C’est l’histoire d’une reconversion. D’un couple de citadins qui plient bagage, quittent la ville avec leurs trois enfants et se partent un verger à Oka. Avec Nathalie Labonté, copropriétaire du domaine Labonté de la pomme, nous avons parlé de ce pari un peu fou qu’ils ont pris il y a quinze ans, son mari et elle. Attention, derrière la belle histoire, il est question de persévérance, de travail acharné et de résilience.
Les citadins reviennent aux sources
«Quand tu es citadin et que tu arrives en milieu agricole, tout le monde prend des gageures sur ta tête. Pour savoir combien de temps ça va durer cette folie-là!», raconte Nathalie Labonté avec le sourire. En 2004, son mari Sylvain Mercier et elle ont acheté une terre à Oka, dans l’intention d’implanter un projet agrotouristique. Historiquement, leurs familles sont originaires de la région, mais ni l’un ni l’autre n’a d’expérience du milieu agricole. Elle a grandi à Laval, lui à Montréal. Elle a une garderie familiale, il travaille dans l’imprimerie. «Une bulle nous est passée, on a voulu revenir à la campagne!»
Une bulle certes, mais avant d’acheter leur terre, le couple a pris deux ans pour se préparer. «On a travaillé chez des producteurs du coin pour se mettre dans le bain et évaluer la situation», temporise Nathalie Labonté, qui a également suivi un DEP en production agricole. «Le milieu est difficile, c’est ardu, ça demande de la persévérance et beaucoup de travail. Il faut être passionné.»
Les cinq premières années après l’achat du terrain, seule Nathalie est à temps plein sur le projet. C’est en 2010 que son mari quitte son travail. «Le gambling, il s’est fait à ce moment-là. On a fait le pari de laisser la stabilité du salaire pour accroître la rentabilité de notre entreprise.» Et c’est là que le projet a explosé. Dès 2011, le verger est lauréat régional aux Grands prix du tourisme Québécois.
Un conseil pour ceux qui seraient tentés de vivre la même expérience? «Se préparer! Si tu arrives trop rose, pas préparé, tu flanches, c’est sûr», précise d’emblée la propriétaire.

Agrotourisme et diversification des activités
L’achat de leur terrain, à flanc de montagne, a été motivé parce qu’il répondait aux besoins du projet que le couple avait en tête: un projet agrotouristique diversifié. S’y trouvait déjà une érablière et toute une variété de fruits. «Des pommes, des prunes, des poires, des cerises, des courges. Depuis le début, on a voulu diversifier notre offre», raconte-t-elle.
En 2007, Nathalie et Sylvain installent des ruches pour produire du miel. Plus tard, lorsque les enfants du couple grandissent et commencent à s’investir plus sérieusement sur le projet, ils lancent l’exploitation de l’érablière. Le tout de la manière la plus écologique possible. «On est dans tous les programmes de réduction des pesticides», affirme la propriétaire. Adopter les principes d’une culture raisonnée n’était pas une option: «On vit ici donc on ne veut pas vivre dans un environnement qui ne soit pas sain».

Le volet restauration, lui, s’est ajouté au fil du temps. Nathalie et Sylvain ont eu la bonne idée d’inventer le concept de cabane à pommes, en servant des repas dans une ambiance festive et conviviale, à l’image d’une cabane à sucre. «Il y a un bel engouement pour le concept, s’enthousiasme Nathalie. On propose un menu un peu plus haut de gamme, avec du jambon à l’os fumé sur place et beaucoup de fromages d’Oka.»
Davantage de transformation alimentaire, c’est d’ailleurs le projet d’avenir du verger. «Faut faire de la place à la relève», explique Nathalie. Les deux filles sont aujourd’hui bien impliquées auprès de leurs parents et particulièrement intéressées par le côté agroalimentaire.
S’adapter en temps de pandémie
En pleine saison d’autocueillette, voilà que la seconde vague de la COVID-19 oblige à nouveau le verger, situé en zone rouge, à s’adapter. Comment l’entreprise affronte-t-elle la crise sanitaire?
«Côté tourisme, je pleure», se désole Nathalie. Le verger accueillait notamment des visiteurs de l’international et a dû faire une croix sur ces clients-là. Mais elle relativise: «Par rapport à d’autres secteurs, on est malgré tout chanceux. Grâce à notre activité agricole, on est dans les services essentiels.» Ceci a permis de sauver la saison de la cueillette notamment, malgré un achalandage réduit.
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Reste que l’entreprise a dû s’ajuster et dépenser beaucoup d’argent depuis le printemps pour s’adapter à la situation. Des agents de sécurité ont été embauchés pour aiguiller la clientèle. La cabane à pommes offre des repas à emporter à défaut de pouvoir accueillir du monde en salle. Et les plantations du printemps ont été repensées pour proposer plus d’offre cet automne. À la place du maïs en grain qui sert à la construction d’un labyrinthe, par exemple, le couple a planté du maïs sucré pour la vente.
Il a fallu composer avec l’inconnu: «D’une semaine à l’autre, tout change. Tu ne peux pas savoir comment tu vas opérer. Tu veux être sûr de faire correctement», résume Nathalie. Mais c’est aussi l’histoire de l’agriculture. «Chaque année est différente, nous rappelle Nathalie. Chaque année amène son lot de difficultés et d’apprentissage. Disons que cette année est particulière!»