Comment placer le patient au centre de son écosystème de soin? C’est avec cette problématique que Manu-Eva Schalk a fondé il y a trois ans l’application web montréalaise, Healthya. Si au début il s’agissait principalement d’un travail de recherche et développement, le résultat est aujourd’hui disponible en version bêta auprès de 70 praticiens et sera commercialisé au Québec le 6 mars prochain.
Healthya est à l’image des dix dernières années parcourues par Manu-Eva Schalk, notamment sa maîtrise en santé publique en partenariat avec l’Organisation mondiale de la santé et ses emplois comme gestionnaire de projets.
«Elle est née de mes propres besoins et de ceux de mes proches qui peuvent avoir des maladies chroniques, du stress, un certain mal-être et qui vont s’intéresser au yoga ou à d’autres approches qui vont les accompagner en parallèle de la médecine conventionnelle qui est toujours dans le traitement, mais pas toujours dans la prévention et selon moi, assez limitée. Elle ne considère pas l’humain dans son entièreté», considère la fondatrice.

Cette plateforme de collaborations peut être apparentée à un carnet de santé qui donne plus de place à l’humain avec une vue d’ensemble, autant médical que paramédical. Elle permet au patient de ne pas se répéter et de ne pas oublier des données lors de ses visites, en plus de pouvoir ajouter lui-même de l’information comme inscrire l’évolution de sa douleur.
«On veut l’aider à reprendre le contrôle sur ses données personnelles et médicales, explique l’entrepreneure. Le droit médical, aujourd’hui, dit que le patient est propriétaire de son dossier médical. S’il le demande, le médecin n’a pas d’autre choix que de lui donner, sauf s’il est jugé cliniquement inapte à recevoir cette information. Mais cette exception a plus tendance à être la règle.»
Elle espère aussi favoriser une convergence des médecines, faire plus de place à diverses approches de la santé et offrir une traçabilité de leur travail en vue d’avoir une meilleure reconnaissance.
«Au Québec, on est très en retard par rapport au reste du Canada, insiste Mme Schalk. Un naturopathe en Ontario va faire une thèse en naturopathie, il doit avoir fait au minimum un baccalauréat en Biologie, il est encadré, il a un diplôme qui est reconnu et il peut pratiquer dans un cadre légal. C’est casser un peu le dogme et le lobby pharmaceutique.»
Étapes préalables
L’idée de devenir entrepreneure en lien avec la médecine lui est apparue en septembre 2016. Il lui a fallu 8 mois, en plus de son travail, pour penser au design du concept, faire son étude de marché et de problématique. La recherche et développement du produit a ensuite commencé et dès la création du prototype alpha, elle a pu constituer des focus group, en plus d’entrevues avec des praticiens et des patients pour améliorer le produit.
L’engouement s’est fait ressentir dès septembre 2018 et, cette même année, la Montréalaise s’est lancée à temps plein dans Healthya. Elle se bâtit une communauté en ligne, lance une campagne de sociofinancement en janvier 2019, puis fait appel à la presse pour se faire connaître.
Son équipe compte aujourd’hui 3 autres membres, son conjoint qui s’occupe surtout de l’aspect communication et deux développeurs.
«Le droit médical, aujourd’hui, dit que le patient est propriétaire de son dossier médical. S’il le demande, le médecin n’a pas d’autre choix que de lui donner.»
Évolution du produit
«On va commencer avec un modèle B2B2C [business to business to customer]. L’idée est de travailler avec des associations, des ordres reconnus. On est déjà dans un processus de négociations pour toucher au maximum les praticiens et qu’eux, lors de leurs consultations, puissent parler d’Healthya à leurs patients, s’il le juge pertinent. [La première communauté attendue est des personnes atteintes de cancer, de douleurs chroniques, ou encore de maladies chroniques.] Par la suite, il sera possible que les patients et praticiens puissent s’inviter», informe la fondatrice.
Elle ajoute que l’un des grands enjeux du produit est l’importance d’identification des usagers, la validation de cette identité et la sécurité des données.

«On dit toujours qu’un produit prend 10 ans à être complètement mature et construit, souligne-t-elle. J’ai déjà un plan pour la version 2,3,4 [comme avoir un avatar interactif en 3D ou implanter plus d’intelligence artificielle]. Je sais vers quoi je veux aller, mais pour le moment ce qu’on est en train de construire s’appelle un minimum viable product. C’est la version la plus simple, mais la plus convaincante du produit pour qu’il aille le plus rapidement sur le marché, que l’on puisse mesurer son impact et sa pertinence, sans mettre des fortunes.»
L’accès payant prévoit un forfait mensuel ou annuel pour les professionnels et un autre pour le public. Manu-Eva Schalk considère qu’un indicateur positif serait d’atteindre 3 000 usagers après 6 à 8 mois de commercialisation.