Michel Ocelot ainsi que les illustrations de M.C Escher. Je ne pense pas que je m’inspire activement de ceux-ci aujourd’hui, même si je remarque parfois, en rétrospective, leurs influences sur mon travail.
Aujourd’hui, c’est dur à dire. Il y a tellement d’illustrateurs contemporains que j’admire. J’essaie de me distancier du travail des autres par peur de faire inconsciemment du plagiat. J’essaie plutôt de puiser mon inspiration dans des sources extérieures au métier. L’histoire de l’art est une source inépuisable d’inspiration ainsi que la littérature et la mythologie.
Comment organisez-vous votre horaire? Comment planifiez-vous le temps de cerveau disponible à la création et celui accordé à la gestion plus technique de votre entreprise?
Je ne fais pas vraiment de distinction entre le temps que j’accorde à la création d’illustration et à la gestion. Mon horaire se dessine selon les besoins du jour. Je finis par tomber naturellement dans une routine similaire à un job de bureau traditionnel, mais avec une flexibilité additionnelle qui me permet de m’adapter à la charge de travail du moment. Certains jours terminent à 14 h alors que d’autres à 22 h.
J’apprécie beaucoup l’aspect plus technique de la gestion d’entreprise. Ça me permet de prendre du recul sur mes illustrations pour pouvoir ensuite les voir d’un œil nouveau.
Quels sont vos meilleurs trucs pour mousser votre créativité?
L’étape de conception d’une illustration est la seule étape qui requiert vraiment de la créativité, ensuite, c’est surtout de l’exécution. Dans mon cas, ça fini par être une étape assez courte par rapport au reste. Je dirais qu’il suffit d’être dans un environnement où il est possible de me laisser absorber dans un projet sans distraction.
J’ai l’impression d’être perpétuellement à l’affût d’idées et de concepts visuels, un peu inconsciemment. Donc, quand vient le temps de pondre des idées, une grande partie du travail est déjà fait puisque j’ai déjà une banque d’images mentales.
Quelles sont les outils indispensables pour passer une journée productive?
Une routine! Je pense que c’est la meilleure manière de surmonter le manque de motivation. Quand on est habitué à commencer le travail à partir d’une certaine heure, ça devient facile de le faire même si, certains jours, on en a moins envie.
Avoir un bureau en dehors de la maison aide aussi beaucoup avec la procrastination.
Quels ont été les principaux défis auxquels vous avez pu faire face en tant qu’artiste lors de vos débuts?
D’une certaine manière, je suis encore à mes débuts puisque je travaille depuis deux ans seulement. Quand j’ai quitté mon emploi pour me lancer à mon compte, j’étais un peu perdue. Je ne savais pas vraiment où et comment trouver des contrats, ni comment me promouvoir. Ce sont des choses que j’ai apprises au fur et à mesure. Ça m’a beaucoup aidée de regarder ce que les illustrateurs établis faisaient en termes de promotion personnelle. Avec le recul, j’aurais pu être mieux préparée avant de quitter mon emploi, mais les choses ont fini par bien se passer. C’est sûr que le début est toujours un peu maladroit.
Quels sont vos principaux défis aujourd’hui et comment arrivez-vous à les surmonter?
Aujourd’hui, c’est surtout la gestion de ma charge de travail. Je reçois beaucoup de contrats et j’en suis énormément reconnaissante, surtout lors d’une période où la pandémie complique les choses pour beaucoup de gens. Par contre, c’est facile de trop prendre de contrats, soit par peur d’en manquer ou juste par passion pour mon travail. Il m’arrive souvent de travailler jusqu’au soir et les week-ends pour finir un projet à temps. La vie sociale, les tâches ménagères et les loisirs finissent donc par en souffrir. Je me dis souvent qu’il suffit de mieux gérer mon temps, mais en fait, il faudrait peut-être juste apprendre à dire non!
Quel regard posez-vous sur votre secteur d’activité au Québec par rapport à ce qui se passe ailleurs dans le monde?
Dans mon cas, je dirais qu’environ 40% de mes clients viennent du Québec. L’Internet offre une ouverture sur le monde qui n’était pas nécessairement possible avant, ce qui entraîne des avantages et désavantages. Par exemple, il n’est pas nécessaire de vivre à New York maintenant pour avoir des clients américains, donc le Québec retient peut-être mieux son talent qu’à une autre époque.
Par contre, le marché mondial entraîne aussi une compétition mondiale. Au Québec, c’est un peu différent. J’ai remarqué une grande solidarité des entreprises d’ici, puisqu’elles tendent à favoriser les illustrateurs locaux, chose que je n’ai pas remarquée au Canada anglais ni aux États-Unis.
Quel est le pire ennemi et le meilleur allié d’un artiste?
Je pense que la pire chose à faire en tant qu’illustrateur est de tomber dans la comparaison excessive avec les autres. J’ai eu la chance d’atteindre une certaine maturité artistique avant d’avoir eu un compte Instagram pour la première fois. Je ne peux même pas m’imaginer ce que ça fait au moral d’être exposé aux meilleurs illustrateurs du monde entier, alors qu’on n’a pas encore eu le temps de se trouver soi-même. Il y a tellement de talent sur Internet, c’est trop facile de penser qu’on ne sera jamais à la hauteur.
Le meilleur allié d’un illustrateur, d’après moi, c’est une communauté. C’est peut-être un peu cliché à dire, mais ça fait une grosse différence. C’est important d’avoir des gens à qui poser des questions sur le métier, surtout lors de ses débuts. Dans mon cas, c’est en joignant Illustration Québec et en échangeant avec les membres que j’ai pu comprendre comment me lancer en affaires. Le fait de partager un bureau avec d’autres gens du milieu aide aussi beaucoup.
Que faut-il avoir pour atteindre votre point d’équilibre personnel?
Puisque j’ai la chance de faire ce que j’aime et d’avoir un contrôle sur mon horaire et mon environnement, c’est assez facile de sentir que j’ai un équilibre personnel. Le fait de ne pas avoir ce genre de contrôle peut facilement faire monter mon niveau de stress quotidien. C’est ce que j’aime d’être travailleuse autonome.
Sinon, il faut faire place à une vie entre les craques du travail! C’est un peu particulier en ce moment avec la pandémie, évidemment, mais je suis chanceuse au moins de vivre avec mon copain, donc de pouvoir prendre un verre et relaxer en bonne compagnie après une longue journée.
Que changeriez-vous, si vous aviez la chance de revenir en arrière?
À date, je n’ai pas fait de faux pas majeurs, du moins pas dans ma vie professionnelle! Peut-être que j’aurais dû passer moins de temps à niaiser au cégep. Je l’ai fait en six ans, ce qui avec le recul n’était pas du tout nécessaire.
Quel est le meilleur conseil qu’un artiste vous ait partagé?
«Apprends à dessiner avant de tomber dans la stylisation». Ça m’a beaucoup aidée d’avoir une formation plus traditionnelle en dessin d’observation. Ça me permet de passer moins de temps à essayer de figurer comment dessiner les choses et mettre mon énergie plutôt sur la conception des images. Je pense aussi qu’il est trop facile de rester pris dans un style si on n’a pas de bonnes bases en dessin, puisqu’on est forcément limité sur le plan technique.
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite vivre de son art?
Ça vaut la peine d’essayer et de persister, mais il faut aussi avoir un plan B. Il y a beaucoup de facteurs qui mènent à la réussite, dont certains sur lesquels nous avons du contrôle et d’autres non. Il faut aussi être conscient du fait que c’est un métier instable avec beaucoup de compétition, donc la réussite n’est jamais vraiment un acquis. Ceci dit, beaucoup de gens arrivent tout de même à bien en vivre! L’important est de travailler son portfolio et de le promouvoir avec confiance.