Redonner un second souffle aux meubles, c’est la mission que se sont donnée la designer textile Emanuelle Dion et l’ébéniste et rembourreuse Isabelle Bergeron. Ensemble, elles créent Foutu tissu en 2007. Depuis mars dernier, la designer qui désormais opère seule, a lancé Très dion, une série de pièces d’art utilitaire pour la maison. Rencontre.
«Le côté récupération, donner une deuxième vie à un meuble, me plaît vraiment beaucoup, souligne Emmanuelle Dion. Je trouve aussi que le meuble est une bonne manière de mettre le tissu en valeur, de travailler le motif, de le voir sur une grande pièce. […] Ça me permet de travailler avec des matériaux qui sont plus locaux et d’une manière plus écoresponsable.»
Il y a 13 ans, grâce à des subventions, notamment de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEQ), les deux femmes se lancent dans l’aménagement d’améliorations locatives, participent à des salons et acquièrent plus d’équipement.
Main d’œuvre rare
Isabelle Bergeron quitte Foutu tissu en 2017. Mais Emanuelle Dion est encore bien entourée avec les deux rembourreuses qui travaillent à ses côtés. «Étant donné que la main d’œuvre est difficile à trouver, je veux avoir une petite équipe que je garde longtemps. La formation est offerte à l’école Père-Marquette et je crois qu’elle est en arrêt parce qu’il n’y a pas assez d’étudiants. C’est une formation qui est très courte, donc les étudiants n’ont pas le temps d’apprendre beaucoup de choses et chaque meuble est tellement différent… Le métier de rembourreur, ce n’est pas juste de défaire et refaire un meuble, c’est aussi beaucoup de couture», rapporte l’artisane.
L’entrepreneure indique que ce métier est encore d’actualité, et depuis quelques années, elle sent un intérêt accru pour la seconde main et la rénovation. «Avec les plateformes Kijiji ou Facebook Marketplace, il est facile de trouver un meuble vintage, qui a du cachet, avec du bois de qualité, relève Emanuelle Dion. C’est une nouvelle tendance: les gens nous envoient des photos pour savoir combien coûterait sa remise à neuf avant de se décider à l’acheter.»
«Ce qui m’inspire, c’est l’usure du temps, donc des matières qui sont érodées, rouillées. C’est une recherche de textures. Je ne suis pas du genre très épurée. J’aime les accumulations, peut-être plus le monde urbain aussi.»
La transformation requiert ensuite beaucoup d’heures de travail et de sur-mesure, bien qu’elle s’appuie sur un gabarit, donc elle inclut un certain coût. «C’est long de défaire un meuble parce qu’on ne rembourrera pas par dessus ce qui existe. Il faut donc tout dégarnir et ensuite tout refaire. D’un tissu à l’autre, on peut rencontrer des difficultés. On essaye d’être le plus possible dans une soumission fixe, mais on a souvent des surprises qu’on ne charge pas aux clients», témoigne-t-elle.
Si son savoir-faire lui permet de réparer tout ce qui lui est présenté, cela n’en vaut pas toujours le coût. «Il y a des choses qui ne valent pas la peine d’être refaites, des choses qui sont faites de manière cheap, avertit l’entrepreneure. Il ne faut pas que les gens s’attendent à payer moins cher à les faire recouvrir plutôt que d’en acheter des neufs. On ne peut pas égaliser notre main d’œuvre avec l’industrie en Chine, par exemple. Il faut donc vraiment un meuble de qualité, auquel on est attaché, pour le remettre à neuf.»
Faire appel à ses services permet d’encourager l’économie locale et d’avoir des matériaux plus sains. Pour ce faire, la demande de soumission accompagnée de photos est la démarche la plus adéquate. L’artisane indique en traiter une cinquantaine par semaine.
Distinction des volets
«Foutu tissu a toujours fait de la remise à neuf de meubles et de banquettes, on a toujours eu une équipe et ça fait 10 ans qu’on est dans le même local sur Masson. C’est très stable et très agréable. C’est vraiment le côté produit qui évolue. Au début, on avait une grande table de sérigraphie, il y a maintenant le numérique et tout un avancement dans la technologique pour la création. C’est comme s’il n’y avait plus de limite de couleurs, de textures», s’enthousiasme la designer.
Pour aller encore plus loin dans la création, Mme Dion scinde son travail aujourd’hui en deux plateformes: Foutu tissu pour le rembourrage et Très dion qui présente une gamme d’art utilitaire pour la maison comme du linge à vaisselle, un cahier de notes, ou encore un panier.
Son objectif est de pouvoir développer davantage de motifs, élargir les tailles des canevas et leurs formes. Sa démarche lui permet aussi de s’ouvrir à des collaborations. Elle propose par exemple avec Atelier Tréma, un pot à sirop d’érable en céramique inspirée de la chaleur du Mexique, de ses tissages et perlages.
«Je m’inspire beaucoup des voyages, malgré la gestion que demande une compagnie, raconte l’entrepreneure. Ce qui m’inspire, c’est l’usure du temps, donc des matières qui sont érodées, rouillées. C’est une recherche de textures. Je ne suis pas du genre très épurée. J’aime les accumulations, peut-être plus le monde urbain aussi.»
La matière qu’elle apprécie le plus au moment de l’impression, c’est le velours, qu’elle décrit comme étant chaleureux et lumineux. Elle se réjouit également d’avoir trouvé une compagnie canadienne qui imprime sur des matières naturelles, ce qui lui permet de faire des linges à vaisselle 100% en lin.
✂️ Foutu tissu
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