Habiter les territoires géographiques, spirituels et imaginaires du Québec en musique. C’est cette proposition qui anime le compositeur, guitariste et poète Sébastien Sauvageau et son ensemble L’Oumigmag.
L’Oumigmag signifie en inuktitut un animal sauvage, au sens le plus fort du terme: le bœuf musqué. Le groupe cherche l’âme de la bête tantôt dans la contemplation tantôt dans l’énergie pure du mouvement.
L’album double Habitant lancé le 6 septembre dernier fait suite à cette chasse entamée avec Territoires (2017) en explorant les racines musicales du Québec.
Sébastien Sauvageau a remanié l’ensemble pour en faire un sextuor étonnant comportant guitare/mandoline, violon/viole d’amour, saxophone/clarinette basse, contrebasse/basse électrique et deux batteurs et percussionnistes. À l’image de sa musique qui métisse le jazz contemporain, la musique traditionnelle à des sonorités de musique contemporaine classique, Sébastien Sauvageau partage avec Baron l’intimité de sa cuisine.
Peux-tu nous parler un peu de toi et de ton parcours?
Certainement! Je me décrirais d’abord comme un curieux et un passionné: de musique, de relations, de poésie et de nature. Ce sont les fondements de ce qui m’anime et m’occupe dans la vie: composer de la musique, la partager avec mon ensemble l’Oumigmag et le public, enseigner, écrire, m’impliquer dans ma communauté (j’habite Lanaudière), marcher dans le bois, jardiner.
Je suis compositeur, guitariste et poète. J’aspire à créer des espaces sonores ressourçants et inspirants tant pour les musiciens qui les interprètent que ceux qui reçoivent cette musique en concert ou en enregistrement.
Comment décrirais-tu ton univers musical?
J’ai à coeur de faire une musique qui touche les gens et les inspire. Il y a une bonne dose d’exploration, mais toujours le souci de communiquer, de partager. Ce qui me touche dans la musique, qu’elle soit tirée d’un air ancien ou d’une technique contemporaine, c’est l’espace et l’horizon qu’elle contient et c’est ce que je souhaite faire passer en premier.
Quelle est ta relation avec la nourriture?
Cuisiner et manger sont des actes importants avec une portée éthique, mais aussi bien sûr une célébration des sens et de la relation.
Le moine vietnamien Thich Nhat Hanh a déjà écrit que si on est poète, on remarque le nuage qui flotte au-dessus d’une feuille de papier comme le nuage fait la pluie qui à son tour fait l’arbre puis le papier. De la même façon, j’aime bien prendre un temps pour voir tout ce qui participe à un plat, le soleil, les milliers d’organismes décompositeurs qui font l’humus, la pluie, les artisans (cultivateurs, boulangers, brasseurs), leurs gestes.
Ma copine est maraîchère de légumes biologiques, alors ça change le regard sur les aliments. J’essaie le plus possible de m’approvisionner en aliments locaux, frais et équitables (quand ça vient de loin).
Es-tu aussi doué derrière les fourneaux que sur une scène?
Quel genre de musique écoutes-tu lorsque tu cuisines?
Si L‘Oumigmag était un plat/une saveur, quel serait-il/elle?
Tout ça servit avec une petite touche d’humour, parce que c’est important de pas trop se prendre au sérieux!
Si Habitant était une recette, quels en seraient les ingrédients?
⅓ de musique vaste et planante aux accents jazz
⅓ d’air traditionnel qui touche une fibre profonde et ancienne
1 guitariste compositeur qui passe 3 ans à fréquenter avec bonheur les veillées de musique traditionnelle, deux à écrire de la musique au bord du fleuve et dans Lanaudière.
600 tasses de thé du Camellia Sinensis (oups une plug)
Beaucoup, beaucoup de journées de studio et de recherche.
Mélanger de façon inédite les airs traditionnels, les techniques d’écriture contemporaines et l’impro.
Laissez fermenter en plusieurs résidences de création et vous avez une musique bien vivante qui cherche à habiter les territoires et les traditions du Québec, à sa façon.
Ton dernier repas et la dernière musique que tu écouterais… Si tu devais mourir demain?!
J’écouterais du Dhafer Youssef, un chanteur et joueur de oud tunisien, sa musique contient tellement d’espace, ça nourrit l’âme. Ou bien, tiens, je m’en permets un autre: les chansons «Julep» et «Forgotten» des Punch Brothers. Les textes sont tellement puissants, ils me mettent un peu plus en paix avec la mort… c’est fort la musique!
Quel est ton plus gros «fail» culinaire?
Début vingtaine, j’ai développé une théorie culinaire novatrice: la technique de l’ingrédient secret. L’idée était d’incorporer en douce un ingrédient qui n’avait aucun rapport avec le plat cuisiné, mais qui devait le rehausser de façon étonnante. Je ne sais pas s’il y a eu des fois où ça a été fructueux, mais mes amis me rappellent encore la fois où j’ai gâché une recette entière de pâtes aux fruits de mer en y mettant des morceaux de banane… De la cuisine moléculaire ratée.
…Et ton plus gros «fail» musical?
Ouf! Vraiment pas glorieux. Je suis ado – c’est mon premier concert de guitare – je joue «Tears in Heaven» d’Eric Clapton. Je suis accompagné pour la première fois par deux musiciens, un bassiste et un guitariste. Le développement de mon sens du tempo était très embryonnaire, pour ne pas dire douteux… Après une minute souffrante d’une complexité rythmique inégalée (on n’est pas du tout ensemble), je dois m’arrêter parce que je ne comprends plus rien. On a essayé de repartir trois fois et je n’ai jamais réussi à finir la pièce. Dure première!