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Dans l’atelier de Mono Sourcil: La rue, une galerie à ciel ouvert

Dans l’atelier de Mono Sourcil: La rue, une galerie à ciel ouvert

Si vous n’avez pas remarqué la signature de Maxilie Martel-Racicot – alias Mono Sourcil – dans les rues montréalaises, vous avez sans doute croisé Animaux urbains, l’une de ses murales qui ornent la rue Rachel Est dans l’arrondissement du Plateau Mont-Royal.

Des têtes de chats, de chiens, la bouille ronde et l’œil en amande, l’habit chic dans les tons jaune et gris, jugent les passants d’un regard sérieux. Touche-à-tout, l’artiste visuelle fait la distinction entre muraliste et artiste de rue. Si le second titre lui convenait mieux à ses débuts, elle embrasse aujourd’hui le rôle de muraliste, maintenant qu’elle s’attaque à plus de projets d’envergure. Rencontre.

Murale «Animaux Urbains». Crédit: Art Public Montréal

Quelle est votre façon de procéder pour créer les murales?

En hiver je fais de la recherche pour l’été: programmes de subvention, festivals, endroits propices pour réaliser des murales. Quand je fais affaire avec des programmes de subvention, c’est toujours plus compliqué, car je dois monter mon projet de A à Z contrairement à un festival qui donne un budget, un mur et l’équipement.

Pour les projets complexes comme les subventions, je dois trouver un mur, faire un prérepérage avec Google Street view, aller voir les lieux et faire un travail de porte à porte pour contacter les propriétaires. Je monte ensuite un dossier, et au printemps, je prépare mon horaire avec les murales de l’année.

Quand une murale est sélectionnée je propose une maquette et une fois le projet accepté je prépare le mur. Je le nettoie et mets un primer qui scelle le mur pour ne pas que la brique ou le béton absorbe la peinture aérosol, ensuite je projette mon image ou je trace directement à l’oeil. Une fois que tout est tracé, je remplis mes couleurs. Je fais parfois affaire avec des assistants pour le remplissage, que je fais à la canette aérosol ou à la peinture latex, ça dépend de la dimension des personnages et de la surface. Je termine par le tracé final pour faire ressortir les formes et les détails. Je peux réaliser une murale grand format en une dizaine de jours environ.

«L’art de rue est un médium plus libre, plus intuitif et plus accessible puisqu’il est dans l’espace public.»

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans l’art de rue?

J’ai fait mes études en art visuel et je trouvais le milieu institutionnel très intellectualisé. L’art de rue a été ma porte de sortie, c’est une galerie directe à ciel ouvert. Je n’avais pas à passer par un processus de sélection pour afficher mon art.

À l’école on m’a souvent dit que je ne faisais pas de la peinture, mais plutôt de l’illustration, comme si ce n’était pas vraiment de l’art. Ça a créé un complexe, j’ai sous-évalué mon travail. Je me suis finalement rendu compte que j’avais envie de créer et de partager mes créations. J’ai commencé vraiment petit avec des autocollants, puis j’ai voulu faire plus grand d’année en année, car j’aime l’idée d’une image, selon le lieu, qui nous submerge. Je trouve le format de la murale propice à la création d’une espèce d’œuvre qui vous enveloppe.

Quels sont les défis que vous rencontrez en tant que travailleuse autonome?

Rester constante. C’est tentant de faire autre chose que son travail d’artiste et de se laisser décourager par les critiques quand on commence. L’un des défis est de trouver sa place et de l’accepter comme elle vient, de continuer à croire en soi. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux on est constamment confrontés aux visuels d’autres artistes avec lesquels on se compare. Ça peut être décourageant, mais ce que tu fais en tant qu’humain, tu es la seule à pouvoir le faire de cette façon.

Quelles sont vos principales inspirations?

Mes inspirations viennent de cartoons que j’écoutais plus jeune, de mon quotidien, des gens que je croise. Je ne reproduis pas quelqu’un que je vois dans la rue, c’est plus une ambiance.

Ça fait une dizaine d’années que je fais ça alors mes inspirations ont évolué. Au début j’étais intéressée par les hommes d’affaires, ce qui englobait la routine et le stress du travailleur lambda. La plupart de mes personnages étaient angoissés, crispés, naïfs. Je ne dessinais que des hommes! Je trouvais ça un peu cliché une femme qui dessine des femmes, mais finalement je me suis dit que j’allais en mettre et j’ai commencé à inclure toutes sortes de personnages.

«Je veux montrer une forme de diversité, culturelle comme émotive.»

Au début je n’étais pas payée, donc je faisais ce que je voulais, mais il a fallu s’adapter aux demandes. J’ai gardé mon esthétique angoissée en incluant des personnages plus heureux. Aujourd’hui, toutes mes réalisations rejoignent le thème du rassemblement, qu’il soit heureux ou négatif, comme la colère d’une manifestation. Chacun de mes personnages est différent, c’est une communauté multiculturelle avec toutes sortes d’émotions. Si tu te promènes dans le métro, ce n’est pas tout le monde qui a un sourire dans la face ou qui est triste. Je veux montrer une forme de diversité, culturelle comme émotive.

Maxilie Martel-Racicot et son bras immobilisé devant sa murale faite à Miami en Floride lors du Basel House Mural Festival en 2018. Crédit Carlos Oliva.

Laquelle de vos œuvres vous a particulièrement marqué?

La dernière que j’ai faite en Colombie-Britannique à Kelowna. C’était le plus gros mur que j’ai fait, avec un délai serré. Le mur était vraiment le fun, car il était long et assez haut. Il y avait cette impression d’être constamment surveillé par les personnages en marchant à côté. Je voyais les montagnes autour avec des paysages vraiment différents de Montréal.

La murale que j’ai faite au Basel House Mural Festival en 2018 en Floride m’a aussi beaucoup marqué. Deux jours après mon arrivée je me suis disloqué le coude gauche. Je suis gauchère donc je ne pouvais plus utiliser mon bras principal, mais j’avais déjà tracé mon sketch initial. J’ai tout rempli avec mon bras droit et mon copain, qui fait aussi des murales, m’a aidé pour le remplissage et a fait toutes les lignes finales des personnages. La situation était drôle; je lui donnais des directives, car lui – qui dessine habituellement des portraits réalistes de type photographique – regardait mon sketch et le reproduisait tel quel. Quand je le fais, je modifie des choses au fur et à mesure, j’y vais au ressenti.

🎨Mono Sourcil

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